09. Réunion de famille

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Julius.

Après ma dernière discussion avec l'oméga, j'avais pris la direction de mon bureau pour vérifier les différents dossiers et documents qui s'étaient accumulés durant mon absence. Cela faisait déjà quelques temps que j'épluchais les divers documents lorsque l'on frappa à ma porte. Je n'avais pas besoin d'ouvrir la porte pour discerner que ma sœur et ma mère se trouvaient derrière Lyes, qui se permit d'ouvrir sans attendre mon aval. Il avait cette position particulière à mes côtés qui lui en donnait le droit, et ce fut d'ailleurs avec habitude qu'il s'effaça pour laisser entre les deux femmes, avant de refermer derrière lui et de venir tout naturellement se placer à ma droite, une main s'échouant sur mon épaule alors que je me laissais retomber contre le dossier confortable de mon fauteuil.

- Mère, Julia, quel bon vent vous amène ?

Question de pure courtoisie, puisque je savais que ma mère avait dans l'idée d'obtenir les réponses qu'elle n'avait pu avoir à mon retour : que s'était-il dit lors du conseil ? Je pouvais sentir l'un des doigts de Lyes caresser doucement la peau dévoilée par ma chemise, adoucissant une humeur maussade d'avoir été dérangé dans mes affaires pour parler d'une chose qui m'agaçait religieusement. Il me connaissait suffisamment pour savoir combien tout ce qui m'avait échu à la mort d'Altaïr était un fardeau à mes yeux. Fatalement, il se doutait de ce que le conseil avait pu évoquer, puisque c'était une préoccupation qui restait omniprésente au sein de toute ma lignée. 

- Tu le sais bien, Julius. Qu'a-t-il été dit et décidé lors du conseil ? 

Je ne peux pas me dérober à cette réalité. Je suis certes à la tête de tout ce qui est à nous, mais Julia est mon bras droit, et ma mère... reste ma mère. Nous sommes tous de sang royal, des sang pur au sein des vampires. Je le leur dois. Mais agacé par le contact de Lyes, je me redresse et chasse sa main d'un geste discret de l'épaule pour lui éviter d'être trop durement jugée par les deux femmes ici présentes. Je me raidis imperceptiblement et scrute leurs regards du mien, mes responsabilités m'écrasent, m'étouffent, et rendent mon éternité plus douloureuse. Altaïr me manque. La douleur resserre ma gorge l'espace d'un instant, avant d'inspirer une gorgée d'air vicié. 

- Nous avons parlé de la problématique lupine. La race semble se porter au mieux, et se reproduit plus vite que nous. Ils risquent d'être un problème pour pouvoir nous procurer facilement des omégas, tôt ou tard. Ils ont évoqué la possibilité de concevoir une meute sous notre contrôle, ou d'en éradiquer quelques-unes. 

La décision finale n'a pas été prise, mais les options ont été évoquées, suggérées. Il faudra que nous réagissions. Sans doute faudra-t-il épurer la race, comme les humains le font avec la chasse de certaines espèces. De même, l'idée de tenter de nous constituer un cheptel d'omégas en constituant une meute n'est pas une idée déplaisante dans les faits, et simplifierait l'accès à cette denrée nécessaire aux sangs purs que nous sommes. A ceci près qu'il faudra les garder sous contrôle, et les loups... l'expérience a déjà été tentée, vainement, des siècles plus tôt. Mais l'expérience est mère de ressources, et cela nous permettra peut-être d'éviter de reproduire les mêmes erreurs. 

- Et quoi d'autres ? suggère-t-elle en dardant sur moi un regard sans équivoque.

Je sais de quoi elle veut parler. Mes doigts se resserrent sur l'accoudoir, alors que je me tourne vers Lyes.

- Sers-moi un verre, veux-tu.

Il hoche la tête sans discuter, mais me porte un regard où je perçois de l'inquiétude. Celle de me perdre ? Celle que je refuse de me plier à ce qui pourrait les sauver ? Celle que je me sente mal face à tout ça ? J'ignore ce qui lui trotte dans la tête, mais je ne m'y appesantis pas. Sameo est dans ma chambre, et je lui ai laissé deux semaines pour m'intéresser. C'est déjà le cas en quelque sorte, puisqu'il me plaît. Mais je n'ai pas encore le corps qui flanche pour sa silhouette particulièrement désirable, je le sais.

- La reproduction de la royauté a été évoquée comme une nécessité pour que nous puissions conserver notre nombre et notre force. Il m'a été demandé de faire ce qu'il fallait pour ma lignée.

Et rappelé qu'il s'agissait-là de mon devoir maintenant qu'Altaïr avait échoué à le faire. Sans quoi, les miens, disparaîtront. Réalité dont j'ai douloureusement conscience. Lyes s'était même proposé d'être là lorsque je m'occuperai d'un oméga, de n'avoir le regard ancré que dans ses yeux, mais l'idée m'avait débecté plus qu'autre chose. Il faut que Saméo parvienne à m'intéresser pour que tous puissent être satisfaits. Lyes me tend un verre dont je m'empare et en avale la moitié d'un trait sous le regard appuyé de ma famille.

- Et qu'en est-il de mon cadeau ? J'ai entendu dire que tu le gardais, c'est vrai ? s'enquiert ma sœur.

J'hoche la tête dans une première seconde.

- Oui. J'ai décidé de lui laisser deux semaines, et de voir ce que cela donnera. J'ai bien conscience de mon devoir envers les nôtres.

Je vois ma sœur esquisser un sourire amusé, peut-être a-t-elle compris qu'il ne me laissait pas aussi indifférent que les autres, mais c'est ma mère qui reprend la première la parole.

- Tu fais bien d'essayer. Mais deux semaines n'est ce pas un délai plutôt court ? Pourquoi ne pas te laisser quelques mois ? Ou demander à Lyes de lui apprendre ce que tu aimes.

- Quelle bonne idée ! Lyes, qu'en dis-tu ? Pourrais-tu expliquer au petit loup ce que Julius apprécie en ta compagnie ? demande ma sœur, en regardant l'intéressé dont j'ai perçu la légère tension.

- Si c'est ce que Julius souhaite, je le ferai. répond l'intéressé, par loyauté, par amour.

Son regard se fait pression, il m'observe, et c'est trois paires d'yeux qui me fixent dans l'attente d'une réaction. Je repense à ce regard si bleu qui me regardait avec colère quelques heures plus tôt. S'il doit rester si longtemps que l'on me le demande, il ne pourra pas rester exclusivement prisonnier de ma chambre.

- Soit, si c'est inévitable. Mais s'il reste aussi longtemps, Julia, il faudra étendre ses liens. Je ne pourrai pas me préoccuper de lui. J'ai d'autres chats à fouetter.

- Et pourtant, mon frère, si tu le faisais, nous ne te le reprocherions jamais. Mais je vais faire en sorte qu'il puisse se déplacer dans la maison plus librement. 

- Je trouve cela dangereux, Julius. se permet de remarquer Lyes. Il faudrait lui laisser un garde pour le surveiller. Sait-on jamais quelle idée saugrenue pourrait jaillir de son esprit d'oméga.

- Très bien. Faisons ça.

C'est un soupire agacé qui laissa perler ces derniers mots. Ma mère et ma sœur se relèvent, me soufflent quelques mots d'au revoir auxquels je réponds vaguement. Lyes, lui, reste, ne me laisse pas seul après ces échanges. Ses doigts font pivoter mon fauteuil, et il vient s'asseoir sur mes genoux, ses doigts jouant avec les boutons de ma chemise, sa main effleurant ma joue avec tendresse.

- Cela ne durera pas, Julius. S'il ne te plaît pas, nous en trouverons un autre. Mais mettons toutes nos chances de notre côté. Je lui parlerai de tes goûts, de...

J'attrape ses cheveux, tire son visage vers l'arrière et fixe son regard du mien. Lyes. Il m'a toujours fasciné d'une certaine manière par son intelligence, sa ruse, et ses connaissances. Il m'a séduit par son esprit avant que son corps ne prenne toute sa substance contre le mien. Je n'ai cessé de le désirer depuis, mais il est incapable de m'offrir ce que tout le monde souhaite. 

- Et tout sera faux. que je grogne en venant mordiller sa gorge, mon autre main se faisant pression sur sa taille.

Je l'entends gémir doucement sous mon action, et il ne prononce pas un mot. Il ne me contredit pas. Tout sera faux avec l'oméga. Tout... pourtant, c'est son regard que j'entrevois lorsque mes lèvres épousent la courbe de sa gorge. Lyes... Sameo... J'en frissonne subitement. Instant choisi pour que l'on frappe à ma porte, nous interrompant.

- Maître ? Wail. Votre oméga réclame une audience sous peine de se faire du mal.

Je grogne. Quoi ? J'en repousse Lyes de frustration. 

- Amenez-le moi. Et toi, laisse-moi. que j'ordonne à Lyes, qui s'exécute, le visage fermé.

Ne m'entrave pas - T.1 J&S  (bxb)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant