MAÏMOU ou Le drame de l'amour

CHAPITRE 34

Mais enfin, tu dois savoir que...

- Réponds-moi, c'est oui ou c'est non ?

- Bien, puisque tu insistes tant, je vais te construire une maison ailleurs qu'ici. Ça va maintenant ?

- Oui, ça va.

Quelques semaines plus tard, Garba construisit la maison dans un autre quartier du village. Maïmou mise au parfum par la vieille Goudou dont les narines sentent toutes les odeurs, n'en dit pourtant rien à son mari. Elle fit comme si de rien n'était, et attendit jusqu'au jour où son mari vint lui annoncer qu'il avait décidé de les séparer.
Maimou, je viens de construire une
nouvelle maison dans le quartier Foumba où j'ai décidé de loger Kadi. Ainsi pourront être évitées les querelles intestines entre vous.

- Oui j'ai appris cela il y a quelques temps déjà. Mais est-ce vraiment nécessaire ?

- Bien sûr que oui !
Alors je souhaite que cela puisse
ramener la paix dans ton foyer.
Dès le lendemain, Kadi déménagea dans sa nouvelle demeure.

Maïmou la regardant partir lui adressa cette phrase : "que la paix soit avec toi Kadi". Mais Kadi ne répondit pas et s'éloigna à pas pressés.

Garba alors commença son nomadisme : deux
jours chez Maïmou, deux jours chez Kadi.

Une semaine, deux semaines, trois semaines s'écoulèrent sans histoire. Puis un jour, Kadi tenta et réussit que Garba ne se rende pas chez Maïmou.
Cette scène se répèta plusieurs fois. Puis un jour, Maimou passant à côté de la demeure de Kadi aperçut son mari, alors qu'il devait être à Niamey depuis la veille en voyage d'affaires. Maïmou s'est tout de suite arrangée pour ne pas être vue. Mais elle était noire de colère. Et lorsque le lendemain soir Garba s'amena chez elle, avec ses mots :

"Ah ! je sui fatigué avec ce long voyage. Et puis avec la route et dans ce camion vieux comme le monde ''

- Veux-tu qu'on t'amène de l'eau pour ta douche ?

- Oh ! non ça va.

- Ah ! je m'y attendais. Je savais que tu n'en as pas besoin !

-Qu'est-ce que tu veux insinuer par là ?

- Je veux simplement dire que je sais d'où tu viens. Tu étais chez Kadi depuis deux jours. Ce midi je t'ai aperçu chez elle, tu sortais de la maison avec pour seul vêtement un pagne autour des reins. Donc ne viens pas me parler de voyage éprouvant. Mais si jusqu'ici j'ai tout encaissé, il va de voir que cette fois je ne marche pas.
Alors il faut choisir: ou bien tu restes le mari modèle que je souhaite que tu sois, ou bien tu récidives et moi je m'en vais. Alors choisis. Pour l'instant, l'affaire reste entre nous et ne sera pas portée dans la rue. Mais seulement si tu prends l'engagement solennel de ne jamais recommencer.

- Je te le jure Maïmou. Jamais je ne ferai cela encore. J'ai même honte de moi à présent.

- Tant mieux donc pour toi et pour moi.

Et lorsque deux semaines plus tard, Kadi demanda à Garba de prétexter un autre voyage sur Niamey et qu'elle s'était entendu dire non, elle monta sur ses grands chevaux et fit une scène terrible à son mari.
Au point que celui-ci ne put s'empêcher de la gifler sans même s'en apercevoir.

Depuis lors, Kadi prit des airs impossibles qui irritaient Garba. Elle lui "attachait le lit" comme on dit dans le langage populaire, et faisait la cuisine quand elle le voulait. Il lui était même arrivé d'aller trouver Maimou à domicile pour l'injurier plus d'une fois sans que celle-ci lui donne la réplique.
Tout cela, Garba l'encaissait sans rien dire.
Non par faiblesse, mais parce qu'il entendait réunir le maximum de preuves irréfutables sur la très mauvaise éducation de Kadi qui l'empêche d'être la bonne épouse dont il rêvait.

- Je l'aime, c'est évident, au point d'accepter certains de ses caprices, mais Kadi est trop orgueilleuse et n'a de considération que pour sa personne. Jamais elle ne pourra être à l'image de Maïmou, et je me demande si je pourrai la garder avec moi encore plus longtemps.
Ainsi parlait Garba à son ami Omar qui fut témoin un jour d'une de leurs scènes de ménage au cours de laquelle Kadi traita Garba notamment de vaurien et d'idiot.
Omar en était tellement
scandalisé qu'il jura de ne jamais rendre visite à son ami tant qu'il sera chez cette femme; parce que pour lui, Kadi ne mérite plus d'être l'épouse de son ami. En tous les cas, se dit-il, jamais je ne jouerai l'intermédiaire pour la ramener dans son foyer, si d'aventure il lui arrivait de la quitter.
Il s'en ouvrit d'ailleurs à Garba qui le comprit fort bien. Et cela lui pesa lourdement sur le coeur; aussi,
est-ce avec tristese qu'il vit Omar s'éloigner après lui avoir serré la main.
Désormais, rien ne sera plus comme avant chez Garba. Il est devenu si fermé, si taciturne, lui jadis si gai, si souriant et bon causeur. Pourtant, il ne souffla mot à personne à propos du mal qui le ronge. Du reste, à quel saint peut-on se vouer, se dit-il, lorsqu'on s'est créé soi-même son propre malheur par égoïsme, par des calculs mesquins et aussi par ingratitude vis-à-vis d'une épouse telle que Maïmou au comportement exemplaire et à l'amour indéfectible.

Mais la surprise la plus désagréable que Kadi lui réserve interviendra quelques jours plus tard, lorsque Garba voulut offrir à sa mère trois pagnes à l'occasion de la fête de Tabaski. Dès que les yeux de Kadi se posèrent sur ces pagnes, elle jura de se les approprier, et fit part de cette intention à son mari. "Ces pagnes, dit-elle, je les veux pour moi car ils sont très beaux pour être donnés à ta maman qui est tout de même d'un certain âge..