Le cours magistral que Léopold donnait en amphithéâtre aux M1 était prévu sur deux créneaux : celui du lundi matin et celui du jeudi après-midi. Nous ne nous revîmes pas avant ce second cours et j'eus à peine de ses nouvelles. Mardi soir, n'y tenant plus de ne pas recevoir de message après la soirée que nous avions passée la veille, je lui en envoyais un. Renvoyant à la phrase qu'il m'avait dite dans la voiture avant que nous nous quittions, je lui demandai quand était ce fameux prochain rendez-vous auquel trinquer.
Je regrettais ce message - que je trouvais banal et suppliant - et j'eus bien le temps de le regretter puisqu'il ne m'y répondit pas avant mercredi midi. Il me demandait : « ne sois pas si impatiente » et je décidai alors de l'ignorer.
Je me figurais comme une provinciale bercée par des histoires d'amour peu excitantes. Je n'étais sortie qu'avec peu de garçons qui avaient tous habité près de chez moi, que je voyais tous les jours ou presque et pour qui je n'avais aucun secret. Nos parents se connaissaient, nous déjeunions en famille certains dimanches et nous participions parfois aux activités du lycée ensemble. C'était là de mignonnes amourettes qui m'avaient fait passer du bon temps mais qui ne m'avaient jamais troublée. Si je voulais continuer à ressentir l'enivrement qui m'animée quand j'étais avec Léopold - et c'est bien ce que je voulais le plus au monde actuellement -, il me fallait endurer le mystère qui entourait ce type de relations. J'y étais décidée.
Mon cercle de connaissances s'agrandit puisqu'Amélie, de nature très sociable, avait fait la connaissance d'un groupe de garçons parisiens lors d'une visite obligatoire de la bibliothèque universitaire. L'un d'eux vivait dans un appartement près du Père Lachaise et nous avait invités, Amélie, Corentin, Perrine et moi, à la soirée de début de M1 qu'il organisait le mercredi soir de cette semaine-là. J'avais proposé à mon groupe d'amis de se rafraîchir et de se préparer chez moi, où nous fûmes finalement plus à l'étroit que je ne l'avais imaginé. Puis nous partîmes à pied en direction du Père Lachaise. Il faisait bon.
Sur la route, Amélie - qui était bien plus au courant de ce genre d'évènements que de son planning de TD - nous apprit qu'elle s'était inscrite à deux soirées.
_ Je pense que ça va vous plaire, puis ça permet de rencontrer du monde. La première est la soirée de rentrée officielle organisée par le bureau des élèves. C'est le 21 septembre. Ils ont réservé une grande salle derrière la fac. Ça va être déguisé !
Perrine et Corentin annoncèrent qu'ils avaient prévu de retourner à Lyon ce week-end là et que leurs billets de train étaient déjà réservés. Amélie se tourna vers moi. Moi qui ne buvais pas et qui étais trop piètre danseuse pour me sentir à l'aise sur la piste de danse, je n'avais jamais eu beaucoup d'intérêt pour ces soirées-là. Je n'avais pas échappé à la fameuse soirée d'intégration lors de la première année de licence de droit mais j'avais ensuite toujours trouvé des bons prétextes pour me dérober.
Cette fois-ci, c'était différent. Je n'étais toujours pas intéressée, certes, mais il fallait que je me force un peu. C'était une des rares occasions qui m'était offerte pour rencontrer du monde. A Lille, j'avais déjà un groupe d'amis et je n'avais donc pas besoin d'évènements de ce genre pour ne pas me retrouver seule. Ici, j'étais dans un monde inconnu et Amélie, aussi gentille paraissait-elle, ne me prendrait pas par la main tout au long du semestre si je ne mettais pas du mien pour me socialiser.
_ D'accord, oui, ça peut être bien. Et la deuxième soirée dont tu parlais ?
_ Ce n'est pas vraiment une soirée. C'est un concours d'éloquence. Assas organise les sélections internes fin septembre pour désigner le candidat à présenter au concours national.
_ Ah oui, j'en ai entendu parler, intervint Corentin, c'est très renommé. J'hésite à me présenter : ça ne coûte rien et ça peut faire un bon entraînement.
Nous hochâmes tous la tête en guise d'approbation.
Nous arrivâmes au Père Lachaise vers 21 heures. L'appartement était déjà rempli de monde et enfumé. L'hôte était un garçon de notre âge pour lequel Amélie m'avait confié son penchant. Il n'était pas du tout à mon goût. Pour ne pas me faire remarquer et malgré mon manque d'inclination pour l'alcool, j'acceptai un verre de bière et commençai à m'insérer discrètement dans des conversations. Il y avait une bonne ambiance, je me laissai porter et oubliai Léopold pour la première fois depuis trois jours. Je dansai - comme un pied - avec un garçon sur plusieurs musiques d'affilée et cela me fit du bien de flirter classiquement, sans réfléchir. Essoufflés, nous fîmes finalement une pause et nous installâmes sur le bord d'une fenêtre ouverte.
Il me raconte qu'il s'appelait Simon, qu'il avait vingt-deux ans et qu'il habitait Paris depuis toujours. Ce soir-là, nous nous sommes racontés nos vies comme si nous nous connaissions depuis toujours, avec naturel et simplicité. Je lui parlais de ma famille et il me parlait de la sienne, il me parlait des pays qu'il avait visités et je lui parlais des endroits que j'aimerais découvrir. Il y avait avec lui la réciprocité qui me manquait dans mes échanges avec Léopold. Simon, qui n'avait presque pas bu, proposa de me raccompagner. Il avait un scooter.
J'adorai traverser Paris en scooter. C'était merveilleux. Le vent passait sous mon casque, sur mes bras. La vitesse me transportait et me fit me sentir libre. Le ciel noir se mêlait aux lumières de la ville et à l'air chaud. J'aurais voulu habiter de l'autre côté de l'Île-de-France pour prolonger encore ces sensations. Quand nous arrivâmes devant mon immeuble, Simon rangea mon casque sous son siège et nous nous fîmes la bise.
Ce soir-là, je pensai à Léopold en me couchant.
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Tentations parisiennes
RomanceLouise arrive à Paris pour terminer ses études de droit. Dans le train qui l'amène à la capitale pour sa nouvelle vie, elle rencontre un homme séduisant avec qui elle échange quelques mots et un trajet en taxi pour la ramener chez elle. Le lendemain...