Chapitre 9

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C'est en sentant les deux paires d'yeux figées sur elle que Victoria se rendit compte de ce qu'elle venait de dire. C'était sorti tout seul, tout naturellement.

En réalité, elle avait rêvé de ce moment -bon pas de celui-ci précisément- mais du moment où elle prononcerait "mon" et "copain" dans une même phrase. Sa mère l'avait toujours tanée de ne leur avoir jamais présenté personne, toujours en comparaison à Heidi, qui avait un franc succès auprès de la gent masculine.

Alors quand Victoria perçoit la perche idéale qui lui est tendue pour clouer le bec de sa mère, elle l'attrape volontiers. Elle ne sait pas comment la situation va évoluer, ni comment Gaspard réagira dans les secondes à venir. Tout ce qu'elle sait, c'est que sa mère n'a jamais été aussi surprise de sa vie. Mais ce que sa mère n'a vraiment pas besoin de savoir, c'est que Victoria est forcée de tutorer quelqu'un pour renforcer ses chances d'intégrer Harvard. "Comment se fait-il qu'Heidi n'ait pas eu besoin de tout ça pour Yale ?" entend déjà Victoria.

La voix de sa mère la tire hors de ses pensées.

"Oh, ça pour une surprise, lance Anya en lâchant la main de son prétendu gendre.

Ce dernier replonge sa main dans sa poche et se tourne vers Victoria, qui ne laisse transparaître aucune gêne. On ne peut pas en dire autant de Gaspard, qui ne cesse de sourire, très embarassé.

- A qui le dites-vous, répond Gaspard dans un ton plein de sous-entendus.

Anya pose son téléphone et tire une chaise vers elle. Que fait-elle ? Pourquoi est-ce qu'elle semble d'intéresser à sa fille d'un coup ? Et surtout, pourquoi est-ce qu'elle a ce large sourire qui lui fait plisser ses grands yeux bleus ?

- Alors, Gaspard...c'est pas très américain comme nom, souligne la blonde.

Gaspard s'asseoit et frotte ses mains moites contre son jean. Il ne s'attendait pas à rencontrer une mère de sitôt.

- Je suis français, clarifie le garçon.

Anya semble perplexe puisqu'elle fronce les sourcils. Elle ignore la remarque de Gaspard et se tourne alors vers sa fille, muette depuis qu'elle a lâché la bombe.

- Et il a fallu que je rentre plus tôt pour découvrir que ma petite fille avait eu son premier petit-ami ? reproche-t-elle faussement à sa fille.

- On dirait bien, dit sèchement Victoria en rangeant ses affaires, viens Gaspard, on va dans ma chambre.

Victoria se lève soudainement en ramassant grossièrement ses cahiers. Elle se dirige vers la cage d'escaliers sans adresser un regard à sa mère. Gaspard récupère à son tour son ordinateur encore éteint et se lève en vitesse, afin de ne pas perdre Victoria de vue. Il sourit timidement à Anya, qui le regarde s'exécuter sans dire un mot.

- Désolé hein, vous connaissez votre fille, tente-t-il."

Elle se contente de hocher la tête en l'observant se cogner le petit orteil contre le pied de la table. Il doit avoir un mal de chien, pense Anya. Il a un mal de chien.

Lorsque Gaspard arrive en haut des marches, il n'aperçoit plus Victoria. Elle a fui beaucoup trop rapidement, il n'a pas eu le temps de voir dans quelle pièce elle s'est rendue. C'est tout naturellement qu'il a la bonne idée de l'appeler. Après tout, ils sont en couple maintenant.

Une porte sur la gauche s'ouvre brusquement et la petite brune en sort sa tête, les sourcils froncés. Tiens, elle ressemble à sa mère comme ça, pense Gaspard.

"C'est la dernière fois que tu hurles comme ça, tu t'es cru chez ta mère ?

Le sourire de Gaspard faiblit à l'évocation de sa mère. C'est pas grave, elle ne peut pas savoir que sa mère est une addicte qui l'a délaissé la majeure partie de sa vie. Elle n'a pas besoin de savoir.

En échangeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant