Chapitre 11

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Comme convenu, à 15h, Gaspard vit Victoria arriver devant le campus. Ses boucles couleur caramel rebondissaient à mesure qu'elle avançait vers lui et il leur arrivait parfois de lui obstruer la vue lorsque le vent faisait des siennes. 
"Purée, ce qu'elle est belle" pense Gaspard pour la énième fois. Il se demande comment il a réussi jusque-là à ne pas se faire attraper en train de la contempler. C'est sûr, ça crève les yeux qu'il la trouve méga canon, surtout ce midi, lorsqu'il a osé poser sa main sur sa cuisse.
Il se sentait d'humeur joueuse. Il se sent d'ailleurs toujours d'humeur joueuse car, à quoi bon passer huit mois à l'étranger si ce n'est pour déconnecter de sa réalité parisienne et prendre du bon temps ? Dommage qu'elle ait ce caractère de merde. N'empêche qu'il lui arrive de sourire à ses blagues et à ses remarques bidons. Il l'a remarqué, à chaque réponse un peu trop ironique, elle a cette fossette sur la joue droite qui ressort timidement. 

Victoria arrive enfin à son niveau, les sourcils froncés, les cheveux virevoltant au gré du vent. 

"On y va ? Je vais finir par m'envoler, râle la fille agacée par les caprices d'Éole.

Gaspard se lève de la marche sur laquelle il était accroupi et tend la main en se plaçant sur le côté, de sorte à la laisser passer devant.

- Ça fait longtemps que tu m'attends ? demande curieusement Vic en dévérouillant sa voiture.

- A peine vingt minutes, répond Gaspard en montant côté passager. 

Vic s'asseoit et soupire. Elle met le contact et guette l'écran d'interface qui projette l'heure en gros caractères. Il indique 15h10. 

- Le rendez-vous est à 15h. Pourquoi tu m'attends à 14h50 ? 

- Je suis beaucoup trop impatient de te voir, dit Gaspard, un sourire en coin.

Vic l'ignore mais sa fossette droite en dit trop. 

Les quinze minutes de trajet sont moins désagréables que la veille. Elles se font dans le silence mais aujourd'hui, c'est un silence qui ne dérange pas, un silence entendu, comme la résultante d'un accord entre les deux jeunes. 

Gaspard remarque que la porte du garage est ouverte. S'il réfléchit un minimum, cela signifie qu'il n'y a personne chez Victoria. L'air léger ornant le visage de la jeune fille confirme sa déduction. 
Comme la veille, ils entrent dans la somptueuse demeure des Sloan, demeure dont Gaspard ne se remet toujours pas. 
Victoria lui offre un verre de jus de cranberry, beuvrage peu ordinaire pour le parisien sevré aux pintes des happy hour. 

- Ma mère ne jure que par ça, le meilleur antioxydant selon elle, affirme Vic en se servant un verre. 

- Je te dirai si elle a raison dans quelques secondes, dit Gaspard avant d'en ingurger la moitié d'une traite.

Il pose le verre un peu trop violemment sur le plan de travail et s'excuse en posant sa main sur le meuble. Il grimace en secouant la tête négativement. Ramenez-le dans un bar miteux parisien par pitié. 

- Ta mère est une giga menteuse. Prononcer les mots "meilleur" et "cranberry" dans la même phrase devrait être illégal, poursuit le Français. 

Sa remarque arrache un léger rire à Vic, qui boit une gorgée de la boisson couleur sang. 

-  Si seulement tu savais le nombre de choses illégales qu'elle dit alors. Allez viens, on va bosser.


Ça a beau être la seconde fois que Gaspard vient chez Victoria, il semble s'être déjà acclimaté au lieu. Il ne se cogne pas le petit orteil contre la table et ne manque pas de glisser sur les marches beaucoup trop étroites de cette immense cage d'escaliers. Il n'attend pas l'autorisation de Vic pour s'asseoir sur son lit et a déjà les coudes pliés derrière lui pendant qu'elle s'installe à son bureau.
Gaspard est pratiquement chez lui. 

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