Chapitre 19

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La fin des congés de Thanksgiving n'avait été que révisions et prises de bec pour Victoria.
Après le dîner, elle avait été contrariée envers sa mère, qui n'avait pas pu s'empêcher de remarquer que se mettre en couple au bout de seulement deux mois était "peu réfléchi", sans oublier de préciser que Victoria ferait mieux de se concentrer sur ses études et sur le retard conséquent qu'elle a pris ces dernières années.

Ce lundi marque le premier jour d'examens de mi-semestre. Victoria se sent prête, parée à toute éventualité. Elle a révisé comme une acharnée et rien ne peut la distraire.
C'est du moins ce qu'elle pensait avant d'apercevoir Gaspard au bout du couloir, en train de discuter avec Zack. Ils sont debout, figés devant le tableau recouvert des flyers des différents clubs et associations de l'école. Gaspard écoute attentivement Zack, qui semble vraiment passionné par l'objet de leur discussion. Les deux garçons mesurent la même taille et de loin, ils s'apparentent à deux opposés : l'un est brun, l'autre blond, le premier porte très peu de couleur tandis que le deuxième arbore fièrement les couleurs clinquantes de l'école. Sur le papier, ils semblent polairement contraires, mais dans les faits, leur personnalité est identique. Vic parle en connaissance de cause, elle qui peut dire qu'elle a fréquenté les deux hommes. C'est justement pourquoi ce rapprochement l'inquiète. Les deux ne sont pas dupes, ils se rendront bien compte que le dénominateur commun est Vic.

C'est alors que la sonnerie retentit, sortant Victoria de cette analyse détaillée qu'elle se donne secrètement. Les deux garçons se font une accolade, preuve d'une certaine proximité entre ces deux individus que Victoria n'imaginait pas une seconde familiers.
Bien que perturbée, Vic a un test d'anglais à déchirer.


Au bout d'une heure et demi, la professeure de littérature signale la fin de l'épreuve. Tout le monde pose son stylo, à l'exception de quelques retardataires, qui essaient de finir leur phrase sans se faire hurler dessus par la vieille dame. Victoria rend sa copie et détale de la salle.

"On se retrouve toujours à 15h ?" reçoit-elle subitement sur son téléphone.

"Toujours." envoie-t-elle avant de rejoindre Alizé.

Il lui reste encore trois épreuves à passer avant d'en avoir fini avec ces examens de mi-semestre.
Ces examens sont cruciaux dans la validation de son année, elle ne peut pas risquer de les laisser filer sous ses doigts si elle veut intégrer Harvard. Harvard...un nom qu'elle convoite depuis aussi longtemps qu'elle puisse se souvenir mais qui, au fil du temps, lui semble si loin et inatteignable.
Victoria n'a pas toujours été si hésitante et peu sûre d'elle. Pour preuve, il y a encore deux ans, elle dirigeait tout le campus, assistait à tous les matches de hockey, en bonne petite-amie du capitaine de l'équipe de l'école. Les gens l'adoraient, elle passait tout son temps sur le campus et être invité à l'une des fêtes de Victoria Sloan était la consécration de toute une vie étudiante.
Avoir Victoria dans son répertoire était la clef d'une vie sociale assurée.

Mais tout ça, c'était il y a deux ans, avant que tout ne bascule pour Vic.

"Alors cet exam ! crie Alizé en bondissant par derrière.

Vic se lève du banc sur lequel elle attendait son amie et chasse les souvenirs de sa vie passée.

- Comme du beurre, répond Vic en souriant.

- J'en étais sûre, t'es juste THAT girl, Vic.

- Je sais, râle Vic.

- Oui, mais t'as tendance à l'oublier, tu sais c'était il y a longtemps...

- C'est bon, arrête, la coupe Vic.

Elle sait très bien que lorsque sa copine est lancée, elle ne peut plus s'empêcher de ressasser certains moment douloureux pour Vic, même si ses intentions sont toujours bonnes.

Elles ont encore deux heures avant leur prochain cours, elles décident donc d'aller chez Vic.
En quinze minutes, elles sont garées dans la grande allée des Sloan. La maison est vide, ce qui rassure Vic, qui doit encore lui conter sa soirée de Thanksgiving.

Après s'être emmitouflées dans un plaid, un thé chaud à la main, Victoria a tout raconté à sa copine ; des discussions embarrassantes de ses oncles, à l'interrogatoire intense subi par son faux petit-ami, tout en commentant à quel point sa chemise lui taillait parfaitement bien. Malgré tout, Vic a comme l'impression d'omettre une information importante.
Alizé avait les mains en coupe, soutenant sa tête et elle souriait. Victoria sentait déjà les remarques un peu coquines que sa copine allait lui faire, mais elle s'en délectait, elle ne peut plus jouer l'indifférence devant le charme de Gaspard, surtout depuis qu'ils se sont embrassés à plusieurs reprises. Ah oui, c'est ça qu'elle a oublié de lui dire.

- Pardon ?! Toi et Gaspard, dans un lit, s'embrassant toute la matinée et je ne suis au courant qu'un mois après ?! s'exclame Alizé en se levant sur le lit.

- C'était il y a à peine deux semaines, rectifie Vic en buvant son thé.

- Bonnet blanc et blanc bonnet ! Je n'arrive pas à y croire, je me sens...trahie. Non, souillée, enchaîne Alizé, la main sur le cœur.

Victoria lui lance un coussin qu'elle rattrape à la volée et s'en suit une bataille de polochons digne des soirées pyjama auxquelles Victoria assistait pendant son enfance.
Après avoir défait le lit de Victoria, les deux filles se rasseoient, essoufflées comme pas possible.

- Il faudra penser à refaire ton lit avant de partir, ils pourront croire que tu as fait autre chose, si tu vois ce que je veux dire, dit Alizé en faisant danser ses sourcils.

Vic s'empare d'un des coussins et le brandit, comme une menace. Alizé lève les bras, comme pour capituler et descend du lit. Elle s'aventure dans la chambre de son amie et s'arrête sur la boîte rouge posée sur sa commode.

- Oh, mais qu'est-ce que c'est que ça ? demande la fille en prenant la boîte entre ses mains.

Elle ouvre l'objet et y découvre des chocolats au lait, en forme de cœur. Elle revient s'asseoir aux côtés de sa meilleure amie, les chocolats en main. Vic en prend un dans la boîte et le déguste précieusement.

- Gaspard qui les a offert, arrive-t-elle à articuler.

Alizé lâche la boîte en se jetant en arrière d'un air dramatique.

- Oh mais qu'il est bon ce garçon ! crie-t-elle théâtralement.

La posture d'Alizé fait rire Vic ; elle est allongée sur le dos, la tête à l'envers qui pend du haut du lit.

- T'es bête.

- Mais la réelle question est, reprend Alizé en se redressant, est-il aussi bon au lit ?"

C'est la goutte de trop pour Vic qui retient un fou rire depuis une bonne dizaine de minutes.
Elles rient encore un coup avant de se mettre en route pour les cours de cette fin de journée.

Sur le chemin vers le campus, une image apparaît dans l'esprit de Vic ; Gaspard vêtu de cette chemise noire qui lui allait si bien à Thanksgiving, ses boucles bien coiffées et cette foutue boîte de chocolats entre les mains. Elle l'avait trouvé extrêmement séduisant et malgré elle, elle s'est surprise à se demander s'il savait se montrer aussi bon dans d'autres domaines.

En échangeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant