_ Où étais-tu partie ? Je me suis fait un sang d'encre.
Étonnamment, je ne ressentis plus d'animosité envers elle. Je l'avais haïe tellement fort durant ces dernières semaines, elle qui était parvenue à obtenir de Léopold de l'affection alors que je n'avais finalement été qu'un défi sexuel à ses yeux. J'en avais voulu à Amélie autant que j'en avais voulu à Léopold, alors qu'elle ne savait pas du tout ce que je ressentais pour lui. J'avais besoin de diriger ma haine vers quelqu'un et cela avait été plus facile de faire un tout, de les englober tous les deux. Maintenant qu'on était là, que tout était retombé et que la rencontre dans le bureau de Léopold un peu plus tôt dans la semaine avait été d'une froideur explicite, je n'en voulais plus à Amélie.
_ J'avais besoin de prendre du temps pour moi.
J'allai faire chauffer de l'eau et nous servis deux thés. Elle m'en remercia et demanda :
_ Veux-tu me raconter ta version de l'histoire ? Ensuite je te raconterai la mienne. Je pense qu'il faut mettre tout à plat pour repartir sur de bonnes bases.
Alors je lui racontais tout depuis le début : la rencontre dans le train, le premier trajet en voiture, ses mots dans mon cou en me laissant devant chez moi, puis le premier cours, Saint-Michel, le restaurant, le hall d'immeuble. Je lui parlais des jours entiers à ne pas avoir de ses nouvelles, le scooter, le premier baiser chez lui, le film chez lui, la première nuit à dormir sans se toucher. Je racontais la lettre trouvée dans son bureau, la distance prise, la ruelle, la soirée, la rencontre avec sa celle que je croyais alors sa femme et la volonté de ne plus jamais le revoir. Tout se mélangeait dans ma tête. Je n'avais jamais raconté notre histoire à personne et je ne savais plus m'arrêter, décrivant les étapes dans un grand désordre. Ensuite je décrivais la première phase du concours, se toucher dans son bureau, l'impression d'un jeu sexuel qui s'installe entre nous sans que je m'en rende compte alors.
_ Pour moi, on se cherchait. Je n'étais pas vraiment amoureuse, mais je m'y destinais. Ce n'était pas purement sexuel en tout cas. Ça ne l'a jamais été à mes yeux.
J'abordais Nancy : l'excitation de la voir et sa distance, sa réponse aux avances d'Amélie qui me tordaient le ventre et me rendaient triste.
_ Pourquoi tu ne m'as rien dit ? C'était le moment, il fallait m'en parler.
_ J'ai cru qu'il ne se passerait rien entre vous, ça me paraissait impossible. Ensuite, quand j'ai vu qu'il rentrait dans ton jeu, j'ai pensé que c'était trop tard pour tout te dire.
Elle se secoua la tête.
_ Non ! Si tu t'étais confiée à moi, je me serais arrêtée tout de suite. Mais jamais je n'avais imaginé qu'il y avait quelque chose entre vous, jamais, tu n'as laissé traîner aucun indice.
Je poursuivais avec l'épisode du parc et Amélie baissa les yeux par gêne quand j'avouai que je m'étais cachée derrière l'arbre pour espionner sa fellation à Léopold. Et lui qui m'avait rejointe, embrassée, lui qui était complètement investi dans le jeu. C'était à celui qui ferait le plus mal à l'autre.
_ Marcus ne t'a jamais intéressée ?
J'haussai les épaules.
_ S'il n'y avait pas eu Léopold, probablement que si. C'est tout à fait mon genre, il est gentil et on a bien rigolé ensemble. Mais il y avait Léopold et tout mon être vibrait pour lui, je n'avais de la place pour personne d'autre. Quand je flirtais Marcus, quand je l'embrassais et même quand je lui parlais, je ne pensais qu'à Léopold. J'agissais avec Marcus dans le seul but de faire réagir Léopold.
Amélie n'en revenait pas de ne s'être rendue compte de rien. Puis je racontais la suite de Nancy, la visite de Léopold dans ma chambre le samedi soir et nos ébats le dimanche matin, notre première fois ensemble, la complète osmose, la fusion parfaite. Je lui parlais de l'impression de bonheur de s'être enfin retrouvés, de croire que le jeu s'était arrêté. Je lui racontais la route jusqu'au Luxembourg, la Porsche qu'elle connaissait, le contrat avec les Rodas, moi qui lui disais je t'aime et lui qui ne répondait pas. Et puis le reste, la déconvenue, la désillusion : la boutique Chanel, la robe blanche, la vieille dame qui m'a prise pour une prostituée, Léopold qui ne l'a pas contredite, ma déconvenue et ma fuite, le retour difficile à Paris, les journées à l'éviter. Et finalement la chute, la douleur de se rendre compte que je n'étais pas aussi indifférente à son égard que lui l'était au mien.
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Tentations parisiennes
RomanceLouise arrive à Paris pour terminer ses études de droit. Dans le train qui l'amène à la capitale pour sa nouvelle vie, elle rencontre un homme séduisant avec qui elle échange quelques mots et un trajet en taxi pour la ramener chez elle. Le lendemain...