Chapitre 9

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Le lendemain, son réveil sonna vers six heures. Léopold l'éteint aussitôt, me gratifia d'un baiser qui se voulait plus chaste que celui de la veille mais qui m'emporta tout autant, et sortit de la chambre en fermant la porte.

Je me réveillai quatre heures plus tard et ne sortis pas du lit avant midi. J'arpentai ensuite les recoins de l'appartement que je trouvais étonnamment aseptisé. Il était meublé avec goût et luxe, bien entretenu et le ménage devait être régulièrement fait, cela ne faisait aucun doute. Mais quand j'ouvris les tiroirs - à la recherche d'un petit-déjeuner, d'un tee-shirt propre ou de gel douche par exemple -, je les trouvais incroyablement vides. Les armoires contenaient de quoi vivre quelques jours, à la manière d'une installation dans un hôtel, mais ne témoignaient certainement pas de la vie quotidienne d'un homme célibataire de trente ans.

Sur la table du salon qui paraissait neuve, je découvris un Post-it où Léopold avait écrit : « j'ai passé une très bonne soirée, je ne suis pas disponible ce week-end, on se revoit la semaine prochaine, Olivier peut te raccompagner si tu veux ». Il avait signé d'un « L » dont les extrémités étaient si enroulées qu'il pouvait s'apparenter un cœur, mais je savais que c'était mon imagination qui prenait le dessus.

J'étais déçue par ce mot : c'était une note froide, impersonnelle, de celle que l'on demande de transmettre par l'intermédiaire d'une secrétaire. Je ne valais pas donc mieux que ça ? J'avais constamment l'impression d'avoir affaire à deux hommes diamétralement opposés. Si je me sentais fondre devant celui qu'il avait été la veille, passionné en m'embrassant et protecteur en m'enlaçant, je ne voyais pas supporter la froideur et la distance qu'il m'imposait lorsque nous n'étions pas ensemble.

Après avoir pris ma douche, je me rhabillai et cherchai du papier pour lui répondre. Dans la cuisine, il n'y avait rien. J'allai dans le bureau, trouvai le bloc Post-It et, en quête d'un stylo, je cherchai dans le premier tiroir du bureau : je tombai sur une enveloppe non décachetée. Elle était adressée à « Monsieur Léopold Humbert de Surville et Madame Line Humbert de Surville ». Je compris alors. Cela me fit l'effet d'un coup de poing dans l'estomac. Tout s'expliquait, les absences, l'appartement complètement vide, les indisponibilités : il était déjà marié. Je n'étais qu'un coup comme ça, une aventure d'un soir. Mais quel con ! Et quelle idiote je faisais ! Au fond de moi, je pensais que je n'y avais vraiment cru de toute façon, que j'avais toujours senti qu'il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond chez lui. D'ailleurs, je comprenais mieux maintenant pourquoi il m'avait demandé de ne pas lui parler de sa famille le lundi précédent : évidemment qu'il voulait éviter le sujet ! S'il était marié et qu'il était avec moi pour se changer les idées, c'était bien le premier sujet qu'il voulait éviter !

Blessée, je ramassai rapidement mes affaires et partis sans laisser de mot en claquant la porte. En bas de l'immeuble, comme s'il avait attendu toute la matinée que je sorte, Olivier, le chauffeur de Léopold, m'attendait. Je le remerciai rapidement et rentrai chez moi à pieds.

Le reste de mon week-end fut assez calme. Toutes mes nouvelles connaissances étaient rentrées chez elles dans leur famille, sauf Simon qui passait le week-end avec son frère. Je n'avais aucune envie de retourner dans le Nord, de subir les mille questions de ma mère et l'œil inquiet de mon père qui décèlerait à coup sûr mon moral à plat. Un appel téléphonique suffirait et je me débarrassai de cette corvée dès vendredi soir. Comme prévu, ma mère m'harcela pour tout savoir : si Paris me plaisait, si les cours étaient intéressants, si je me sentais en sécurité dans mon quartier, si je m'étais fait des amis, ce que j'allais faire du week-end. J'y passais une bonne quarantaine de minutes.

Je ne sortis donc pas de mon studio du week-end. Je travaillai comme une acharnée pour être à jour des cours que l'on avait reçus cette semaine. Le lundi suivant, déjà, commenceraient les TD et avec eux apparaîtrait la pression de devoir maintenir un niveau de travail élevé et régulier. Forcément, la matière qu'enseignait Léopold était une matière fondamentale dans le cursus que je suivais et elle s'accompagnait de TD, mais ce n'était jamais le professeur qui animait les TD et je ne m'inquiétais donc pas.

Dimanche soir, je reçus un message : « hâte de te revoir, L ». Je ne répondis pas. Je m'étais fixée une ligne de conduite : je ne lui accorderai plus aucune importance, plus un regard et plus un mot. Il fallait que je sois disciplinée car je savais que je pouvais flancher au moindre souvenir de son odeur, de ses yeux noirs, de sa bouche sur la mienne. Alors, vite, dans ces cas-là, je repensais à l'enveloppe, à l'appartement vide dans lequel il devait probablement amener ses conquêtes d'un soir pour les épater, à cette fameuse Line avec laquelle il avait dû probablement passer le week-end, à des enfants aussi peut-être ? J'avais relégué son pull au fond de mon tiroir à chaussettes et j'étais déterminée à sortir Léopold de ma vie.

Tentations parisiennesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant