Chapitre 7

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- Et là t'as le terrain de baseball, présente Victoria devant l'espace en terre battue.

Gaspard suit sa camarade autour de l'immense campus depuis maintenant une bonne heure. Il a toujours les mains enfouies dans les poches de son pantalon et commence légèrement à ressentir la fatigue. La petite brune se tourne vers lui, toujours avec cet air un peu agacé qui ne la quitte pas.

- Attends, vous avez un terrain de baseball, de football, de basket, une piscine mais pas de salle vidéo ? reproche Gaspard à Victoria, comme si elle avait conçu le campus.

Cette dernière soupire la tête en arrière.

- Non, il n'y a pas de salle vidéo, Spielberg. 

Gaspard laisse échapper un rire, qu'il s'empresse d'étouffer. Il ne faudrait pas qu'elle se croit drôle. 

Le tour du campus universitaire terminé, Gaspard se met déjà en route pour son prochain cours, littérature anglaise. Loin de là l'envie d'y aller, il est pourtant obligé d'assister à tous les cours imposés, sous peine de ne pas valider son année lors de son retour en France. Alors qu'il a déjà repéré sa salle, une main bien plus petite que la sienne vient attraper son poignet. Il se tourne vers Victoria qui le retient.

- Tu termines à quelle heure ? 

Gaspard baisse la tête vers son poignet, toujours menotté à la main vernie de la jeune fille.

- Hm, je sais plus. Pourquoi ? Tu t'es pas déjà éprise de moi j'espère, se moque le frenchie. 

Victoria marmonne puis roule des yeux. 

- Ça risque pas d'arriver. Non, mais pour qu'on commence à voir le programme de littérature anglaise. J'ai cru comprendre que t'étais une quiche en anglais. 

Gaspard hausse les sourcils, un poil vexé. Certes, ce n'est pas sa matière phare mais de là à employer le terme de "quiche"...

- Bah non, en fait. J'ai pas signé pour avoir des cours de soutien. Déjà, je n'ai rien signé du tout à la base. On me force à être tutoré, remarque Gaspard comme s'il venait d'être illuminé.

- Ecoute, moi non plus ça ne m'enchante vraiment pas de devoir passer deux heures avec toi à la fin de chaque journée de cours. Mais, vois le bon côté des choses : je parfais mon dossier pour Harvard et toi, tu t'améliores en anglais. 

La bouche de Gaspard s'ouvre en grand, sa mâchoire manque même de tomber. Le deal n'est absolument pas équitable. 

- J'ai rien demandé ! s'exclame-t'il outré. Putain de merde, qu'est-ce que vous pigez pas ici ? Je suis là parce que la vie en France me faisait trop chier, j'aurais très bien pu aller au Mexique ou en Alaska, ça aurait été la même chose. 

- Et puis merde ! Peut-être que t'aurais dû y aller ! s'écrie alors Victoria. 

L'ambiance n'est plus bon enfant, les deux jeunes adultes sont visiblement agacés de devoir se supporter pendant une heure. Impossible qu'ils passent l'année ensemble. Victoria reprend calmement ses esprits pendant que Gaspard semble faire de même. Elle sort son téléphone et commence à pianoter dessus. 

- Qu'est-ce que tu fabriques ? lui demande-t-il faussement intéressé.

- J'écris à Mme Hortense pour lui dire que je dois changer de binôme. 

Gaspard fait demi tour sans répondre à Victoria. Cette dernière interrompt la rédaction de son mail pour interpeller l'étranger.

- Où est-ce que tu vas, bon sang ?!

- Au bureau de la vieille, ce sera plus simple ! crie-t-il de dos.

Elle a à peine trente ans, marmonne Victoria. Il n'a pas tort, il vaudrait peut-être mieux lui rendre visite directement. Avec un peu de chance, elle sentira la tension palpable entre les deux individus et ressentira le besoin de les séparer avant qu'ils ne s'égorgent. 

- Hors de question, affirme la conseillère. 

Les ennemis sont assis face au bureau de Mme Hortense, qui ne quitte pas son écran des yeux. Victoria vient de lui annoncer sa décision de ne plus tutorer Gaspard. Décision visiblement contestée par la femme.

- Avec tout le respect que je vous dois, ça ne peut absolument pas fonctionner entre nous, tente d'expliquer Victoria en se penchant vers le bureau de Mme Hortense.

Le regard de la femme à lunettes oscille entre Gaspard et Victoria avant d'esquisser un sourire. 

- Je suis sûre du contraire. Vous avez juste à apprendre à vous connaître. Victoria, pensez à Harvard. Gaspard, il me semble qu'il vous faut performer dans toutes vos matières afin de valider votre cursus universitaire ? 

Gaspard hausse les épaules, signe d'approuvation. 

- Bien. Et puis, même si je le voulais, tous les binômes sont formés, vous êtes les seuls à vous plaindre donc je ne peux pas chambouler tout le reste du groupe pour vos beaux yeux. Il va falloir vous faire une raison, les jeunes.

A ce moment-là, les deux rivaux affichent la même expression remplie de déception. Ils feraient n'importe quoi pour ne plus avoir à se fréquenter. Ils se résignent donc à se lever et à quitter la pièce. Avant de refermer la porte, Mme Hortense interpelle Victoria. 

- J'espère que vous avez donné une visite complète des lieux à Mr de Montesson. Il ne faudrait pas qu'il confonde les toilettes des filles et ceux des garçons. 

Gaspard soupire bruyamment avant de tourner les talons, pendant que Victoria esquisse un bref sourire, malgré le goût amer qu'a laissé ce rendez-vous peu concluant. 

Ils se retrouvent à la sortie du bâtiment, muets, tels deux criminels après un procès perdu. 

- Je termine tous les jours à 15h. On se voit à la bibliothèque ? lance Gaspard.

Victoria capitule à son tour. A quoi bon mener une guerre qui n'annonce aucun gagnant ? 

- Deal. 

C'est acté, ils se retrouveraient à 15h tous les après-midi, à la bibliothèque du campus. 

Cet après-midi de septembre marquait le début de ce qui leur semblait être une sentence irrévocable. 

En échangeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant