CHAPITRE 26

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- Si je comprends bien, lui répond Omar, c'est donc un mariage d'intérêt !

- Tous les deux vous ne voulez pas voir ce que je vois. Dans ce monde d'aujourd'hui, les intérêts passent avant les sentiments.

C'est sur ces réflexions de Garba, nettement mercantiles que prit fin la conversation. Omar et Biro prennent congé de leur ami.
Sur le chemin, ils ont longuement épilogué sur l'attitude de Garba qu'ils ont condamné unanimement, parce que pour eux, il s'agit d'un mariage d'intérêt sans plus, qui ne durera pas.

- Quelle que soit la fille que Garba épousera dit Omar, elle ne pourra jamais égaler Maïmou, et Garba finira par divorcer. Ce sera seulement en ce moment qu'il reconnaîtra le bien-fondé des conseils que nous venons de lui donner.

- Oui, tu as raison Omar, et comme le dit si bien cet adage de chez nous,
"lorsque l'âne veut terrasser celui qui le monte, ce dernier ne voit jamais les oreilles".









Garba de son côté regagne son domicile où Maïmou dort déjà profondément.

Le lendemain, Maimou prépare le petit déjeûner et s'en alla au puits. Là, le hasard la fait rencontrer Kadi venue elle aussi puiser de l'eau.
Les deux femmes se regardent longuement, sans s'adresser la parole. Mais juste au moment où Maimou s'apprête à quitter les lieux, Kadi lui lance ce proverbe provocateur qui étonna les autres femmes de la place:

"Din ga ba maifo, din ga ba ma saïfo, zamaï mana dii mo moo sooko moo zanai". Littéralement, cela veut dire: "que tu veuilles me saluer ou non, cela m'est égal, car moi je n'ai même pas vu des yeux à plus forte raison leur conjonctivite.

En termes clairs, Kadi cherchait la bagarre. Mais Maimou ne répondit pas à la provocation et continua son chemin. A la maison, elle raconta à son mari ce qui venait de se passer au puits.

Garba l'écouta attentivement dans sa narration des faits, mais ne dit rien. Le soir venu quand il se rendit chez Kadi, celle-ci lui dit aussitôt:

- Ecoute bien ce que je vais te dire: si c'est toi qui envoies ton épouse me provoquer par des proverbes, alors ce n'est plus la peine que tu viennes chez nous, car je n'entends pas être la risée de qui que ce soit, et encore moins de Maïmou.
Auiourd'hui, n'eût été la présence d'autres femmes pour qui j'ai beaucoup d'égard, nous en serions venues aux mains, car elle m'a traitée de tous les noms et cela je ne l'accepterai d'aucune femme.

- Ah bon ! lui répondit Garba. Moi, ce n'est pas la version que j'ai eue des faits. Il paraît- que c'est plutôt toi qui l'as provoquée.

- C'est elle qui te l'a dit hein ! Elle ne manque pas de culot cette femme. Ah ! j'aurai dû lui rentrer dedans pour en avoir le coeur net.

- Mais, Kadi, pourquoi toutes ces scènes ? A peine sommes-nous fiancés qu'entre toi et Maïmou l'atmosphère devient intenable.

- Oh ! la-la ! Bravo ! Défense bien menée. Ta femme t'a vraiment embobinée. Alors puisqu'il en est ainsi, je te demande tout bonnement de me foutre la paix et de ne plus mettre pied chez nous. Je n'entends pas être l'épouse d'un homme irresponsable, faible de caractère.

- Kadi, il faut être réaliste. Dans cette affaire j'ai eu deux versions contradictoires, et il m'est difficile de trancher. Alors, je veux comprendre...

En tout cas, reprit Kadi, dis à ta femme de se mélier de moi, sinon.
Sinon ! Eh bien ! je serai obligée de me défendre énergiquement.

-Je t'en prie Kadi, laisse Maïmou tranquille. Car à tort ou à raison les gens diront que c'est moi qui te pousse à la provoquer.

-D'accord, mais tu lui diras de ne pas me provoquer encore.

-Je le lui dirai dès mon retour.

Une scène terrible à Maïmou.
Comme promis, Garba de retour chez lui :
Ecoute, je te défends de t'en prendre à Kadi pour la seule raison que je me suis fiancée à elle.

Mais qu'est-ce qui t'arrives? A peine entré tu me tires de mon sommeil pour me gronder, et à tort.
Je t'ai expliqué exactement comment cela c'est passé entre elle et moi. Il y avait des témoins. C'est elle qui m'a provoquée la première devant tout le monde et, je ne lui ai même pas répondu par respect pour toi, et parce que je tiens également à ma dignité. Le fait que tu te sois fiancé à elle m'est égal. Je ne suis pas la seule à avoir de coépouse.
C'est ton droit absolu de te marier à qui tu veux. Mais, je ne tolère pas évidemment que dès à présent, Kadi se comporte comme ma coépouse et qu'elle m'insulte pour rien. Cela je te le dis encore une fois, je ne le tolere pas.

-Maïmou, je te demande de te taire.

-Non, je ne me tairai pas. Ta fiancée me provoque, elle m'insulte, je te rapporte les faits sans les dénaturer, en quoi que ce soit, et maintenant tu rentres presque au petit matin de chez elle où elle t'a raconté sa version à elle qui détruit évidemment la mienne, et tu me réveilles de mon sommeil pour me faire des reproches, et avec ça tu veux que je me taise ?

A ce moment précis, Garba lui administra une belle giffle qui la fit s'écrouler aussitöt. Maine condit en larmes, mais eût la force de se lever pour se voir administrer une seconde gifle. Elle pleura encore et davantage. Il aura fallu l'intervention des voisins réveillés par les pleurs, pour la soutirer


Le lendemain matin, tout le village était au courant de la dispute entre les époux Garba.
On ne comprenait pas que celui-ci en soit venu aux mains avec une épouse que tout le monde s'accorde à qualifier d'exemplaire. Mais la vérité ne tarda pas à éclater et chacun se mit à condamner Garba. A commencer par ses amis Omar et Biro. Quant à Kadi, elle voyait dans ce qui vient de se passer la preuve évidente de l'influence qu'elle exerce sur Garba, et elle se décida d'en profiter au maximum.
De nombreuses femmes du village
conseillèrent à Maïmou de faire le "waïkori" c'est-à-dire de rentrer chez ses parents jusqu'à ce que son mari s'amende et aille la chercher.

MAÏMOU ou Le drame de l'amour Où les histoires vivent. Découvrez maintenant