Chapitre 34

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Je sortis de mon appartement en trombe et dévalai les marches quatre à quatre pour arriver sur le trottoir comme une fusée, peu concernée par mon apparence physique, mes vêtements, mon maquillage, mon odeur même peut-être. Je tournai la tête et il était là, un petit peu plus loin dans la rue. Je courus vers lui et à quelques mètres, m'arrêtai net. Que fallait-il que je fasse ? Je savais qu'il m'aimait et il savait que je l'aimais, mais tout s'était fait par intermédiaire et je me retrouvais bouche bée devant lui, ne sachant où reprendre dans notre histoire. Avais-je le droit de l'embrasser ? En avais-je l'envie ? Fallait-il se faire la bise ? Je voulais être gentille mais j'avais peur qu'il me réponde par une mesquinerie comme cela avait souvent été le cas jusqu'alors parce que nous nous avions tous les deux voulu avoir le dernier mot. Il paraissait aussi gêné que moi mais souriait.

_ Bonjour.

_ Bonjour Léopold.

Est-ce que je lui pardonnais ? J'avais ressenti une telle dose d'adrénaline quand Amélie m'avait annoncé qu'il était en bas de chez moi que je n'y avais même pas pensé. Est-ce que je lui en voulais, de toutes ces méchancetés que nous nous étions faites, de tous ces soirs gâchés par des pleurs ? Est-ce que je lui tenais rigueur de son mensonge qui m'avait brisé le cœur ? Il désigna sa voiture qui était garée à côté de lui.

_ On va dîner ?

Non, c'était certain : je ne lui en voulais pas. Je demandai dix minutes pour me préparer et redescendis fraîche et pomponnée. Entre-temps, j'avais serré Amélie entre mes bras, m'embrouillant dans mes mercis et mes pardons.

Dans la voiture, alors que nous roulions vers la banlieue ouest, Léopold me serra la main.

_ Je suis content que tu sois là.

Il se tut puis ajouta :

_ J'aimerais tout recommencer, tout recommencer pour pouvoir tout changer et faire correctement les choses.

_ Pas moi. Tout changer c'est ne plus être sûrs de rien, ni des évènements ni de nos réactions. C'est ne pas être sûrs d'emprunter le même TGV début septembre, ne pas être sûrs que tu vas venir me parler ni que je vais t'écouter, ne pas être sûrs que l'on soit déraisonnables en continuant à se voir alors que tu es mon professeur. C'est surtout ne pas être sûrs que l'on soit aussi persévérants à revenir l'un vers l'autre après tant de déconvenues. Non, malgré tout, je ne veux pas tout recommencer.

_ Quelle sagesse mademoiselle Lambre ...

Je souriais en baissant la tête. Je ne pouvais m'en empêcher et pourtant je savais que tout n'était pas gagné.

_ Tu sais bien qu'il va falloir qu'on parle tout de même ?

_ Évidemment. C'est ce qu'on fait lors d'un premier rendez-vous, non ?

De toute évidence il y tenait, à son histoire de tout recommencer.

Léopold arrêta la voiture au milieu d'une zone commerciale et me proposa de choisir entre toutes les enseignes de restauration de chaîne qui me changeaient bien des endroits luxueux où il m'avait emmenée jusque-là. Je pouffais et lui lançai, sur le même ton que sa remarque d'un peu avant :

_ Quel romantisme monsieur Humbert ...

Il me sourit d'un air malicieux et d'un mouvement de tête, m'invita à sortir de la voiture. Il entra dans une pizzeria et on nous accompagna à une table de deux personnes près d'une fenêtre. Quand je regardai Léopold s'asseoir face à moi, je constatai avec humour qu'avec sa chemise à plus de trois cent balles, sa montre Piaget et ses boutons de manchettes, il dénotait franchement avec la table un peu graisseuse et le revêtement en tissu élimé des banquettes. Le serveur prit notre commande et Léopold se tourna ensuite vers moi, le sourire espiègle que je lui aimais tant sur les lèvres.

Tentations parisiennesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant