08. Espoirs

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Sameo.

Tenter de l'intéresser ! non mais...

- Quel sale con ! que je m'exclame tout seul dans cette chambre qui est devenu ma prison, tant ma jambe reste prisonnière de cet anneau. 

J'en suis persuadé à présent, il y a une raison magique derrière tout ça. Je ne savais pas qu'ils avaient accès à ce genre de choses, mais cela ne change rien. S'il ne voulait pas de cadeau, pourquoi est-ce qu'on s'embarrasse à lui en faire ? Ce n'est pas comme si j'avais pu avoir un destin normal, au sein d'une meute, s'il n'avait pas été là, sur mon chemin, comme un grain de sable insupportable. 

Mes doigts se portent à ma gorge, même s'il y a des marques laissées par leurs mains, je sais qu'elles auront disparues demain. La magie d'être un loup. C'est toujours temporaire, même mes blessures de l'accident n'existent déjà plus. Je soupire. Tente de faire le vide dans ma tête, de réfléchir à ma situation. Il a accepté de me laisser deux semaines de sursis, mais encore faudrait-il qu'il vienne ici, me voir. Et puis non ! je n'ai pas envie de l'intéresser. Mais il le faut pourtant, sinon Wail -car c'est ainsi que le "maître" l'a appelé- ne se gênera pas pour être le premier à s'occuper de mon sort. Je ne sais pas ce qui est le mieux... ou plutôt si, je le sais. Un vaut mieux que deux, que trois, ou qu'une dizaine. J'ai vu ma mère écarter les cuisses pour une multitude de loups, parce qu'ils étaient dans leur bon droit, parce que c'était là son rôle de reproductrice. Mais même enceinte, ils venaient toujours, rôdaient autour d'elle, la rabaissaient. 

Ici, je ne serai guère mieux traité, à moins que le "maître" me garde pour lui. C'est une certitude. Il faut que j'arrive à capter son intérêt, à lui donner envie de me garder à son service. Mais comment ? C'est un mystère. Je ne sais même pas ce qui lui a fait changer d'avis dans nos échanges... mon mauvais caractère ? Non, sinon dès qu'il m'aurait vu avec Wail, il aurait décidé de me garder. Pas plus que mon corps, ou ma virginité préservée.

Un grognement s'échappe de mes lèvres alors que j'enfonce mon visage dans un coussin du lit sur lequel je suis allongé sur le ventre. Le "maître" est un mystère, et je n'ai que deux semaines pour le résoudre et ainsi m'éviter un sort pire que l'initial. Tout ceci m'énerve ! Je n'ai même pas un livre pour me changer les idées. Je devrais en demander la prochaine fois que W... non ! Plutôt crever que de lui demander un service à celui-là ! Il pourrait dire que je lui serai redevable ensuite, et il en est absolument hors de question. 

Je me relève, fais quelques pas dans un sens puis dans l'autre. Je ne peux même pas me dégourdir les jambes librement, puisque je suis relié à cette chaîne que j'ai renoncé à briser. En plus, il y a toujours les morceaux d'écuelle brisée au sol, le trognon a roulé un peu plus loin, le plateau trône comme témoin d'une bagarre qui n'a même pas eu lieu. La prochaine fois, je me transforme et je le mords. Il n'appréciera pas, mais je m'en moque, je ne l'aime pas ! Il me fait peur si je devais être totalement honnête, son regard, sa façon d'imaginer la suite des évènements, la certitude que son "maître" se débarrassera de moi... parce que je ne serai pas en mesure d'attirer son attention.

Je soupire une nouvelle fois. Je crois bien que c'est ma nouvelle activité favorite entre ces murs, tandis que mon regard se porte sur la vue depuis la falaise. Il faut que j'apprenne à le connaître. Il faut qu'il ait envie de passer du temps avec moi également. J'ai tout un plan à monter, pour tenter d'arriver à mes fins. Car s'il venait un jour à baisser sa garde, peut-être que je pourrais fuir. M'enfuir loin de lui et de son regard vert si particulier. Je n'en ai jamais vu des comme ça. Comme si le vent parvenait à caresser les tiges mouvantes et fascinantes. Il est captivant. Tout comme sa peau semblant trop parfaite et qui attire le contact ne serait-ce que pour confirmer ce que l'on croit déjà savoir. Ses cheveux blonds semblent soyeux, doux... Son torse sous mon poing était puissant, suggérant la force et le dessin de ce corps qui me semblait trop vivant. 

Il est dangereux.

Il est addictif.

Il est...

Bordel !

.

.

.

J'ai du m'assoupir au bout d'un moment, en revenant me poser sur le lit, le visage tourné vers l'extérieur, à attendre que le temps passe, refusant d'appeler de crainte de revoir le visage de Wail. J'ai du m'assoupir, parce que lorsque je tourne les yeux, je vois que le plateau et l'écuelle brisée ne sont plus là, que le sol est parfaitement propre. Et je n'ai rien entendu. Je fronce les sourcils, mécontent de moi, et me redresse d'un bond pour scruter la pièce. Un nouveau plateau contenant la même chose est déposé à côté de moi, une cruche et un verre en plus, me laissant réaliser à quel point ma gorge est sèche. Je m'empare des deux, rempli l'un que je porte vivement à mes lèvres. Deux finissent dans mon ventre sans réfléchir, sans rien humer avec méfiance. De toute façon, je suis prisonnier, et je sais que l'on ne me touchera pas tant que j'appartiens au maître. Cette pensée me fait frémir, celle d'avoir pensé au mot "maître" comme si c'était normal et qu'il est bien le mien. Mais après tout, c'est la vérité. C'est la mienne pour l'instant, et il serait bon que je ne l'oublie pas. 

J'avale le reste par faim, plus qu'autre chose. Ils pourraient au moins varier les menus, surtout que leur bouillie n'a rien d'extraordinaire, au contraire. J'aimerais aussi pouvoir faire un brin de toilette... parce que ce n'est pas ainsi que je vais parvenir à attirer son attention si je fouette comme un chien qui est allé faire un tour sous la pluie. Je vérifie mon haleine en mettant une main devant ma bouche... pas mieux. En plus, je fais mes besoins dans un pot qui a été vidé, mais bon... je suis sûr d'avoir déjà vu ça dans les livres parlant des époques médiévales, et on en est loin. 

- Eh oh ! Y a quelqu'un ?! que je m'échine à appeler aussi fort que possible pour tenter de faire venir quelqu'un. Y a moyen que je puisse me laver ? Votre maître va vraiment trouver que je pue quand il va revenir !

Pas de réponse. Pas de mouvement. Pas de bruit. 

Est-ce qu'ils sont tellement confiants en leur chaîne magique qu'ils ne prennent même pas la peine de faire poster qui que ce soit devant la porte ? Un comble ! Bon quelqu'un va bien finir par récupérer le plateau de toute façon. Mais je m'ennuie tellement que j'ai l'impression qu'il est réellement possible de finir par en mourir. Au moins, dans ma meute, je pouvais lire un livre dans ce genre de moment insupportable. 

J'attends. Dix minutes, et puis je n'y tiens plus. 

- Je veux voir mon maître ! Appelez-le ! Dites lui que j'ai besoin de le voir ! Allez merde ! Soyez pas comme ça ! Je sais que quelqu'un m'entend ! Sinon... sinon... je m'étrangle avec la chaîne ! 

Ben oui, tiens, je n'y avais pas pensé à celle-là. Je pourrais sûrement faire quelque chose dans le genre, même si, honnêtement, ce n'était que du bluff. J'ai bien trop envie de vivre, et l'espoir de parvenir à m'enfuir un jour, en l'entourloupant. Je soupire, tout en fixant la porte de deux yeux déterminés, lorsque celle-ci s'ouvre. J'avais entendu les pas du garde qui se tient à présent devant moi. Il y avait bien quelqu'un, mais pas un souffle ou mouvement ne l'avait trahi. 

- Qu'est-ce que tu lui veux, le loup ?

Qu'est-ce que je lui veux ? C'est une bonne question, à laquelle je n'avais pas réfléchi.

- C'est à lui seul que je parlerai, et pas à un moustique inutile !

Voilà, ça c'est fait. Je vois l'autre se tendre, mais me regarder comme si l'insecte dans la pièce, c'était moi. Je recule d'un pas, mon assurance vacillant une seconde, avant que je le refasse en me redressant plus encore. 

- Je dois le voir pour parler de nous !

Nous. Ce mot sembla avoir comme un déclic sur le garde, qui pivota simplement après avoir hoché la tête. Il allait le chercher ? Vraiment ? J'avais réussi ? Il était donc question d'un "nous" aux yeux de ces monstres. Ok, ça je sais faire. Enfin je devrais, j'ai été éduqué pour, même si je n'ai aucune expérience. On m'a appris, laissé lire, et autre, pour que je puisse convenir à n'importe quel maître. Il faut que je discerne ce qu'il attend d'un cadeau pour avoir envie de le conserver. Mais je ne peux pas le faire seul, il faut que je le vois, que je me fasse des alliés dans ce monde. S'ils ont un espoir me concernant, alors je pourrai m'en servir. J'espère juste ne pas me tromper.

Ne m'entrave pas - T.1 J&S  (bxb)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant