22. Ebauches saturnales

1.1K 91 3
                                    

Sameo.

J'ouvre les yeux sur ma chambre, dans mon lit, entre mes draps. Mais je me sens mal dès que je repense à la façon dont Julius m'a regardé, à cet ordre de me garder à nouveau prisonnier de cet endroit. L'anneau à ma cheville me prive pourtant de toute idée de fuite, même si je n'en ai plus. Le sang pur est devenu mon salut, mon avenir, mon destin, si tant est qu'il accepte ce que nous sommes, ce que je suis pour lui. Je risque de devenir fou sans cela, et je refuse de souffrir encore et encore. Je me redresse, chasse mes draps, curieux de savoir s'il est revenu, s'il est allé ailleurs, s'il... Et s'il est là ? Et s'il n'est pas là ? 

Je glisse mes doigts sur la poignée qui sépare nos deux univers, et celle-ci cède sans difficulté. Je la sens, son odeur qui flotte dans la pièce. Il y est au moins venu. Y est-il encore ? Je pousse le vice à me rendre dans sa chambre, celle où il m'a mordu pour la toute première fois, où j'ai compris ce qu'il était pour moi. Sa fragrance est là, partout, et cela m'incite à me rapprocher de sa silhouette endormie. Il semble épuisé, ses traits sont tirés malgré le repos qu'il recherche dans son sommeil. J'ai peur que ce soit ma faute. Non, ce n'est même pas une peur, c'est la réalité. Mais je ne comprends pas pourquoi les loups me recherchent. Ils ont compliqué ma vie sans le savoir, alors que tout aurait pu si bien se terminer à force de patience. 

Je ferme les yeux, j'inspire sa fragrance qui me détend légèrement. Je sais qu'il doit ressentir la même chose, ou du moins je l'espère. J'ignore comment les vampires réagissent à ce lien, si ce n'est cette obsession que nous ressentons l'un pour l'autre. Et tout ce qu'il m'a avoué. Il me désire de la même manière que moi, parce que le lien le veut, parce que nous sommes destinés l'un à l'autre. Sans hésiter plus longtemps, je soulève le drap et m'y glisse pour venir me lover tout contre lui. Il grogne, contrarié, mais m'attrape instinctivement par la taille pour me coller contre lui, son nez s'égarant sur ma gorge. J'en soupire d'aise. Tant pis si je ne peux pas avoir plus, je m'en satisferai. De lui, je voudrais tout, quitte à y perdre ma vie. Mais tant que je peux rester à ses côtés, cela me suffit. Qu'il me tue, si cela lui permet de sauver les siens, car je ne le quitterai pas, je m'y refuse. J'ai déjà cru en crever lorsqu'il a baisé Lyes à ma place, ou qu'il m'a rejeté un peu plus tôt. Ce serait pire encore si je devais le quitter. Alors non, qu'il me tue à la place, car je refuse toute autre option. Qu'il continue à se glisser contre le corps d'un autre, et ignore le mien. Mais qu'il me morde, qu'il s'abreuve... si c'est tout ce à quoi j'ai droit, j'apprendrai à m'en satisfaire.

Alors pourquoi ça me fait si mal, pourquoi c'est si douloureux de l'envisager, aussi. Je m'agrippe à lui, plus fort, et je le sens se tendre. Il est réveillé, son souffle est différent, et j'ai peur. Je ferme les yeux pour éviter son regard, pour éviter d'avoir mal.

- S'il te plaît Julius... ne me chasse pas... j'accepterai tout ce que tu voudras tant que tu me gardes... S'il te plaît... s'il te plaît... laisse-moi rester... même si je n'ai rien de plus... je t'en prie...

Ce n'est qu'un murmure, fragile, ténu, mais sa nature de vampire lui permet de n'en manquer aucune syllabe, de cette torture d'imaginer qu'il puisse me rendre aux miens, ou qu'il me ramène à ma chambre. Je hoquète un sanglot que je déteste, les yeux toujours clos, mes mains s'agrippant à son être comme une moule le ferait avec un rocher. Qu'il me déteste pour ce que je représente, s'il ne me croit pas, mais je préfère la mort plutôt que de le perdre. Il soupire contre ma gorge, je sens son souffle se faire plus sourd, non parce qu'il dort, mais parce qu'il est réceptif à mon sang, comme la dernière fois.

