Julius.
Alangui sur les draps soyeux sur lesquels je me suis laissé tomber, drapé d'une simple serviette à ma taille après avoir pris une douche, je réfléchis. Je songe à celui que j'ai abandonné dans la chambre de mes appartements, à ce loup qui cherchait à ronger l'anneau de sa captivité. A cette silhouette, nue, qu'il avait dévoilée à mon regard sans l'ombre d'une pudeur, sa chevelure sombre que l'éclairage laissait scintiller d'une subtile rougeur rappelant ce liquide carmin que j'affectionne tant. Je souhaiterais que les billes d'un bleu insondable n'apparaissent pas lorsque je ferme les yeux, mais elles sont là, comme figées sur mes paupières, me permettant de glisser sur sa silhouette dont j'ai déjà mémorisé les courbes. L'oméga est d'une beauté rare qui plairait à mes congénères, que ce soit pour la reproduction ou l'amusement, mais ce n'est pas ce qui a retenu mon attention. Non, c'est ce sens de la répartie sur particulier. Mon cadeau m'intéresse.
Je grogne de mécontentement, venant poser mon bras sur mes yeux clos. Julia ne doit pas l'apprendre ou elle ne me lâchera plus, s'imaginant déjà avoir enfin obtenu un résultat. Ce n'est pas parce qu'il a su éveiller mon intérêt plus de trente secondes que cela va fatalement se terminer au lit, avec un héritier à la clé. Surtout que... mes lèvres s'étirent sous un sourire amusé rien que d'y penser, il a menacé de se transformer en loup pour m'éviter de le toucher. J'ignore tout de cet être, mais il est amusant, c'est une certitude.
Aucun autre oméga ne m'avait servi leurs histoires à dormir debout nous concernant, mais tous n'avaient pour but que de faire ce qu'ils savaient faire de mieux dans leur meute : s'offrir charnellement et sans limite. Si j'avais été Altaïr, sans doute que cela m'aurait satisfait, à la condition de me trouver devant une femme. Je connaissais les goûts de mon frère lorsqu'il était encore en vie. La soumission la plus abjecte, la plus parfaite, et les soupirs sans fin qu'il arrachait à leurs lèvres gourmandes. Tout aurait été plus simple si j'avais été comme lui. Mais je ne l'étais pas.
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La sensation de pression revient. Mes songes n'ont jamais été reposant. Cela se saurait, sinon. Oui, j'ai du m'endormir en réfléchissant, et cela n'a pas donné de sommeil réparateur. Il est tard, pourtant, je le constate d'un regard vers la baie vitrée aux rideaux restés tirés. L'astre du jour est déjà haut dans le ciel, inondant la pièce de ses rayons brûlants. Ils ne me feront rien, contrairement aux autres Strigoï. Je fais parti de la royauté, je suis un sang pur, nous ne sommes pas des vampires lambdas. La voix de l'un des autres royaux me revient à cet instant, comme tonnant trop fort à mes oreilles : "Il est temps que tu produises un héritier, Julius. Il s'agit de notre devoir. Ou préfères-tu expliquer à ta lignée pourquoi, lorsque tu trépasseras, leur vie aura une échéance à court terme ?"
Un grondement s'élève de ma gorge à cette simple pensée. Bien sûr que j'en ai conscience. Mais que suis-je sensé faire alors que je n'y arrive tout simplement pas ? Ce n'était pas comme si je n'avais pas essayé de me forcer. Mais notre nature n'est pas ainsi faite. Nous ne sommes pas humains ou loups. Notre corps fonctionne différemment. Il faut que le désir soit présent. C'est notre malédiction. Enfin, disons plutôt qu'elle est la mienne, puisque je n'en ai jusqu'ici jamais éprouvé pour un oméga capable de porter ma progéniture. Lyes en est, par exemple, incapable. Trop strigoï, pour que les choses puissent être simples.
A peine je pense à lui, que sa fragrance me parvient, faible mais présente, derrière la porte contre laquelle j'entends un grattement diffus. Je sais qu'il est là, tout comme il sait que je suis réveillé. Les vitres sont résistantes. Les vitres sont protégés pour que les strigoï ne risquent rien en s'exposant aux rayons mortels qui les frappent avec indifférence. Je reste silencieux, le regard frappant le battant de bois immobile.
- Julius ?
- Entre. que je soupire en détournant les yeux.
La porte s'ouvre, sans le voir de mes propres yeux, je l'entends comme un félin trop attentif sur ses draps. Je fais attention à ses pas que je perçois avec trop d'acuité.
Lyes. Que dire de lui ? Comment expliquer qu'à chaque fois que je le vois je sens comme un tiraillement dans ma poitrine. C'est moi qui lui ait donné le baiser de l'éternité. Moi qui ai fait un strigoï par pur égoïsme. Il était intelligent, lorsqu'il était humain. J'aimais sa compagnie et refusais de m'en passer, alors sans lui demander son avis, j'en ai fait un membre de ma lignée. Car c'est ainsi que fonctionne le monde des vampires. Mais il ne m'en a jamais voulu, bien au contraire. Sauf que voilà, sa chevelure argentée désordonnée, ses yeux vairons, prunelle orange, prunelle bleue... L'oméga. Pourquoi je pense à lui subitement ? Pourquoi c'est à son regard que je pense ? A ses lèvres pincées de contrariété ? A son doigt levé comme s'il pouvait quoique ce soit contre moi ?
- Julius ?
Il murmure, le nouveau venu qui se glisse lascivement sur le lit, sa main arpentant sans honte les muscles de mon torse pour venir ramper sur ma gorge, capturer mon menton et m'inciter à tourner mon visage, mais surtout mon regard dans sa direction. Supplique muette de ce qu'il n'a jamais cessé de vouloir : regarde-moi, Julius. Ne regarde que moi. Toujours.
Alors j'obtempère et laisse mes iris glisser sur ses traits tirés. Ses lèvres viennent cueillir les miennes et je réponds à son baiser par habitude. Cela manque de passion. Cela manque d'intérêt.
- Tu penses à lui ?
Mon regard se plisse, mes sourcils se froncent, ma langue claque.
- De quoi est-ce que tu parles ?
Une question qui marque mon début d'agacement.
- De l'oméga. Il te plaît ?
Question à double tranchant dont il craint la réponse autant qu'il l'espère. Comme tout membre de ma lignée, son salut dépend de ma capacité à procréer avec l'un d'eux. Mais il ne veut pas qu'un autre soit capable d'éveiller mon intérêt. Il déteste l'idée qu'il en a perdu le talent. Car il la voit dans mes yeux depuis quelques temps, cette lassitude qu'il déteste tant. Si son coeur battait encore, il battrait pour moi, il me l'a juré tellement de fois.
Lyes. Il le détesterait déjà, ce loup, s'il savait qu'il avait capté mon attention, ne serait-ce qu'un instant. Je grogne et me dégage de sa prise pour détourner le visage à l'opposé du sien.
- Ce n'est pas grave si c'est le cas. Nous avons besoin de lui. Baise-le. Laisse-le porter ton fils. Puis nous nous en débarrasserons.
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Mot de l'auteur :
Pardon pour le délais de publication. J'ai souffert, je pense, du syndrome de la page blanche. Mais j'espère que ce nouveau chapitre vous plaira.
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Ne m'entrave pas - T.1 J&S (bxb)
RomanceSameo est un loup-garou. Julius est un vampire. Leurs races respectives se livrent une guerre ancestrale, mais pas pour ce que vous croyez. Les vampires royaux, ces sangs bleus douloureusement puissants, ont besoin d'omega pour se reproduire... ces...