CHAPITRE 16

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A DOURMI

Maïmou fit sa première apparition lors d'un tam-tam organisé à l'occasion de la fête du Mouloud. Elle avait retrouvé sa forme, son charme et Garba. Les habitants de Dourmi pariaient déjà à un contre mille que cette fois, l'union des deux jeunes se ferait. S'il devait en être autrement, disaient certains, on enverrait une délégation de notables au chef-lieu de la circonscription, voire à Niamey, pour demander l'intervention des autorités politiques et administratives.

Salmou devenait de plus en plus furieuse: seule la rumeur l'obligea à ne rien entreprendre qui lui fasse courir le risque de se voir un jour devant "Monsieur le juge".
Elle prit donc peur. Et quand pour la troisième fois Garba envoya ses trente mille francs de dot, elle ne s'y opposa pas, mais elle renvoya l'affaire auprès du vieux Abdou qui, selon la coutume, devait diriger les négociations et les mener à bien.


Le même soir, comme tout le monde, Garba écoutait sur les ondes de la Radio nationale le tirage de la loterie. Du coup, il se rappela le billet qu'il s'était fait céder par un ami, le jour de son départ de Niamey.
Il entendit un flot de chiffres, mais il ne savait ni lire ni écrire. Heureusement, le lendemain et pour la première fois, un jeune fonctionnaire de l'Animation au Développement arriva directement de Niamey à bord d'une
"Land-Rover' pour y accomplir une mission. Une foule nombreuse entoura immédiatement la voiture, pour écouter ce jeune homme plein d'enthousiame, qui parlait sans arrêt de la promotion de l'homme au Niger.
Quand il eût terminé, Garba s'approcha de lui et lui tendit le billet avec respect. Le jeune animateur avait effectivement emporté avec lui un exemplaire du quotidien d'information qui comportait les résultats du tirage. Il prit donc le billet et consulta longuement la liste.

Puis, soudain on le vit bondir de joie en disant:
"il est millionnaire, il a gagné le gros lot, le gros lot, un million de francs CFA".

Garba n'en revenait pas, l'assistance non plus: être millionnaire avec un simple billet de cent francs ! Quelle aubaine, surtout pour un pauvre villageois en butte à des problèmes très complexes.
La nouvelle parcourut aussitôt le village, puis se répandit dans toute la région. Et les supersticieux d'attribuer cela "à la tête de Maïmou", comme on dit.

Quelques heures plus tard, Garba monta en voiture avec le jeune animateur jusqu'à Niamey pour toucher son million; un pactole qui faisait de lui le plus riche de toute la contrée.
Mais cette richesse était surtout un cauchemar pour lui. Qu'allait-il faire ? Pendant des jours et des jours, il ne faisait que réfléchir. Il pensa d'abord à acheter du bétail, à ouvrir une boutique ou à devenir transporteur, etc.
Les idées lui venaient en vrac, mais il restait indécis. Puis un jour, alors qu'il se rendait en promenade de l'autre côté du fleuve par le "Pont Kennedy", il s'arrêta juste à la hauteur du quartier Gawèye pour
contempler quelques dizaines d'ouvriers et manoeuvres travaillant au milieu du bruit infernal d'énormes machines à vous faire peur. C'est là que quelqu'un vint lui taper sur l'épaule.
En se retournant,Garba reconnut aussitôt le jeune animateur.
Après s'être longuement salués, ils marchèrent vers l'autre côté du Pont, tout en causant:
- Eh bien ! s'exclama le jeune animateur, moi qui te croyais déjà parti !

- Comme tu vois, je suis toujours là. Votre ville ne veut pas me lâcher, avec tous ces bâtiments nouveaux et si beaux, Niamey a vraiment changé.

- Oui, mon cher ; par exemple à l'endroit même où je t'ai trouvé, s'élèvera dans quelques mois un bel immeuble, celui de la SONARA, l'une des plus importantes sociétés d'économie mixte que nous ayions au Niger, et aussi l'une des rares à avoir des finances saines.

-Mais, qu'est-ce qu'elle vend cette SONARA?

-Elle s'occupe de la commercialisation de l'arachide au Niger. Elle encourage les paysans à cultiver l'arachide qu'elle leur achète à un prix très rémunérateur. Malheureusement en pays djerma, nos paysans n'ont pas encore compris qu'ils ont intérêt à pratiquer cette culture sur de vastes étendues comme leurs compatriotes du Centre et de l'Est du pays, qui en tirent aujourd'hui des avantages, et pas des moindres.
Garba écoutait attentivement ce jeune animateur qui lui parla ensuite d'engrais, de fongicides, de charrue, de rentabilité, de commercialisation, etc.
Garba lui coupa alors la parole:
- J'ai une idée. Que dirais-tu, puisque nous sommes à l'approche de l'hivernage, si je consacrais une partie de ma fortune à exploiter la terre sur une vaste échelle, en y faisant non seulement de l'arachide, mais aussi du mil, du sorgho et du niébé...?

MAÏMOU ou Le drame de l'amour Où les histoires vivent. Découvrez maintenant