- Je ne serai jamais qu'à toi... abreuve toi tant que tu veux.

Je sais qu'il n'a pas besoin de permission, mais je sais aussi qu'il ne m'a jamais rien fait contre ma volonté. Il n'est pas comme Wail, et je sais pourquoi Lyes l'aime tant. Mon destiné ne peut être un monstre. J'incline mon visage pour libérer un peu plus ma gorge, l'inviter à y prendre ce qu'il voudra. Je le sens tendu, il lutte. Il a déjà essayé une fois, il n'a pas résisté. Mes doigts se glissent sur sa nuque sous un voile de douceur, autre bribe de mon invitation. Je suis à lui, et je frissonne lorsque je sens enfin le contact de ses lèvres contre ma peau, et mes doigts se raffermissent sur sa nuque. C'est ce que je veux. Prendre tout ce qu'il sera prêt à m'offrir... parce que ma vie sans lui n'aurait plus de sens. Et puis je sens enfin ses crocs qui transpercent ma peau, suivi du plaisir qui se déverse en moi, me pousse à me cambrer contre lui, à laisser un gémissement s'esquiver de mes lèvres. Il s'enhardit contre moi, boit plus vite, plus fort, tandis que ses bras m'entravent pour me refuser toute fuite... mais je ne fuirai pas. Jamais. Les secondes passent, se transforment en minutes, mes gémissements se font plus forts, mon plaisir se déverse sur mes cuisses, sur sa peau. Et puis la morsure s'arrête, tandis que je reste contre lui, conscient qu'il est tendu à son tour. Je sens encore l'odeur de Lyes sur lui, et ça me rend fou, d'une jalousie qui m'oppresse, quand bien même je l'ai rejoint, nu, dans ce lit où il ne portait rien non plus. 

J'ai peur qu'il parte, qu'il m'abandonne, alors quand je le sens prêt à redresser, je tends une main vers son bas-ventre que j'effleure, dont je m'empare d'une main qui se veut sûre. Je n'ai jamais fait ça avant, mais je l'entends grogner de surprise, de cette tension contenue. Je commence à aller et venir tandis qu'il se laisse faire. J'accélère, laissant mon regard se poser sur lui. Il est troublé, il n'est pas certain de vouloir être là, avec moi, combien même je sais que c'est ce qu'il désire au plus profond de lui. Ca éclot dans ma poitrine comme une explosion, ces sentiments qui m'oppressent. Je suis fou, d'un amour que je n'ai pas choisi, pas décidé. Mais même sans le lien, on se serait aimé, j'en suis sûr. Et s'il lui ne m'aime pas ? Il me désirera au moins. Je le repousse sur le dos, mes lèvres venant s'enquérir du goût de sa peau que je redessine sous une pluie de baisers humides. Je glisse, descends, jusqu'à finalement laper l'épée frémissante entre mes doigts. Il laisse un râle s'esquiver de ses lèvres, tandis qu'il m'observe, me regarde. Il déglutit, j'en fais de même, alors que je le prends entre mes lippes sans le quitter des yeux. Ma preuve. Mon amour. Mon destiné. Je me laisse guider par mon instinct, oubliant les paroles explicatives ou les visions que j'avais pu avoir, à croire qu'elles étaient déjà inscrites en moi, tant il apprécie mes caresses buccales. Lorsqu'il se tend enfin, je retire mes lèvres et le fait venir entre mes doigts.

Je le goute du bout de ma langue comme pour ne jamais oublier chaque fragrance venu de lui, puis je reviens me lover contre lui, enfouissant mon visage contre son torse. Il m'enlace à son tour sans se faire prier, me gardant contre lui. Je finis par m'endormir avant lui, bercé par les battements de son coeur.

.

.

.

Lorsque j'ouvre les yeux, je suis seul. 
Dans ce lit.
Dans cette chambre.
Dans cet appartement.
Ne reste que les effluves de notre nuit, que les draps souillés de nos dérives, vagues ébauches saturnales de ce que nous pourrions être. Et je le réalise comme une absurde réalité, que j'ai besoin de plus, que je me battrai pour que notre lien s'épanouisse enfin. Il m'aimera. Aucune autre possibilité n'est permise. Ou je porterai au moins sa marque pour que personne, jamais, ne puisse m'obliger à me glisser près d'un autre.

Ne m'entrave pas - T.1 J&S  (bxb)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant