33. Not enough

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Fabio

Le séjour à Bali m'a fait arriver sur le Grand Prix d'Indonésie de meilleure humeur que d'habitude. Bien que dixième sur la séance d'essai de ce vendredi après-midi, je suis néanmoins qualifié directement pour la Q2 de demain matin.

Je déambule dans le paddock pour aller au media center tout seul, Lucia m'attendant sûrement là-bas. J'entretiens les bonnes habitudes que j'ai pris il y a quelques Grand Prix. Je n'ai plus besoin de me faire supplier pour aller en interviews, et j'ai arrêté de faire des crises de colère à tout va. Lorsque j'entre dans le media center, j'aperçois Léna briefer ses deux pilotes. Je souris seul en la voyant réprimander Marco parce qu'il est un peu trop dissipé. Sûre d'elle, elle leur indique quoi faire et comment se comporter. Sa queue de cheval s'agite au rythme des mouvements de ses mains. J'entends les deux pilotes se moquer d'elle parce qu'elle parle avec les mains un peu trop comme une italienne à leur goût. Même si elle est de dos, je peux sans peine l'imaginer lever les yeux au ciel, ce qui fait rire ses deux interlocuteurs.

Marco se dirige vers le premier journaliste, et Léna se retourne dans ma direction, ayant sans doute senti mon regard sur elle. Elle me sourit largement avant de se re concentrer quasi instantanément. Être aussi épanouie dans son travail lui va si bien que cela me rend heureux rien qu'en la voyant. La seule chose  qui me chagrine en la regardant un peu plus en détails est le fait qu'il y ait un peu trop de jaune fluo sur son t-shirt.

Parfois, mes démons me rattrapent. Ils viennent me chuchoter à quel point cela serait mieux si elle revenait travailler à mes côtés. J'ai des élans de mélancolie qui me renvoient des flashbacks d'elle et moi dans la même écurie. La situation entre nous est très bien, pourtant j'ai l'impression que ce n'est pas assez. J'essaie de faire taire mon ego qui jalouse les deux pilotes qui se tiennent à ses côtés, mais il est coriace et me fait ressentir des choses que j'avais bien pris soin de laisser au fond de moi depuis des semaines. Je me sens énervé plus que je ne le devrais, et ça ne me plaît pas.

En plus de cela, mon attachée de presse n'est même pas là. Je regarde autour de moi pour voir qu'elle est entrain de discuter avec quelqu'un d'autre comme si elle ne travaillait absolument pas ici. Cela me renvoie les pensées d'il y a trente secondes que je tente de faire taire : c'était tellement mieux avec Léna. Je parviens à croiser le regard de Lucia qui s'empresse de laisser son interlocuteur en plan pour venir quasiment en courant dans ma direction.

- Tu es là depuis longtemps ? Elle panique. Excuse-moi, je ne t'avais pas vu.

Je la regarde avec un air sûrement dédaigneux, prêt à lui balancer une réponse cinglante. Finalement, je me contente de soupirer.

- Ce n'est pas grave, je viens d'arriver. On commence avec quelle chaîne ?

J'enchaîne les interviews sagement pour donner mon ressenti sur ma journée. Pour la dernière interview, je me retrouve au micro juste à côté de Marco Bezzechi. Léna arrive presque en courant, venant de laisser Luca Marini près d'un journaliste de chez Sky. Elle passe devant moi le sourire aux lèvres mais sans me regarder, trop concentrée dans ce qu'elle fait. Le journaliste me salue, mais je ne sais même pas en quelle langue je lui réponds. Moi pour le coup, je ne suis pas du tout concentré.

- Okay Marco, this is the last interview, elle informe le pilote italien. (Ok Marco, c'est la dernière interview)

- Oh finally...il soupire exagérément. I have to say, you have been in a REALLY good mood since the beginning of the week-end. Smiling at everyone you see, eyes glowing all day long...Bali has been good, uh ? (Oh enfin...je dois dire que tu as été de TRÈS bonne humeur depuis le début du week-end. Tu souris à tout le monde, tes yeux brillent toute la journée...Bali été bien, hein ?)

Dans la tourmente du diable [Fabio Quartararo]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant