13. Let her go

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Léna

Paulo Coelho a écrit « If it costs you your peace, it's too expensive ».

Littéralement, cela veut dire que si ça te coûte ta paix, c'est que c'est trop cher. Plus concrètement, cela signifie que la paix intérieure est l'un des biens les plus précieux, car elle permet d'avoir plus confiance en soit, de faire des choix qui préservent notre bonheur. Par conséquent, ce qui coûte notre paix amène à des relations où on doit prouver notre valeur et résoudre des conflits inutiles, et ne mérite pas une place dans notre vie.

C'est l'explication que m'a donné Ella hier soir lorsqu'on est arrivé à Marseille avec Alix. Les Grand Prix reprennent dans une semaine, et nous profitons de ce week-end pour s'offrir une escapade française comme on l'avait prévu initialement. Inutile de préciser que nous sommes que trois. Bien entendu, Marc Màrquez n'a pas voulu venir. Abandonner son frère et ses teckels semble définitivement au dessus de ses forces, il en devient hilarant. Quant-à-Fabio, il n'a pas été question de lui proposer de venir, étant donné la configuration dans laquelle nous sommes.

L'appel téléphonique avec Lucia n'a fait que mettre le feu aux poudres entre nous. Ou plutôt, cela n'a fait que raviver le feu qui brûlait déjà bien assez fort tout seul. Stressée de perdre mon travail, je suis devenue exécrable. J'ai peur que son comportement ne fasse qu'empirer la situation et qu'on finisse par me virer. De son côté, déjà tendu à cause de ses problèmes de pilotage, j'ai bien conscience que lui rajouter une pression sur les épaules à propos du comportement qu'il doit avoir en activités médiatiques n'est pas idéal. Mais je ne peux m'empêcher de lui en vouloir dès lors que je pense à ce que je dois vivre actuellement. Je sais que pour qu'il y ait une dispute, il faut être deux. Mais bon sang, est-ce que c'était trop demander de se comporter comme tous les autres pilotes de la grille quand il fallait répondre à une interview ou faire un debriefing dans le motorhome ?

Mon esprit tourne en rond depuis des heures, des jours et des mois à propos de la même chose. Si je prenais la phrase de Paulo Coelho au pied de la lettre, ça ferait des semaines que je serais partie. Car la paix, ça fait bien longtemps qu'elle m'a quitté. Ce qui reste de ma personne n'a rien de paisible. Ma vie n'a rien de paisible, et ma relation non plus.

Néanmoins, je ne fais pas partie des gens qui abandonnent leur moitié au moindre désaccord et dès lors qu'une période difficile pointe le bout de son nez. Je suis persuadée que tant qu'il y a encore de l'amour, il est toujours possible d'arranger les choses. Mais es-tu sûre que tu l'aimes encore ? Ma conscience chuchote la question que je n'ai jusqu'alors jamais osé me poser. Est-ce que tu es sûre que c'est encore de l'amour qui se cache derrière ta souffrance ? Ne crois- tu pas qu'il t'a tellement pris que tu n'as plus rien à lui donner ?

Ma tête se met à tourner. Ce genre de pensées me donne même la nausée, et je secoue la tête. Tandis que l'on visite le Cours Julien et qu'Alix râle tant les rues ne sont pas assez propres à son goût, Ella m'interpelle.

- Qu'est-ce qu'il y a ? Tu n'as pas l'air très bien ?

Je secoue la tête en forçant un sourire.

- Non, ne t'inquiètes pas, c'est simplement...qu'on vient de passer devant une maison où l'odeur qui s'en échappait m'a provoqué un haut-le-coeur.

Elle arque un sourcil et j'ai l'impression d'avoir Marc Màrquez en face de moi. C'est très perturbant à quel point le fait de vivre avec lui l'a influencé au point de reprendre toutes ses mimiques.

- Tu mens extrêmement mal. On te l'a déjà dit ?

Je lève les yeux au ciel. Effectivement, ça fait deux ans qu'on me le dit. Tom, Pecco, Fabio... L'image de ce dernier qui apparaît dans ma tête me donne à nouveau l'impression que je vais m'évanouir à cause des questions que je viens de me poser il y a deux minutes.

Dans la tourmente du diable [Fabio Quartararo]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant