Chapitre 31

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Je ne retournai pas à l'université pendant deux semaines. Immédiatement après l'épisode des gifles, je rentrai chez moi, me préparai une valise et filai à la gare. J'attrapai le premier train pour Lille et j'arrivai dans le Nord en milieu d'après-midi. Mes parents eurent la gentillesse de ne pas m'accabler de questions quant à mon retour anticipé et quand il fallut quand même aborder le sujet, je répondis vaguement une histoire d'aménagement d'horaires universitaires qui ne tenait pas la route mais qui tendait une perche pour me laisser tranquille et qu'ils saisirent à mon grand soulagement. Après tout, je restais à leurs yeux la Louise organisée, sérieuse et honnête et ils n'avaient pas de raison de douter.

Je passais ces jours dans une atmosphère chaude d'hiver arrivant à grands pas. Je me baladai dans les parcs et les forêts environnantes avec ma mère qui m'emmena faire les magasins et choisir les décorations de Noël, bien que l'on ne soit qu'au milieu du mois de novembre. Nous cuisinions beaucoup et regardions des films niais à la télévision l'après-midi. Elle me voyait la mine triste et tenta plusieurs fois de m'amener à me confier, puis se tut complètement devant mon silence et se contenta de me prendre dans ses bras, de me préparer des thés et de m'accompagner dans mes après-midi lecture.

Le dimanche arriva où il fallut que je retourne à la gare parce que je commençai à manquer trop de cours. Je fis mes bagages avec regret, n'oubliant pas d'emporter avec moi le certificat médical qu'un des amis de mon père m'avait fait sur simple demande et qui permettrait de justifier mes absences aux séances de TD des deux dernières semaines. Je me souvenais de la dernière fois où j'étais partie de Lille pour rejoindre Paris, je me souvenais de ma mère dont je m'étais intérieurement moquée des larmes et je me trouvais bien bête, moi qui me trouvai désormais noyée sous les miennes. Je les quittai en agitant les bras et pleurai tout le reste du trajet, me demandant ce qui m'avait pris d'avoir voulu quitter les miens pour m'exiler à Paris. Rien n'y avait été bon pour moi.

J'avais éteint mon téléphone portable durant ces quinze jours et je constatai que j'avais eu raison quand, en l'allumant, il se figea plusieurs minutes afin de gérer les flux d'arrivage massif de divers messages et mails. Il y en avait beaucoup d'Amélie, que je supprimais tous. Il y en avait de Benjamin, que je parcourais pour découvrir que, comme annoncé, il avait quitté Paris il y a quelques jours et s'installait à Berlin. Il y en avait de Simon, qui s'inquiétait pour moi et m'avait envoyé tous les cours que j'avais manqués. Il y avait deux pubs d'Orange et une de Sephora. Il y avait un message de ma mère envoyé quelques minutes plus tôt pour me souhaiter un bon voyage.

Il n'y avait pas de message de Léopold.

J'avais pris le dernier train et arrivai à Paris vers 23h10. Tandis que je traînais ma valise derrière moi en direction des métros, je sentis une main se poser sur le dos de mon manteau.

_ Je te ramène ?

Je continuai à avancer en l'ignorant, cherchant mes tickets de métro et avançant jusqu'au quai. Il était toujours à mes côtés. Quand le métro arriva, je montai dedans et il resta sur le quai. J'eus le temps de me retourner à la fermeture des portes. C'était la première fois que je voyais Léopold aussi triste.

Comme une douce nostalgie que l'on sait douloureuse si on s'y complaît trop mais dont on ne sait plus ressortir une fois plongé dedans, je me déshabillai entièrement en rentrant chez moi et ressortis le pull de Léopold du fin fond de mon tiroir à chaussettes. Son parfum s'était un peu évaporé mais en posant le tissu juste sous mon nez et en inspirant profondément, son odeur était là. Il m'accompagna dans ma nuit, autant sur ma peau que dans mes rêves.

Le lundi matin ne fut pas une partie de plaisir. On me dévisagea comme la bête que l'on croyait morte et qui revient, ou comme l'internée psychiatrique qui est réintroduite dans le monde normal. Je changeai de place durant les cours pour garder mes distances avec Amélie et séchai les cours de Léopold. Seul Simon était gentil avec moi. Il avait quitté son groupe d'amis pour venir s'installer sur le siège voisin du mien dans l'amphithéâtre et m'éviter d'être seule, et nous passions tout notre temps libre à la bibliothèque. Il ne posa jamais de question, ne fit aucune allusion ni aucune remarque.

Tentations parisiennesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant