Chapitre 3

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Le lendemain, le soleil brillait quand je me réveillais. Cela me mit de bonne humeur et donna une lueur positive à ma rentrée parisienne.

Titulaire d'une licence de droit obtenue avec succès à Lille, j'avais convaincu mes parents de me laisser partir étudier dans la meilleure faculté de droit de France. Si mon père n'y avait pas vu d'inconvénient dès le départ, convaincu qu'il ne pourrait de toute manière pas me garder enfermée dans la maison familiale pour toujours, ma mère s'était ralliée plus difficilement à la cause. Elle avait déjà vu partir mes deux frères aînés dans le Sud sans être parvenue à les garder près d'elle, alors moi qui partais, c'en était trop pour elle. Heureusement, j'avais avec moi l'argument de la distance : en une heure de TGV, je pouvais être à Lille et passer le pour le week-end avec eux. Finalement, à contrecœur et en insistant bien sur son mécontentement, elle avait accepté.

Je petit-déjeunai d'un porridge et me lavai en chantant, ragaillardie à l'idée d'entrer dans un nouveau monde, de challenger mon intellect avec un niveau d'exigence plus élevé et de profiter de Paris. Julien, le plus âgé de mes frères, y avait vécu pendant trois ans après avoir obtenu son diplôme d'ingénieur et il parlait souvent de ces années avec les yeux qui brillaient. A Lille, nous avions grandi depuis notre enfance dans un cocon familial et bourgeois où il ne pouvait rien nous arriver d'extravagant, ni de bon, ni de mauvais. En prenant mon indépendance, j'espérais ajouter de l'aventure à mon existence un peu plate.

Je m'habillais de façon classique d'une jupe et d'un chemisier léger, et chargeais mon sac à main de mon ordinateur et de quoi écrire. L'université était à quinze minutes à pied de mon studio et l'environnement était joli, empreint d'architecture haussmannienne et de commerces typiquement parisiens.

Passionnée par ce domaine dès l'initiation en deuxième année de licence, j'avais opté pour un master 1 en droit des affaires. Mon planning hebdomadaire était très chargé jusqu'au mercredi soir, relativement léger le jeudi et j'avais mon vendredi de libre, ce que j'avais honteusement caché à mes parents pour que ma mère ne m'oblige pas à retourner à Lille dès le vendredi matin. Le vendredi donc, j'avais la journée pour moi. J'avais prévu de passer mes vendredis à découvrir Paris : ses musées, ses parcs, ses expositions. Je voulais en connaître les moindres détails.

J'étais parvenue à ne pas penser à Léopold jusqu'à la pause de onze heures. J'avais rêvé de lui dans la nuit, d'un rêve flou et intense qui m'avait laissée en nage au réveil. La veille, constatant que je ne disposais d'aucun élément qui me permette de le contacter - notamment rien dans le pull qu'il m'avait laissé -, j'avais choisi de m'efforcer de ne pas y penser. Peut-être ne le reverrai-je jamais et alors je ne me rendrai que triste à espérer un signe de sa part. Cela avait été un bon moment, mais on était à Paris et j'étais persuadée que c'était là des moments que les parisiens vivaient sans cesse et sur lesquels ils ne s'attardaient pas. Léopold avait probablement repris le rythme normal de sa vie et ne se souciait déjà plus de moi ni du pull qu'il m'avait donné. Il fallait que je passe à autre chose : les parisiennes ne s'attardent pas sur des détails ni sur des inconnus, et j'étais bien décidée à en devenir une.

C'est dans cet état d'esprit que ma matinée se déroula et le premier cours auquel j'assistai, celui du lundi 9h, m'intéressa assez pour garder mes pensées concentrées. Durant la pause, je discutai avec une fille, Amélie, qui elle aussi venait d'arriver à Paris pour ses études et qui avait choisi le même master que moi. C'était une grande fille blonde, au look très coloré qui semblait avoir un avis sur tout et toujours le sourire aux lèvres. Nous parlâmes de nos origines provinciales, elle du côté de Poitiers et moi de Lille, et des raisons qui avaient motivé notre exil vers la capitale et qui étaient sensiblement les mêmes. Elle me paraissait très rafraichissante et j'espérais continuer à discuter avec elle après les cours.

Tentations parisiennesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant