10. Confrontation

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Sameo. 

Ma chaîne.

Oui, ma chaîne. Alors que j'attendais que l'on m'informe, ou que mon maître se présente à moi selon mon exigence. Je ne peux pas parler de requête, puisque j'ai menacé de mettre fin à ma vie. Cela ressemble bien plus à un ordre, et ayant entrevu le caractère de l'immortel, je me doute qu'il ne sera pas des plus heureux, s'il vient. 

Mais ma chaîne a... disparu. Enfin, pas entièrement. L'anneau à ma cheville est toujours là, le reste, par contre, s'est évaporé comme par magie. Je n'ai rien fait. Enfin si, je me suis rapproché de la porte, mais elle est restée close malgré mes efforts. Enfermé. J'ai pris la liberté d'explorer le reste, trouvant une salle de bain où j'ai fait un brin de toilette rapide. Pour moi. Pas pour lui. Je présume ? Qu'importe ! Je me fiche de la tête du moustique, ou de préserver son odorat. Sauf que la porte s'ouvre, claque, lorsque je me trouve dans le dressing du "maître", ayant enfilé un pantalon trop grand pour moi, que j'ai retroussé aux chevilles, et l'une de ses chemises que je n'ai pas pris le temps de boutonner. Enfin, je n'en ai pas eu le temps, que je me retrouve épinglé contre le mur, les doigts de Wail refermé sur ma gorge, ses canines à quelques centimètres de mon visage. Il est furieux. Son calme, comme il disait, à nouveau perdu.

- Pour qui tu te prends, esclave ! Ce sont les vêtements du maître !

- F...fallait... m'en donner... a...alors... res...pirer...

J'ai besoin de respirer, ce que j'essaie de lui faire comprendre. Un instant, j'ai l'impression qu'il s'en fiche, que ma main qui tape son bras l'indiffère, et qu'il aimerait me voir crever, là. Avant que j'ai le réflexe de me transformer, il me relâche, et je retombe presque à genoux, toussant pour reprendre mon souffle à moitié coupé par sa prise. 

- Connard ! que je l'insulte en marmonnant tout en lui envoyant un regard mauvais.

- Debout, le maître t'attend.

Mon regard change. Il m'attend ? Mais Wail s'empare de mes cheveux pour me forcer à me redresser. C'est douloureux et j'en gémis. Putain, mais quel connard ce type ! Je n'ai pas le temps d'y réfléchir, qu'il me pousse devant lui pour quitter le dressing. Il n'y a personne dans la chambre, mais c'est vers la porte qu'il me repousse une nouvelle fois. 

- C'est bon, j'avance ! Roh, c'est moi qui ai demandé à le voir de toute façon.

J'avance comme il le souhaite avec ma chemise entrouverte, trop grande pour moi, tout comme le pantalon. Je dois avoir l'air d'un gamin qui a essayé les vêtements de son grand frère, ou de son père. Mais tant pis, je n'avais rien d'autre sous la main à me mettre. Un vampire, celui de tout à l'heure qui a réagi au "nous" se place dans mon dos, m'emboîtant le pas, tandis qu'il m'invite à suivre Wail dans la pièce qui ressemble à un salon. C'est beau, exhalant une certaine richesse que je n'ai jamais connu dans ma meute. J'aimerais m'attarder devant la bibliothèque qui prend tout un mur, mais celui derrière moi me pousse pour que j'avance et suive le rythme de celui qui m'a presque étranglé il y a quelques minutes.

Tant pis. Nous empruntons ensuite une série de couloirs, parés de tableaux, de gravures. Je suis ébloui par ce qui m'entoure, mais je n'ai pas le temps de tout observer. Plus tard, je me le promets. Des pas. Toujours des pas. J'ai l'impression que c'est plus un labyrinthe qu'une maison cet endroit. Puis nous arrivons vers un vampire qui me scrute de haut en bas, jugeant de toute évidence mon accoutrement. Lui est parfait. Son étrange regard à double couleur m'interpelle. Sa chevelure presque argentée me laisse songeur. Mais voilà, ses lèvres se pincent sous une certaine forme de mépris et cela m'énerve. Je relève le menton avec toute la fierté que je peux trouver au fond de moi : je suis un oméga de qualité, et lui... il était là quand je me suis fait enlever, je l'ai reconnu.

Wail toque à la porte à côté de laquelle le vampire attendait.

- Fais-le entrer. répond la voix qui m'est déjà familière... celle du maître. Froide et agacée.

Wail ouvre la porte et m'indique d'un mouvement de tête de m'avancer. Ordre tacite, confirmé par la main qui me pousse à l'intérieur, de celui qui m'avait emboîté le pas jusqu'ici. La porte se referme à peine ai-je retrouvé mon équilibre à l'intérieur de ce qui se trouve être un bureau, la silhouette du maître installée dans un fauteuil, identique à l'image que j'avais conservée de lui d'il y a quelques heures. A ceci près que je sens son regard étudier ce que je porte, et qu'il doit fatalement reconnaître. Etrangement, cela me met mal à l'aise. J'aurais dû rester nu, peut-être ? J'aurais sans doute été plus à mon aise. Je me râcle la gorge, et me dandine d'un pied sur l'autre, comme si je cherchais à trouver un équilibre quelconque.

Lui, se lève, s'approche, contourne le bureau, d'un pas rapide qui me pousse à reculer. Est-ce que j'ai peur de lui ? Oui. Et en même temps, c'est comme si quelque chose me mettait en garde contre lui, contre ce qu'il représente pour moi. J'ai oublié mes remontrances, mes exigences, ma gorge s'achèche et mon dos heurte la porte derrière moi alors qu'il arrive face à moi. Mon coeur bat vite, beaucoup trop, quand je croise ses prunelles tellement particulières à défaut d'être uniques.

- Tu comptes te tuer ? Je peux t'y aider si c'est ce que tu souhaites. qu'il me susurre, comme un serpent, timbre qui me fait frissonner.

- Non, je... Je secoue la tête de gauche à droite vivement, pour lui affirmer qu'il se trompe. Je voulais juste vous voir. Je... vous m'avez laissé deux semaines, mais si on ne se voit pas, ça ne donnera rien. Et puis, je m'ennuyais...

Mon timbre s'étiole de lui-même sur mes derniers mots. J'ai l'impression d'être un gosse qui se plaint, même si je fais l'effort de le vouvoyer. Il est impressionnant. Il me surplombe de son regard acéré, et je sais qu'il fait parti de ces mêmes prédateurs que les alphas chez les loups. Mais ça m'énerve. Son silence. Son absence de réaction, à l'exception de l'agacement que je perçois chez lui. Et à nouveau mes résolutions vacillent.

- Deux semaines c'est déjà suffisamment court ! Je dois savoir ce que tu veux ! Ce que tu attends de moi ! J'y connais rien en moustique ! Pis j'en ai marre d'être laissé comme un con dans une chambre au bout d'une laisse comme un chien ! De même pas avoir des habits à ma taille ! De...

- Tu comptes m'abrutir de tes plaintes encore longtemps, petit loup idiot ?

- SAMEO ! que je grogne. Ce qu'il m'énerve, c'est pas croyable !

- Sameo. 

C'est mon prénom qu'il souffle en inclinant doucement la tête sur le côté et je sens les battements de mon coeur s'accélérer. Les traitres. Ils trébuchent plus encore lorsqu'il lève une main pour saisir entre deux doigts la bordure de la chemise que je porte. Mais son regard est ancré dans le mien, sans que je ne parvienne à savoir à quoi il pense à cet instant. Moi, je ne sais pas vraiment. Juste... qu'il est beau. Beaucoup trop pour être réel. Qu'il est dangereux. Une menace. Tout mon corps me le hurle tant il semble prêt à se briser au moindre de ses contacts... qui ne viennent pas.

- C'est pour ça que tu portes MA chemise ? Bien, bien, bien, petit loup. 

Qu'il reprend, et je fais mine d'ouvrir les lèvres pour répliquer, le rabrouer encore une fois, mais son doigt délaisse rapidement la chemise pour se poser contre mes lippes et leur demander le silence. Premier réel contact de sa peau contre la mienne.

- Laisse-moi parler. Ton tour viendra ensuite.

J'ai envie de lui répondre, mais son regard appuyé et menaçant, accompagné de son timbre acéré brise mon obstination. Pour l'instant. Je détourne le regard, le visage, d'un air boudeur qui ne lui échappera sûrement pas. Mais je m'en moque. 

- D'accord.

- Bien. Un mot, et il se détourne, m'invite à m'asseoir d'une main sur l'un des sièges qui affrontent le sien. Prends place.

Lui, s'éloigne de moi, brise le court rapprochement de nos corps, et bizarrement je le regrette. Mais qu'est-ce qu'il me prend, sérieux ! C'est un moustique qui ne se prend pas pour de la merde ! Un enfoiré de kidnappeur, même si ce n'est pas lui qui l'a fait ! Il s'assoit dans le fauteuil qu'il avait quitté un peu plus tôt, pendant que j'obtempère de mauvaise grâce, me laissant tomber sur l'un des sièges... que je trouve confortable malgré moi, ce qui me fait me rembrunir un peu plus.


Ne m'entrave pas - T.1 J&S  (bxb)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant