Chapitre 17

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Ces cinq derniers jours n'avaient consisté qu'à s'empiffrer et à mater des films d'auteurs pour Gaspard. En tant que bon français, l'esprit de Thanksgiving lui était complètement absent. 
Il n'avait eu d'interaction sociale qu'avec sa famille et ses meilleurs potes, lorsqu'ils avaient eu la foi de rester éveillés pour se calquer à l'heure de la Californie.
Plusieurs fois, il avait été pris d'une adrénaline et s'était emparé de son téléphone, prêt à envoyer un message à Vic, mais il s'était toujours résigné. Elle lui avait demandé de ne pas la déranger pendant le reste des congés, elle devait réviser. Il avait donc respecté sa décision et s'en était remis à ressasser leurs nombreux baisers en boucle, oubliant même qu'il avait des partiels à réviser.
Il s'était enfin décidé à remettre un peu d'ordre dans son appartement lorsque le nom de sa tutrice est apparu sur son écran de téléphone.

"Tu as quelque chose de prévu ce soir ?"

Sans savoir pourquoi, le pouls de Gaspard s'est soudainement mis à battre très fort. Il avait pensé à Victoria non-stop pendant ces cinq derniers jours et ne pas pouvoir lui parler le tuait peu à peu, mais recevoir ce message inattendu avait éveillé une forme de stress chez lui.
Comment était-il censé agir avec elle ? Après tout, ils n'ont rien officialisé, bien que la matinée passée ensemble n'a fait que confirmer une certaine attirance physique des deux côtés. 

"Pas encore, pourquoi ?" répond Gaspard, sachant très bien qu'il n'aura rien de prévu. 

Les trois petits points apparaissent sur l'écran et les mains du français deviennent moites. 

"Viens passer Thanksgiving avec ma famille, chez moi, 20h."

Gaspard est confus. Ils ne se parlent pas pendant cinq jours, et le voilà invité à l'une des réunions familiales les plus sacrées de la culture américaine. Il fronce les sourcils et ne répond pas de suite. 
Accepter d'aller chez Vic pour Thanksgiving, c'est accepter de potentiellement rencontrer toute sa famille et accepter de mentir à toute une famille. Sans penser au fait qu'il devra passer la soirée à parler anglais et à jouer au petit-ami parfait, choses pour l'instant non maîtrisées par notre petit parisien. A vrai dire, son niveau d'anglais s'est considérablement amélioré, ce qui fait déjà un poids en moins. Mais pour ce qui est de jouer la comédie...

Comme à chaque fois qu'il fait face à un dilemme, Gaspard compose le numéro d'Enzo, son meilleur ami. Il regarde l'heure : 17h43, soit 1h du matin en France. Enzo est soit en train de s'abîmer la rétine devant son écran plat, soit en train de se remplir les poumons d'herbe à une soirée. Gaspard prie pour la première option.

Une sonnerie, puis deux retentissent avant qu'Enzo ne décroche.

"Ne serait-ce pas mon petit Gaspard qui m'appellerait pour me dire à quel point je lui manque ?

Pas de musique en fond, ni de rires excessifs, Enzo était bien chez lui. 

- C'est bien lui, répond Gaspard. Comment tu vas ?

- Je suis en train de défoncer tout le monde à la Play donc tout va pour le mieux. Et toi, le ricain ?

Gaspard imagine bien son ami assis dans le noir, clignant les yeux beaucoup trop rarement et lançant des jurons à chaque fois qu'il se sent menacé. Ça lui manque un peu.

Il soupire en s'allongeant de plus belle sur son canapé.

- Je suis en vacances toute la semaine, mais je me fais chier à mourir. 

- Vacances en novembre ? Ok, c'est un délire.

- Thanksgiving, sale inculte, explique Gaspard.

Enzo rit et lance un "Olala" digne d'un vrai parisien.

En échangeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant