Chapitre 12 - Gloomy Sunday

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Ca fait une semaine que j'ai coupé mon téléphone et que je passe mes soirées après les cours assise sur mon lit. Je ne fais rien, je regarde juste ma fenêtre. La pluie, les gouttes qui dégoulinent tristement sur la vitre, le temps gris et déprimant. A l'image de mon cœur blessé.

Au lycée, je n'existe plus. Je marche, je vais de salle en salle, le regard dans la vague. J'erre parmi les élèves, je ne les distingue même pas. Ils ne sont plus que tâches de vives couleurs et moi, parmi eux, je ne suis que noirceur. Je ne participe plus en cours, je ne comprends plus ce qu'enseignent les profs. Au self, j'attrape une assiette, n'importe laquelle, sans faire attention à son contenu, et je mange machinalement. Je ne parle même plus à Kiara et Alex. Ils vivent le parfait amour et m'ont délaissée. Ils se sont trouvé un autre banc dans la cour, une autre table à la cafèt', une autre bulle. Et moi, je suis seule, sur mon pauvre banc sous mon pauvre saule pleureur, seule à ma table élimée pour déjeuner, seule dans notre bulle de trois qui maintenant me paraît bien vide sans eux.

Au théâtre, je n'existe plus. Je récite mes répliques sagement, automatiquement, sans émotion. Je suis vide d'émotion depuis une semaine. A chaque fois c'est pareil. Mes camarades soupirent et Ethan me réprimande : "Samantha, prends une voix joyeuse !", "Sam, tu dois paraître dépitée !", Sam ceci, Sam cela... Je n'ai plus de plaisir à venir en cours. Je redoute même ces heures dans l'amphithéâtre, ces heures pendant lesquelles je dois jouer une fille amoureuse d'Ethan. Vous vous souvenez de lui ? Celui qui m'a quittée l'autre jour, sur la plage. Mon fameux "celui-là"... C'est dur. Il me parle et me regarde comme s'il ne s'était rien passé. Il me corrige, puis s'en va vers les autres, sans un signe qui me dirait "je t'aime encore" ou "j'ai fait une erreur". Et moi, je suis seule, sur cette maudite scène que j'aimais tant autrefois, seule face à celui que j'aime mais dont l'âge nous sépare, seule dans cette immense pièce, sans parvenir à faire semblant.

A la maison aussi, je n'existe plus. Je rentre le soir, je ne goûte plus, je monte directement m'enfermer dans ma chambre. Je ne travaille même plus, je lance simplement mes playlists les plus tristes et je m'assois, au bord de mon lit. Je reste là pendant des heures, je fixe le ciel dehors, gris, pluvieux, triste, déprimé, anéanti, lui aussi, mort. Il est comme moi le ciel. Il manque d'amour. Il n'a pas son soleil pour l'illuminer, je n'ai pas mon Ethan pour m'aimer. Alors, le ciel, il pleure. Des fois, j'ai l'impression qu'il me parle, qu'il me confie ses peines, son désespoir de ne pas voir l'astre brûlant, et d'autres, je crois qu'il m'écoute, à mon tour, lui livrer mes journées moroses et mes propres peines. Nous sommes amis, lui et moi. Il ne me juge pas. Il ne se moque pas. Il ne m'abandonne pas. Il m'écoute, me comprend. Nous sommes pareils. Seuls, tristes, brisés, pleurants, morts. En manque d'amour. Vides. Plusieurs fois par jour, j'entends, de loin, mes parents ou mon frère ouvrir ma porte. Sans doute veulent-ils me parler, mais je n'ai pas la force de me retourner, de les regarder. Je ne mange même plus avec eux. Maman me porte chaque soir des plateaux-repas, car, tellement absorbée à mes conversations imaginaires avec le ciel, j'en perds la notion du temps et ne pense plus à descendre dîner. Je crois que mon état inquiète sérieusement Arthur. Il entrouvre très souvent ma porte pour voir si je suis là. Oui, je suis là. Je ne bouge pas, je demeure assise avec mes pensées. Quand je trouve le courage de mettre mon pyjama et me glisser sous mes couettes, tard le soir, je ne trouve pas le sommeil. Pendant deux heures encore, je fixe mon plafond. Et c'est là, dans la pénombre pâlie par le clair de lune qui s'immisce entre mes rideaux, c'est là que je pense consciemment à Ethan. Je me rappelle, chaque soir, tous les moments que nous avons passé ensemble, tous ces regards timides échangés dans les couloirs, la sensation de ses mains qui me guident lors d'une valse improvisée, celle aussi de ses lèvres sur les miennes, la vision de ses doigts qui redessinent les étoiles et la chaleur de son regard dans le mien. Ce n'est pas comme ça que j'irai mieux, mais je n'y pense pas. Je ne pense pas de la journée. J'essaye d'exister un minimum, je marche et je m'habille, c'est au moins ça dont je suis capable. J'essaye. Oui. Mais c'est si compliqué.

17 ans mais je t'aime (1ère version)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant