Chapitre 14

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C'est ce sentiment d'avoir un tambour dans le crâne qui réveille Victoria de sa courte nuit.
En ouvrant les yeux, elle découvre face à elle, un mur blanc et nu.
C'est là qu'elle se rend alors compte qu'elle n'est pas chez elle. Elle soulève la couette blanche dans laquelle elle est emmitouflée et remarque qu'elle porte toujours ses vêtements de la veille. Au moins, elle n'a rien fait qu'il l'ait poussée à se déshabiller, à moins que...Non. Quoiqu'elle ait fait et avec qui, elle s'en serait souvenue. 

Victoria se lève difficilement du lit et manque de tomber deux fois, la vue lui étant extrêmement trouble. La chambre est beaucoup plus petite que la sienne, mais très bien rangée. La déco est épurée et Vic a du mal à croire que quelqu'un puisse vraiment vivre ici. 
Elle s'aventure un peu dans l'appartement et arrive dans la pièce à vivre. Une télévision, une table à manger, une cuisine ouverte et un canapé tourné dos à elle. Vic s'avance doucement, et en allant vers la cuisine, se retrouve face à un Gaspard endormi, installé très inconfortablement sur le canapé beaucoup trop court pour son gabarit.

Et puis, ça lui revient. 

La soirée, les huit verres de vodka, Alizé qui pecho son ex, et Zack.

Gaspard, sa casquette lui donnant un look ultra sexy et puis lui qui l'embrasse.

Elle n'arrive pas à se souvenir s'il sont allés plus loin. Elle ne sait même pas comment elle a atterri dans son appartement. C'est d'ailleurs la première fois qu'elle y vient. Elle aurait imaginé le visiter dans d'autres circonstances, mais disons que le destin fait bien les choses. 

Alors qu'elle est assise sur une des chaises hautes autour du bar de la cuisine plutôt bien équipée du garçon, elle se met à l'observer de loin. 
Ses yeux sont couverts de ses boucles brunes, il porte un tee-shirt noir moulant et un jogging gris. Il a une jambe au-dessus du canapé tandis que l'autre retombe vers le sol. C'est une réelle position de contorsionniste qu'on a là. 

Vic pense alors à ce qu'elle a ressenti durant ce baiser. Il était doux, entendu, comme s'ils n'avaient attendu que ça. Après tout, Gaspard est un très beau garçon et ce serait mentir de dire qu'elle n'avait jamais songé à aller au-delà du tutorat avec lui, surtout vue la manière dont elle est habituellement embarrassée à ses côtés. Il faut croire que l'alcool désinhibe réellement. Pour Vic, boire fait ressortir sa nature, c'est pourquoi elle met tout en œuvre pour ne jamais se retrouver aussi ivre qu'elle ne l'était hier. Enfin, elle met presque tout en œuvre. 
Pour ce qui est du baiser, si c'était à refaire, elle n'hésiterait pas une seconde. Gaspard embrasse drôlement bien et ça avait fait belle lurette qu'elle n'avait pas embrassé quelqu'un. Le dernier, c'était son ex, Zack et à chaque fois qu'elle le croise, elle sent son estomac se nouer ainsi qu'un sentiment de nausée l'envahir. Vaut mieux éviter d'y penser et se concentrer sur la façon dont elle va bien pouvoir se comporter avec le mec encore endormi sur le canapé. 

Vic décide alors de se faire un café. Elle ne sait absolument pas où se trouvent les tasses, il lui semble donc naturel de fouiller les placards. Il faut dire que Gaspard ne s'est pas ruiné en vaisselle ; trois assiettes, deux verres et une tasse. Elle hésite avant de s'emparer de l'unique tasse, se disant que lui aussi, aimerait peut-être se boire un café pour se remettre de la veille.
"Et puis merde, il n'avait qu'à se lever plus tôt" pense Vic en se servant du café.

Le silence de la pièce est brisé par le retentissement d'une sonnerie de téléphone. Ce n'est pas celui de Vic, d'ailleurs, elle ne sait pas où est-ce qu'elle a bien pu le mettre. 
Le téléphone a le temps de sonner une fois, deux puis trois fois avant que Gaspard ne daigne se lever du sofa. Il ouvre lentement les yeux, tend le bras vers le téléphone posé sur la table et répond mécaniquement, sans faire attention à son interlocuteur. Il ne prête même pas attention à Vic, assise en face de lui.

"Ouais, lance Gaspard d'une voix rauque.

Purée ce qu'il est sexy quand il parle français, pense peut-être trop fort Vic.

- J'en sais rien, Adaline, appelle papa. Je peux rien faire pour elle d'ici. 

Il continue pendant deux longues minutes avant de raccrocher dans un profond soupir. Il a les mains sur le visage et demeure dans cette position quelques secondes.

- T'as bien dormi ? demande-t-il subitement à Vic, le visage toujours entre les mains.

- Pas assez, je pense, répond Vic en le fixant.

C'est étrange cette sensation de légèreté qu'elle a. Est-ce depuis qu'ils se sont embrassés ? Et si tout ce malaise ressenti n'était en fait dû qu'à cette attirance physique qu'elle tentait tant bien que mal de nier ? Et si, s'embrasser avait été la clef qui avait déverouillé le loquet qui empêchait Vic d'être elle-même ? Tant de questions et pourtant, si peu de réponses. 

- Va te recoucher, si tu veux. Je te prête gentiment mon lit, dit Gaspard en se tournant vers Vic, cette fois-ci.

Il est allongé sur le côté, et tous les deux se fixent. Il y a cet éléphant dans la pièce dont personne ne parle. Le baiser. 

- Après un lit aussi grand, ça se partage, lance Vic sans même tourner sa langue sept fois dans sa bouche. 

Gaspard se lève dans un bond et s'approche de Vic, toujours assise. Il la surplombe de sa taille et elle ne peut que lever les yeux pour soutenir son regard. 

- Quelle générosité : le tutorat, le lit, bientôt tu vas me demander d'emménager avec toi ?

Vic sourit en portant la tasse de café à ses lèvres.

- Peut-être bien. 

Gaspard sourit en coin et passe une main dans ses cheveux.  Vic a à peine le temps de poser la tasse de café sur le comptoir que Gaspard la lui prend. Il pose ses lèvres tout juste à l'endroit où Vic a posé les siennes, et en boit une gorgée.
Victoria se sent donnée une force inestimable pour ne pas tomber de sa chaise tellement elle est éprise de ce mec, qui la fait rougir au moindre fait et geste. Merde, qu'est-ce qui lui prend ?
C'est comme si la soirée de la veille avait révélé un trop plein de sentiments jusque là cachés. 

- Ce serait avec plaisir, mais n'oublie pas que tu pars à Harvard la rentrée prochaine, lance Gaspard dans un clin d'œil.

Ah oui, Harvard. Ce qui est ironique, c'est que Vic avait même oublié qu'à l'origine, le tutorat n'était qu'un tremplin vers l'école de ses rêves. Elle s'était tellement prise au jeu qu'elle avait perdu de vue son objectif. Peut-être que finalement, ce n'était pas son plus grand rêve. 
Le fait que Gaspard le lui rappelle lui provoque un pincement au cœur, un pincement qui soulève du stress, beaucoup de stress. Le visage de son père, puis de Heidi lui reviennent en tête, et ça y est, elle se sent plus mal que jamais. 

Gaspard remarque que l'expression de la brune a changé. Il pose alors sa main sur l'épaule de la jeune fille et se met à la caresser tendrement. 

- Eh...ça va aller, te mets pas la pression.

Vic soupire en jouant avec ses mains.

- C'est juste que, tout le monde attend tellement de moi. Les décevoir serait le plus gros échec de ma vie, avoue Vic la tête baissée.

- C'est qui "tout le monde" ? 

- Mes parents, ma sœur, et...hésite Vic.

- Et qui ? poursuit Gaspard plus attentif que jamais.

- Et c'est tout, finit Vic.

- Ça en fait du monde ! ironise Gaspard.

Vic souffle un peu, comme s'il l'avait aidée à relativiser la situation. C'est vrai, pourquoi se mettre une pression monstre afin de satisfaire trois personnes sur les huit milliards présentes sur Terre ? Et puis, serait-ce la fin du monde si elle n'intégrait pas une grande école ? Sans doute pas. 

- T'as raison.

Gaspard lui offre un sourire qui réchauffe le cœur avant de se diriger vers la chambre dans laquelle Vic a passé la nuit.
Avant de quitter la pièce, il se tourne vers la jeune fille, toujours vêtue de sa tenue de soirée.

- Bah alors, tu viens ? Je pensais qu'un lit aussi grand, ça se partageait, dit Gaspard dans un sourire qui a le don de faire fondre la bouclette."





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