-Je suis venue te voir pour une affaire de la plus haute importance pour moi, parce qu'elle concerne à la fois mon honneur, ma dignité et l'avenir de ma fille Kadi. Celle-ci vient en effet d'être répudiée par son mari de la façon la plus humiliante. Et je suis sûre que c'est l'oeuvre de sa cooépouse Maïmou. Voilà pourquoi je suis venue te voir afin que tu fasses en sorte que non seulement ma fille réintègre son foyer la tête haute, mais que sa cooépouse soit saisie de maladie mentale et soit renvoyée définitivement.
Pour ce travail, je suis prête à mettre le paquet. Maintenant, je t'écoute.-c'est trop demander, parce que cela requiert des journées de travail. Mais je ne peux rien refuser, car je vois, tu es trop pressée, et trop bouleversée.
Oui, je suis pressée en effet, et je veux que tu commences si possible tout de suite. Voila dix mille francs. Et si je suis satisfaite tu en recevras dix fois plus.
D'accord, répondit Dargné, et sois sûre que tu ne seras pas déçue. Ta fille retrouvera son foyer. Ce sera son mari même qui viendra en personne se répentir chez vous. Par ailleurs, comme tu me l'as demandé, sa coépouse Maïmou c'est bien son nom ?- sera folle et rien ne pourra la guérir, au point que son mari s'en débarrassera.
Reconfortée par ce qu'elle vient d'entendre, la vieille femme se retira et regagna son village.
Pendant un mois, Dargné le vieux charlatan ravailla. Incantations sur incantations sur des noix de cola qu'on faisait remettre à Garba par Fintermédiaire d'un voisin devenu complice de la famille Hainikoye. Et tout naturellement, Garba qui ne se doutait de rien les croquait.
D'autres fois, c'est de la poudre issue de feuilles et de racines d'arbres qu'on mettait dans la marmite à sauce de Maimou dès que celle-ci s'éloigne de son foyer.
Tout est mis en oeuvre pour que Garba et Maimou tombent dans les filets diaboliquement fendus par Dargné. La mère de Kadi continua par conséquent d'espérer ; et presque jour pour jour, elle envoyait cola et argent à son charlatan qui ne cessait d'en réclamer. Mais les résultats tardaient à venir.
Aussi, a-t-elle décidé parallèlement, d'aller solliciter le concours d'un marabout qui lui promit monts et merveilles. Lui aussi reçut du premier coup dix mille francs sans même avoir commencé son travail. Et les jours suivants il en reçut davantage. Car pour la mère de Kadi, ce qui compte, ce n'est pas l'argent mais l'honneur de sa fille, de sa famille quel considère bafouer pas Garba.Le marabout, Mallam Issa, se mit à l'oeuvre. Cet homme de Dieu à qui l'on vient demander de rompre un ménage exemplaire, pire de rendre folle une épouse sans reproche, et tout cela par mercantilisme, cet homme là, et d'autres de son espèce, on les rencontre de nos jours un peu partout. Pour de l'argent, ils sont prêts à tout ; prêts jusqu'à oublier les fondements du Saint-Coran.
Mallam Issa se mit donc à égrener le chapelet nuit et jour, des jours durant, voire des semaines, mais sans résultats. Garba et Maïmou continuèrent de mener une vie normale. Leur couple était plus uni que jamais.
Et Dargné le charlatan ne comprenait pas pourquoi ses incantations et ses poudres n'ont pas eu raison de Maïmou. Il ne comprenait pas pourquoi elle est encore lucide, aussi alerte et résistante que jamais.
Ni Mallam Issa, ni Dargné ne comprenaient.C'était plus fort qu'eux, tant et si bien qu'ils finirent par douter d'eux-mêmes. C'est qu'en vérité. Garba et Maïmou n'ont jamais rien contre personne,et n'en veulent à personne. C'est cela leur force ; c'est cela qui les a sauvés tous les deux, des méfaits dirigés contre eux.
Un mois, deux mois, trois mois s'écoulèrent, et la mère de Kadi ne voit rien poindre à l'horizon.
Sa fille est toujours là. Renfermée sur elle-même, rongée par les soucis, elle ne sort même plus. Sa mère ne sait plus à quel Saint se vouer à présent.
Elle a dépensé trop d'argent et pour rien.- Tu vois, je te l'avais dit dès au départ, lui lança Haïnikoye. Aujourd'hui il n'y a plus de bons marabouts, plus de bons charlatans, ils sont tous ou presque de piètre valeur, des escrocs. Si tu m'avais écouté, tu n'aurais pas dépensé autant d'argent.
Certes je te comprends; mais moi aussi en tant que père de Kadi et l'un des personnages les plus influents de cette région, j'ai ressenti le divorce de ma fille comme un grave affront. Seulement je me dis aussi que Dieu est grand, il a toujours une solution pour tout. C'est ce qui fait que je ne désespère pas pour ma fille. Le moment viendra où elle trouvera un bon parti égal où même supérieur à Garba. Je voudrais cependant que tu saches que si tout ce que tu as fait contre ce garçon et sa femme Maïmou n'a pas abouti, c'est parce qu'ils croient profondément en la puissance d'Allah et qu'ils n'ont jamais cherché à nuire à personne.
Dieu a donc décidé de les aider, de les protéger.
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MAÏMOU ou Le drame de l'amour
Non-FictionJe suis une jeune Nigérienne passionnée de lecture et récemment j'ai eu l'incroyable idée de vous faire part de nos romans ici au Niger Ps : Certains parti seront en langue.