Chapitre 4.1. ~ Esméralda

83 3 0
                                    

Cent-dix-septième jour que nous sommes ici. Depuis le jour où on m’a amené dans cette petite salle, je travaille pour eux tous les jours, dix heures par jour. Je suis devenue ce qu’on pourrait appeler une experte dans le domaine mafieux. Que ce soit les rivaux, subordonnés ou leur clan en lui-même, je connais assez d'informations sur ce monde pour être poursuivie jusqu’à la fin des temps…

Je commence vraiment à désespérer d’un jour sortir mes sœurs de là. La seule « bonne » nouvelle s’il en est, est que Alessio a tenu sa promesse. Mes sœurs sont nourries correctement, Adélaïde est même traitée pour sa maladie. Elle est atteinte de diabète depuis son plus jeune âge. C’est une maladie qui se soigne certes relativement facilement au jour le jour. Mais si elle n’est pas traitée correctement, cela peut entraîner un milliard de complications différentes et le plus souvent des infections. Les gardes lui fournissent donc l’insuline qui lui est nécessaire pour qu’elle n'ait pas de problèmes de santé.

Je suis heureuse qu’elles aillent bien. Mais j’aimerais vraiment les faire sortir de là. Eh lasse, après avoir fouillé l’entièreté de la base de données à ma disposition; et il y en avait des informations ; ma conclusion est sans appel, c’est impossible de s’évader d’ici. 

J’ai beau connaître l’endroit exact, les plans des bâtiments, les réseaux des systèmes d’eau, d’électricité et d’égout, sans aide extérieure aucune de nous ne pourra sortir d’ici vivante. Nous serons à peine sorties qu’ils en auraient été informés. 

Je rentre donc dans ma cellule aujourd’hui encore dépourvue d’espoir. Lianna a perdu l’habitude de me demander ce que j’avais trouvé au bout de deux semaines sans résultat. Elle sait que dès que j’aurai quelque chose, je lui en parlerai mais elle a décidé d’arrêter de se torturer toute la journée à attendre une bonne nouvelle qui risque de ne jamais arriver.

Je n’ai pas eu beaucoup l’occasion de parler à Jacynthe ou à Adélaïde. Les gardes sont intransigeants sur les bruits et refusent catégoriquement qu’on s’approche des barreaux. Donc les seuls mots qu’on s’échange c’est quand les gardes changent et qu’ils sont légèrement distraits pendant quelques secondes. Autant dire que je ne leur parle presque pas.

Avec Lianna c’est plus simple. Étant dans la même cellule, on peut parler en chuchotant sans que les gardiens ne nous voient ou nous entendent.

Après avoir mangé la bouillie qui nous sert de nourriture depuis presque quatre mois, Lianna et moi, nous allongeons l’une contre l’autre pour nous tenir chaud durant la nuit.

Le lendemain matin, rebelote : Un gardien vient me chercher et me conduit au hangar d’à côté ou une liste de requêtes m’attend, il m’attache les pieds à la chaise et part s'asseoir à un bureau non loin de là.

Sauf qu’aujourd’hui l’ambiance est bizarre, il y a beaucoup moins de gardes et de personnel que d’habitude. Vers dix heures, les quelques gardes restant quittent le hangar après avoir reçu un coup de fil. Je regarde les autres « techniciens informatiques » comme ils nous appellent, eux non plus n’ont pas l’air de comprendre ce qui se passe. Quinze minutes plus tard, des gardes reviennent et détachent mes collègues pour les faire sortir du hangar. Il y a cinq gardiens et nous sommes six. Un gardien se tourne alors vers moi pour m’expliquer qu’il ne va pas tarder à revenir me chercher et que je ferai mieux de me tenir à carreau.

Sauf que cinq minutes passent, puis dix, puis quinze. Ça fait maintenant presque trente minutes que je suis toute seule dans ce hangar. J’essaye désespérément de trouver une idée pour sortir de là, tout en trifouillant la serrure des menottes que j’ai aux pieds avec un trombone, parce que : C’est maintenant ou jamais.

Mais une fois que j’arrive à défaire ces menottes, je me ravise. Je viens de me rendre compte que je n’arriverai jamais à faire sortir mes sœurs des prisons. En tout cas pas toute seule. Et si je pars pour aller chercher de l’aide et revenir plus tard, ils s’en apercevront et risquent de leur faire payer à elles. Je ne peux donc pas risquer une tentative d’évasion.

Retour à la case départ. 

J’étais sur le point de remettre mes menottes quand une première détonation se fait entendre. Détonation qui a fait trembler le sol du hangar à tel point que plusieurs bureaux se sont retrouvés par terre. A peine ai-je pris conscience que ce bruit venait probablement de la prison. Que je me lève pour courir vers la porte. 

Il faut que je sache, que je les vois. 

Il faut qu’elles aillent bien. 

Mais à peine ai-je pris la poignée de la porte en main que tout autour de moi vole en éclat et qu’un bruit sourd cogne dans mes oreilles avant que tout devienne noir autour de moi.

Un pas. Un pas de plus et j’aurai pu confirmer qu’elles allaient bien.

Paard vs Krylov : Between dark and lightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant