Chapitre 35

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Le réveillon s'était déroulé à merveille. Le traiteur avait fait des ravages et tout le monde avait ravi ses papilles. Les petits et grands avaient été gâtés à l'avance, beaucoup trop impatients pour attendre le lendemain. Vic et Heidi ne s'étaient pas adressé la parole de la soirée.
En revanche, Vic et Gaspard semblaient avoir retrouvé un semblant de complicité, bien que Vic soit un peu plus dans la retenue. 

Les mots prononcés par Gaspard durant leur dispute n'ont fait que résonner dans sa tête. Elle en était à se demander s'il n'avait pas raison, si Harvard était vraiment son objectif ultime, si tout cela n'était pas le fruit d'une pure soif de vengeance. Ses mots sont forcément réfléchis, il n'a pas pu les monter de toute pièce. Alors bien que Gaspard semble lui avoir pardonné, Vic ne demeure pas moins pensive. 

En rentrant chez Vic, il est décidé que Gaspard et sa famille passent la nuit chez les Sloan, afin de se réveiller ensemble et d'éviter à Vic de conduire la nuit. Les américains avaient un nombre incalculable de chambres disponibles, ce n'était pas la place qui manquait.

Toute la famille entre à l'intérieur, sauf Vic et Gaspard, qui sont assis sur les marches devant la porte. Il fait frais mais aucun des deux n'ose dire à l'autre qu'il souhaite rentrer. Ils sont bien.

"Je ne te remercierai jamais assez pour cette surprise, dit Gaspard.

Vic lève les yeux vers lui et hausse les épaules.

- Comme je te l'ai dit, ça m'a fait plaisir. Et puis, tu as une famille géniale. 

Gaspard joue avec un caillou tout en souriant. C'est vrai que son père et sa sœur sont superbes.
Il sent Vic se remuer un peu, cherchant quelque chose dans la poche large de son manteau. Elle en sort finalement une petite boîte rouge, en forme de cœur. 

- Ce n'est pas grand chose, mais tiens, joyeux Noël, lui dit-elle en lui tendant la boîte.

Gaspard est bouche bée, il ne lui a rien offert. Il hésite avant de s'emparer de l'objet mais voyant Vic s'impatienter, il l'attrape et l'ouvre. Ce sont des chocolats et ils lui rappellent vaguement quelque chose.

- On dirait...

- Oui, ce sont ceux-là, l'interrompt Vic.

Ce sont les chocolats que Gaspard a offerts à Vic les premières semaines où ils se sont connus. Ils avaient eu un débat houleux concernant quels étaient les meilleurs entre les chocolats au lait ou noirs, Vic défendant la cause de ceux au lait. Le lendemain, Gaspard lui en avait ramenés en guise de drapeau blanc. 

- Si tu me remercies encore une fois, je te coupe les cordes vocales, continue Vic.

Gaspard rit et pose les chocolats derrière lui. Il s'approche de Vic et pendant un instant, elle espère qu'il va l'embrasser. Mais il la prend dans ses bras. Le câlin est long, tendre et apaisant. L'odeur d'amande qui parfume les cheveux de Gaspard titille les narines de Vic et elle se sent bien. Vraiment bien. 
L'étreinte s'achève et ils se séparent, laissant un vide dans le cœur de la jeune femme. Si seulement elle pouvait s'endormir dans cette odeur et ne plus jamais la quitter. 

- Je suis contente que nous ayons réglé nos différends, admet Victoria. 

- Moi aussi.

- Mais, je pense qu'on devrait prendre nos distances, Gaspard.

Le garçon la regarde, confus. 

- Comment ça ? 

- J'ai besoin de me recentrer sur moi-même, de voir ce qui cloche chez moi. Tout ce que tu m'as dit tout à l'heure, ça m'a fait réfléchir.

- Je, je ne pensais pas un mot de ce que j'ai dit, j'étais contrarié, tente-t-il de la convaincre.

Vic secoue la tête en souriant tristement. 

- Ne t'en fais pas, ça m'a fait du bien de l'entendre. Je me suis trop dispersée, je dois revoir mes priorités et ce que je veux vraiment. 

- Mais, moi je ne veux pas qu'on s'éloigne, dit Gaspard en baissant la tête.

D'un mouvement de la main, Vic lui relève le menton, le forçant à la regarder droit dans les yeux. Son visage est seulement éclairé par le lampadaire du bout de l'allée et pourtant, elle voit à quel point il est triste.

- Fais le pour moi. 

Gaspard soupire et récupère la boîte de chocolats derrière lui. Il se lève et soupire longuement en observant Vic, à ses pieds. Quelle scène absurde, elle à ses pieds alors qu'il remuerait ciel et terre pour elle. 

- S'il-te-plaît, ajoute Victoria. 

Gaspard acquiesce contre son gré. C'est pire qu'un adieu.

- Merci, souffle la fille."

Gaspard entre dans la maison et se terre dans la chambre d'amis collée à celle de Victoria.
Peut-être que le meilleur cadeau qu'il puisse lui faire, c'est de la laisser seule, comme elle le lui a demandé. 


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