Chapitre 32

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Pierre-Jean et Adaline étaient arrivés il y a deux jours chez la famille Sloan. La cohabitation se déroulait plutôt bien ; Adaline avait investi l'une des chambres d'amis puis s'était finalement retrouvée à passer ses nuits à discuter avec Vic. Quant à Pierre-Jean, il se délectait de sa chambre et de son lit king size.

Le père de Vic était en déplacement et rentrait aujourd'hui, il allait donc rencontrer la famille de son "gendre", ce que Vic redoutait un peu.





"Je ne sais absolument pas comment tu arrives à supporter mon frère, lance Adaline à Vic.

Elles sont dans la chambre de Vic, Adaline est assise sur son lit et l'observe se maquiller. La journée qui arrive s'annonce chargée.

- Tu sais, on ne se voit pas si souvent que ça. La plupart du temps, il s'entraîne, ment Vic.

Ils ne se voient plus du tout car il préfère passer ses week-ends avec toutes les filles du campus. Ça et le fait qu'il ait attrapé le melon depuis qu'il est devenu la star de l'équipe.

- Purée, j'espère au moins que les entraînements portent leurs fruits. La dernière fois que je l'ai vu, il était aussi maigre qu'un cure-dent.

Vic rit et se rappelle du premier jour où elle l'a vu, dans l'amphithéâtre. Elle était à des années lumière d'imaginer qu'elle passerait la journée avec sa petite sœur.

- Je te rassure, il n'a plus rien d'un cure-dent.

Instinctivement, Vic se revoit blottie contre lui, à l'époque où ils passaient leurs nuits ensemble. Elle se sentait vraiment bien auprès de lui et savoir que ce n'était finalement pas réciproque lui pince le cœur.

- J'ai quand même hâte de voir sa réaction, ce soir. A quelle heure tu lui as dit de venir ?

- A vingt heures, répond Vic en fermant sa trousse à maquillage.

- Cool, ça nous laissera le temps d'arriver au resto."

Gaspard et sa famille allaient se retrouver devant la maison de Katja, puis se rendraient dans un restaurant de la ville, que Vic a conseillé à Adaline, pour fêter Noël. Elle ne leur avait pas proposé de passer les fêtes avec sa famille.
Après tout, leur relation restait un mensonge et elle commençait à craindre les répercussions qu'il pourrait y avoir si les gens découvraient qu'ils ne sortaient pas vraiment ensemble.

Le programme d'aujourd'hui consistait à aller chercher Heidi à l'aéroport, faire quelques boutiques pour qu'Adaline trouve une tenue pour ce soir et lui faire visiter la ville. Sa grand-mère avait engagé tout un personnel pour préparer la fête, alors Vic n'avait pas besoin d'aller l'aider.

Les deux filles étaient donc en route pour l'aéroport lorsque le nom de Gaspard est apparu à l'écran. Ils ne s'étaient pas appelés depuis des lustres et Vic appréhendait qu'il ne dévoile leur couverture. Quoiqu'il ait à lui dire, il fallait qu'elle lui fasse comprendre qu'il était en haut parleur, et qu'elle n'était pas seule.

"Salut, dit-il d'une voix rauque.

- Salut, répète Vic, les mains serrées sur le volant.

Adaline la regarde de ses yeux ronds, un air béat sur le visage.

- Pour ce soir, c'est nécessaire que je passe toute la soirée avec vous ?

Vic fronce alors les sourcils. Qu'insinue-t-il par "toute la soirée avec vous" ? C'est comme s'il s'ennuyait déjà, rien qu'à l'idée de penser à ce soir. Et puis, qu'avait-il de mieux à faire en cette soirée de fête ?

- Euh, oui, comme on est un couple. Ce serait bizarre que tu t'en ailles avant tout le monde, dit Vic d'une voix tremblante.

Adaline est toujours assise à sa droite, et elle ne sait toujours pas comment dire à Gaspard de jouer son rôle de petit-ami.

- Ouais je sais, mais...

- Je suis en route pour aller chercher ma sœur. Je ne suis pas seule, le coupe Vic.

Un blanc s'installe et Gaspard se racle la gorge.

- Je vois. Bon, on se dit à ce soir.

- Oui, voilà.

- Je t'embrasse, finit Gaspard."

La communication se coupe et Vic demeure interdite. Même si elle est consciente que Gaspard joue la comédie, sa dernière phrase a eu le don de l'émoustiller. C'est comme si en deux mots, elle avait retrouvé le Gaspard qu'elle avait tant apprécié.

"Ça me fait super bizarre de l'entendre parler anglais, dit Adaline en souriant.

- Je dois avouer que son niveau était assez minable, mais bon, je suis une excellente professeure, se vante Vic.

- Aussi humble que lui, rit Ada."

Elles arrivent enfin à l'aéroport et récupèrent Heidi, qui comme à chaque fois, trouve un moyen de se plaindre des six heures de vol. Le personnage semble plaire à Adaline, qui rit à gorge déployée depuis une vingtaine de minutes. Vic n'a jamais trouvé sa sœur amusante.

En rentrant chez elles, Heidi est toujours aussi bien accueillie par Anya, une scène à laquelle Vic a marre d'assister. Elle se rend donc dans la pièce à vivre, où elle trouve son père et celui de Gaspard, en train de discuter sur le canapé.

Michael lève les yeux vers Vic et lui offre un sourire.

"Tu aurais pu me prévenir que le père de ton copain viendrait nous rendre visite.

Surprise par l'amabilité de son père, Vic hausse les épaules.

- Ils ne sont pas venus nous rendre visite. C'est une surprise pour Gaspard.

- Ça nous fait quand même plaisir de vous rencontrer ! ajoute Pierre-Jean.

Vic rit timidement. Cette histoire de fausse relation prend des proportions démesurées.

- Je disais à Pierre-Jean à quel point Gaspard était un bon petit. Je l'aime bien ce gosse, moi, continue Michael.

Vic retient son soupir. Gaspard a réussi à rallier le père de Vic à sa cause, lui qui est habituellement si dur et inflexible. Elle boue intérieurement de savoir qu'il n'est plus celui qui a charmé tout le monde à Thanksgiving.

- Oh mais j'éprouve la même chose pour Victoria. Votre fille est en or, Michael.

Les deux hommes rient et continuent de vanter les mérites de l'enfant de l'autre. Vic les observe de loin, un poil perturbée. Elle profite de leur moment d'égarement pour s'éclipser.

- Vic ! la rappelle son père.

Merde.

- Pourquoi n'as-tu pas proposé à Pierre-Jean de passer les fêtes avec nous ?

Peut-être parce que son fils est une pourriture et qu'on ne se parle plus depuis des semaines ?

- Je me disais qu'ils préféraient rester en famille, ment Vic.

- Ne vous inquiétez pas, tous les deux, on ne va pas vous déranger, enchaîne Pierre-Jean en posant une main sur l'épaule de Michael.

Quand est-ce qu'ils ont eu le temps de développer une telle complicité ? Vic ne s'est pourtant absentée qu'une heure.

- Tu rigoles ! Je rencontre enfin quelqu'un avec qui parler de chiffres et tu veux que je le laisse filer ? Non, non, passez la soirée avec nous. J'insiste, débite Michael.

- Bon, c'est d'accord, capitule Pierre-Jean dans un sourire.

- Super, n'est-ce pas Vic ? demande son père rhétoriquement.

- Si, super."

Finalement, peut-être que Vic préférait lorsque son père était moins joyeux.

En échangeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant