Chapitre 6

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Gaspard n'avait pas cours avant l'heure prochaine. Ce petit lapse de temps leur avait été laissé afin qu'ils fassent plus ample connaissance avec leur tuteur respectif. Chose dont Gaspard ne se réjouissait pas énormément vue l'arrogance de sa paire.

Néanmoins, le voilà devant le lieu du drame : la porte des toilettes des filles. Il est adossé contre le mur qui précède l'enfoncement de la porte, jambe contre le mur, il attend que la jeune fille âgée d'un an de plus, sorte de l'antre maudite.

A chaque battement de porte, il lève la tête, espérant que ce soit elle qui sorte. Puis, enfin, la bouclette apparait. Elle s'est réappliquée du rose à lèvres et peut-être même un peu de parfum, compte tenu de la brise mentholée qui frôle les narines de Gaspard. Bon sang, qui met du parfum à la menthe ?! Gaspard est sorti de sa rêverie par Victoria qui s'arrête devant lui.

Elle est plus petite que lui, d'au moins cinq centimètres, ce qui la force à lever ses yeux émeraude vers le regard du brun. Le garçon se redresse et range son téléphone dans la poche arrière de son jean large.

- Alors déjà, tu vas commencer par me laisser pisser tranquile, lance l'américaine.

Gaspard hausse les sourcils, légèrement surpris. La fille ne parle pas trop vite, d'où la raison pour laquelle Gaspard comprend à peu près ce qu'elle dit, enfin c'est ce dont il se persuade. Son anglais n'est pas aussi mauvais qu'on ne le pense en réalité. Dans son esprit, c'est une catastrophe, mais dans les faits, il y a bien pire.

- Alors déjà, redescends parce que j'ai juste besoin de toi pendant une demi heure, le temps de me faire visiter le campus, répond Gaspard en soupirant.

La fille hausse le sourcil droit et sourit malicieusement.

- T'as l'air de connaître le chemin vers les toilettes des filles en tout cas, c'est déjà une chose en moins sur la liste.

Il lève les yeux au ciel en soufflant bruyamment.

- Ouais, ok, j'ai confondu les toilettes des filles avec ceux des mecs, c'est bon, on va pas en faire un drame.

Au moment où Victoria s'apprête à répliquer, deux jeunes filles passent devant la paire en ricanant. L'une des filles ralentit et s'arrête auprès de Victoria.

- Fais gaffe, Vic, t'as pas vu la vidéo où il est dans nos WC...A ta place je l'éviterais ce mec.

- Merci de m'avoir prévenue Jessica, je le sentais déjà m'agresser rien qu'en étant posté devant moi, répond Vic ironiquement tout en fixant la fille droit dans les yeux.

La dite Jessica repart vers son amie en soufflant un "pauvre conne". L'interaction arrache un sourire à Gaspard.

- La vidéo a tourné dans toute la promo, explique Victoria.

- M'en fout, je fais rien de mal, se défend Gaspard indifférent.

- Ils ont une tolérance 0 avec tout ça ici. Je te préviens juste que si ça sort de la promo, l'administration risque de tomber dessus et de te convoquer.

Sérieux ? Il n'y a vraiment rien de compromettant dans la vidéo. Enfin, après tout, Gaspard ne l'a toujours pas vue.

- Fais voir, ordonne-t'il à sa collègue.

Celle-ci grimace comme elle sait si bien faire en sortant son téléphone de sa poche.

- Je t'en montre une parmi tant d'autres.

Elle se rend sur Instagram et en quelques clics, accède à une vidéo pixelisée, sûrement dû aux dixaines de reposts. On y voit Gaspard, encerclé par les autres filles. Il rougit et la piètre qualité vidéo amplifie sa mine fatiguée. Il a l'air extrêmement embarassé.

La vidéo s'arrête et Victoria verouille son cellulaire.

- C'est vraiment pas un truc de ouf, vous vous ennuyez ici.

- N'empêche qu'on t'appelle le pervers maintenant.

Gaspard s'en contrefiche. Il est français.

- Je. M'en. Fous. Maintenant si tu pouvais me faire une visite guidée du campus, histoire que je ne me perde plus. Après ça, j'ai plus besoin de toi.

La franchise de Gaspard ne cesse de prendre Victoria de court. Elle se savait franche et directe mais c'est plutôt perturbant de rencontrer quelqu'un qui communique de la même manière qu'elle, voire en pire.

- Peut-être. Mais moi je suis obligée de te tutorer toute l'année.

Gaspard semble intéressé car il reprend appui contre le mur en enfonçant ses mains dans ses poches.

- Ah ouais, "obligée" ? répète-til en inclinant la tête.

Victoria roule des yeux puis dévie le regard.

- Si je veux parfaire mon dossier pour Harvard, je dois m'investir davantage dans le milieu associatif. Donc, je dois t'aider.

Gaspard semble amusé, il se met à sourire sournoisement.

- Mais je n'ai pas besoin d'aide, Victoria.

- Mais tu piges pas que tu n'as pas le choix. Je t'aide, un point c'est tout.

Gaspard se met alors à rire franchement, attirant l'attention de certains élèves à proximité. Il récupère son sac à dos, posé au sol et se rapproche de Victoria.

- Sinon quoi, "Vic" ?

Victoria sent qu'elle perd ses mots. Elle n'est pas souvent destabilisée, mais cette proximité ne lui est pas naturelle. Bientôt, elle sent son cœur hurler, la suppliant de quitter sa cage thoracique. Elle ne peut pas montrer son malaise. Elle doit garder la tête froide, bien qu'elle sente ses oreilles brûler.

- J'ai pas besoin de te menacer pour obtenir ce que je veux.

Bien répondu, Vic ! crie une petite voix dans sa tête.

Gaspard recule et hausse les épaules.

- Peut-être que tu devrais me menacer pour voir.

Et en un clin d'œil, Victoria ne peut plus qu'apercevoir le dos légèrement sculpté de Gaspard qui s'en va vers la sortie.

Pff, Gaspard, quel prénom péteux.

En échangeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant