Chapitre 40

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Forcément, ayant séché l'étape de l'arche et la séance photo, Céleste et moi arrivâmes les premières au château. Elle gara sa Clio à l'arrière du bâtiment et non sur le parking réservé aux invités.

_ Mon père m'a dit que ma voiture ferait tâche parmi les belles caisses de ses amis et je n'ai pas eu le cran de lui tenir tête. Après tout je m'en fiche. Viens !

Entre-temps, nous étions passées au tutoiement. Elle courut jusqu'à la terrasse arrière, mais se rendit rapidement compte que je ne tenais pas son rythme en raison de mes chaussures et de ma robe.

_ Dis donc, quelle robe tout de même ! Et quelle entrée !

Je rougis. La salle de réception était absolument grandiose. Si le décor de la mairie avait été un désastre, c'était ici l'opposé. Une décoration digne des mariages de célébrités, du genre que l'on voit dans les magazines. Céleste s'était déjà avancée près du miroir qui servait de plan de table et cherchait nos prénoms.

_ Je suis à la table neuf avec ... évidemment, avec les enfants. Quelle peste. Et toi tu es à la table vingt-deux.

_ Une amie va bientôt me rejoindre, nous sommes assises à la même table probablement.

_ Ca t'ennuie si je m'incruste avec vous ?

_ Non, au contraire.

Elle alla chercher un chiffon humidifié en cuisine et un crayon Posca, et intervertit son prénom avec celui d'une dame qu'elle installa à la table numéro neuf.

_ Tu la connais ?

_ Pas du tout. J'espère pour elle qu'elle aime les enfants !

Je pouffai.

_ Veux-tu que je te fasse visiter ? demanda-t-elle.

J'opinai avec enthousiasme et elle m'emmena sur le perron de l'entrée principale. Alors, elle tendit la main pour balayer le parterre extérieur et les jardins qui s'étalaient devant nous à perte de vue. Puis elle modula sa voix et prit un ton d'agent immobilier :

_ Vous avez l'entrée par ici. Donc nous sommes sur un beau triplex de 2000 mètres carrés habitables assorti d'un terrain de 150 hectares. Jardins décoratifs à la française de type faux bonzaï sur le balcon et petit parking. Bien sûr, il ne faut pas avoir plus de cinquante voitures sinon ça ne rentre pas. Ou alors des Smart ! Voilà, c'est bien des Smart, achetons des Smart pour remplir ce parking.

Céleste était déchaînée et me faisait mourir de rire. De la même manière, elle me présenta le hall d'entrée, l'immense salle de réception et les pièces adjacentes de type petit salon, bureau, verrière et salle à manger, puis nous montâmes au premier étage.

_ L'étage offre seize chambres également réparties entre l'aile gauche et l'aide droite, toutes contenant une salle de bain avec baignoire et un grand placard. En raison de l'architecture en U, il faut faire attention à ne pas se balader nu quand on est dans l'intérieur du U parce qu'après tante Yvonne se tape son frère Didier et on se retrouve avec des petits handicapés qui ont des têtes aplaties et ça, c'est pas jo-jo.

Je ris encore, un peu honteuse mais tellement détendue. Céleste paraissait l'inverse exact de Gabrielle et c'était une merveille surprise.

_ Nous sommes désormais au second. L'aile gauche est consacrée à la suite parentale et le centre du U et l'aile droite réunissent d'autres chambres et des bureaux où, quand maman repousse papa, papa se retrouve à dormir voire à recevoir sa maîtresse si celle-ci ne crie pas en jouissant. Mais bon, ça ne nous regarde pas !

Elle rit encore et s'appuya contre une des fenêtres qui donnait sur l'entrée principale. Les premières voitures commençaient à arriver.

_ Quel lieu grotesque tout de même ! Ça, c'est ma sœur tout craché. Si elle avait pu avoir Versailles, on aurait pissé tout notre champagne dans les toilettes de Louis XIV. D'ailleurs, en parlant de champagne, j'ai chouré une bouteille. Elle attend dans son sceau à glaçons dans ma chambre. Je pense qu'il vaut mieux qu'on ait un peu d'alcool dans le sang avant d'affronter ces consanguins.

Je la suivis dans sa chambre du premier étage, située au bout de l'aile droite. C'était une petite chambre avec un lit simple et une parure de lit assortie aux rideaux, dans les tons bleus. Céleste déboucha le champagne d'un geste précis qui témoignait d'une pratique intensive et but au goulot plusieurs gorgées d'affilée avant de me le tendre. J'étais curieuse.

_ Arrête-moi si tu me trouves intrusive, mais comment se fait-il que tes relations avec ta famille soient aussi houleuses ?

Elle haussa les épaules.

_ Je suis trop différente d'eux pour qu'on s'entende. Pourtant, je n'ai rien des clichés habituels de la petite fille riche qui se rebelle : je ne suis pas une bâtarde née d'un adultère, je n'ai pas fait d'école d'art, je n'aime pas la musique punk ni le métal, je n'entretiens pas de relation amoureuse avec je ne sais quel marginal et je ne suis même pas enceinte. Mais je suis bien pire : insolente et indifférente à leur pognon. Ils ne le digèrent pas.

_ Tu te débrouilles seule ?

_ Non, ma mère a convaincu mon père de payer le loyer de mon studio et mes frais de scolarité, mais c'est tout. J'ai un petit boulot à côté pour le reste. J'aimerais pouvoir me prendre en charge complètement et leur dire merde pour toujours, mais pour l'instant c'est impossible.

Je buvais encore et m'allongeais à ses côtés sur le lit. Quoiqu'elle en dise, Céleste rentrait tout de même un peu dans le cliché de la petite fille riche qui se rebelle. Elle parut lire dans mes pensées.

_ Tu trouves que je suis un cliché ?

Je ne voulais pas mentir mais je ne voulais pas non plus perdre ma nouvelle amie qui me faisait tant rire.

_ Je pense qu'une fois que tu te seras totalement libérée de l'emprise financière de ta famille, tu pourras dire que tu n'en es pas un et que tu n'as rien à voir avec eux.

Elle hocha la tête pour confirmer. A ce moment-là, mon téléphone vibra. C'était Amélie qui me cherchait. Je mourrais d'envie de savoir ce qu'il s'était passé avec Olivier. J'étais prête à la rejoindre quand je me rendis compte que cela voulait dire que je laissais Céleste seule. Je me tournai alors vers elle.

_ Mon amie est arrivée, je vais la rejoindre. Si tu veux venir avec moi, je te la présenterai.

En finissant le champagne d'un trait, Célesta se leva et me sourit en guise d'acceptation.

En descendant les escaliers, nous tombâmes nez à nez avec Gabrielle qui les montait avec une impressionnante lenteur en raison de sa robe bouffante. Je me rendis alors compte de l'animosité qui existait entre les deux sœurs. Gabrielle, qui était pourtant sur une marche en-dessous de Céleste, la regarda avec son air hautain si familier. Avait-elle d'ailleurs une autre expression que celui-là ?

_ Regarde-toi : tu es habillée comme pour aller à une kermesse. Tu n'as vraiment aucun goût, grinça Gabrielle.

_ Je n'allais pas faire d'effort pour ton mariage.

Gabrielle se tourna vers moi et pinça les lèvres, puis lança à sa sœur :

_ Je vois que tes fréquentations sont toujours aussi mauvaises.

_ Vous vous connaissez ?

_ Si peu ... Disons que nous avons les mêmes goûts en matière d'hommes.

C'était vraiment une pétasse. Elle avait eu son mariage avec Léopold, ne pouvait-elle pas me laisser tranquille deux secondes ? Je m'apprêtais à répliquer quand Céleste prit les devants :

_ Allons Gaby, sois gentille. Tu n'es plus toute jeune et quand tu râles, on voit tes rides.

_ Ne m'appelle pas Gaby ! Et pousse-toi maintenant.

Gabrielle bouscula sa sœur et continua sa route à la vitesse d'un escargot jusqu'au premier étage. Céleste m'entraîna avec elle vers la salle de réception en criant :

_ A tout à l'heure Gaby chérie !

Tentations parisiennesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant