Ne m'entrave pas - T.1 J&S (bxb)

02. Dérobé

Sameo.

Un grognement s'extirpe de mes lèvres lorsque je papillonne des yeux, sans véritablement réaliser où je me trouve. Le lit est agréable. Plus que ce dont j'ai l'habitude. Mais au lieu de réagir, je me tourne, les tambours d'un mal de tête tentant de me faire réaliser que j'étais bien mieux endormi qu'éveillé. Un frisson me saisit, et je cherche machinalement, à tâton, une couverture... inexistante, puisque je suis posé sur elle. Hum... quelle idée ai-je eu de m'endormir ainsi ? Tâtonnant encore mollement à la recherche de l'ouverture de celle-ci sans succès, je finis par ouvrir pleinement les yeux sur une pièce inconnue. Sous la surprise, je me redresse... mille fois trop vite. Aussitôt, le monde se met à tanguer autour de moi. Je ferme les yeux, posant un doigt de chaque côté de mon nez, massant l'arête à la recherche d'un soulagement quelconque. Puis je refais une tentative et mon regard se repose sur cette pièce dans laquelle je me trouve. Elle est belle, bien décorée, mais ne me rappelant absolument rien. 

M'avait-on acheté hier soir ? J'ai comme un goût désagréable dans la bouche à cette seule pensée, alors que je ne me souviens de rien. Puis cela me heurte comme un raz de marée imprévisible : une floppée de souvenirs me revient. L'accident, les bruits à l'extérieur, et puis la vampire qui m'avait emporté. Instinctivement, je me redresse à genoux dans le lit trop moelleux sur lequel on m'avait installé, mes genoux s'enfonçant platement tandis que je me tiens sur mes gardes et qu'un bruit de cliquetis m'interpelle. Retombant sur mes fesses, je vois la chaîne reliée à un anneau se trouvant à ma cheville. Aucune soudure, aucune ouverture, le métal ressemble simplement à un cercle clos, impossible à faire passer par l'articulation de mon pied. 

Mais que... C'est... impossible ! Invraisemblable ! 

Je pâlis subitement, les battements de mon cœur se précipitent comme un cheval lancé en plein galop imprévisible, capable de réaliser une embardée au moindre bruit supplémentaire. On m'a attaché. On m'a enchainé. On m'a... Horrifié, je songe que cela ressemble à un collier placé à ma cheville, sauf qu'il est impossible à retirer. Le cadre presque idyllique de la chambre -car c'en est bien une- n'en devient que plus criard. Je tente de tirer dessus de mes maigres forces, de trouver l'invisible soudure qui doit bien exister après tout. Avant de caler mes pieds contre le mur, pour tirer de toutes mes forces sur l'autre extrémité de la chaîne. Rien ne céda. Rien ne bougea. Je ne me suis jamais fait d'illusion sur mes capacités, je suis un loup au plus bas de la hiérarchie lupine pour une bonne raison, mais j'aurais voulu une lueur d'espoir. J'étais tombé aux mains de nos ennemis, ces êtres qu'on nous apprenait à redouter depuis notre plus tendre enfance. Que vont-ils me faire ? Je suis bien en peine de le deviner, alors que je recommence, encore et encore, à tirer, sentant la douleur irradier mes muscles avec indifférence.

Si j'avais été prisonnier de mon destin au sein des meutes, ici, il me faudra lutter contre celui que le dieu vampire cherche à m'imposer. Schleithal ne m'abandonnera pas ! Impossible que le dieu des loups me laisse moisir entre les mains de nos persécuteurs. De ces croquemitaines qui, je dois bien l'avouer, me terrifient. Les horreurs que l'on m'a racontées auraient du me tétaniser, mais je ne veux ni mourir, ni être torturé dans leurs jeux salaces qui se solderont par le même résultat, de toute manière. Bien sûr, les preuves ont toujours manquées, personne n'en étant revenu pour nous raconter ses déboires, mais comme pour toute légende immatérielle, je me refuse à rester entre les mains de ceux qui seraient venu me dévorer si je n'avais pas été un sage omega.

Alors si la vie n'est qu'un enchevêtrement d'incertitudes. comme disait ma mère, et que mon futur est plus incertain que jamais. Il faut que je me construise des certitudes, que je tisse mon destin. Est-ce une chance d'échapper à ce à quoi l'on me prédestinait parmi les loups ? Non, je n'y crois pas. Je ne sais pas pourquoi je me trouve dans cette chambre, mais mon avenir me semble encore plus sombre qu'à l'heure où l'on s'apprêtait à me vendre au plus offrant. Il faut que je leur échappe ! Mais mes mains rougissent sous l'effort, les chaînons marbrant mes paumes sous la pression exercée. Ce ne serait pas une solution.