Chapitre 27

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_ Quand elle s'est présentée comme ta femme l'autre jour, ce n'était pas vrai alors.

_ Non, pas du tout. Gabrielle a le béguin pour moi depuis qu'on nous a présentés, nous avions alors douze ans, et je soupçonne que ses parents doivent y être pour quelque chose. Ils ont dû lui monter la tête pour qu'elle se persuade que j'étais l'homme de sa vie et elle me colle aux basques.

_ Mais cet appartement, c'est le tien ou le leur ?

_ Officiellement, c'est encore le mien, c'est une propriété de ma famille. Mais je ne m'y sens pas à ma place et je n'ai pas envie de l'aménager à mon goût, d'autant plus que Gabrielle s'est procurée je ne sais comment une clef dont elle abuse pour me rendre visite à l'improviste.

_ Tu n'as pas eu peur qu'elle nous surprenne ?

_ Je savais qu'elle était à l'étranger cette semaine-là, on était tranquille.

_ Tu ... Tu as déjà couché avec elle ?

Il ne répondit pas et je sus qu'il l'avait fait.

_ Tu comptes te marier avec elle ?

_ Jamais de la vie !

_ Mais toute ta fortune ?

_ On ne pourra de toute façon pas vivre éternellement à la merci des Rodas et cet argent n'est plus le mien depuis longtemps : c'est celui qu'ils ont prêté à ma famille pour qu'on maintienne notre tête hors de l'eau.

_ Pourquoi ne pas leur dire clairement et rompre le contrat ? Ce n'est pas quelques mois qui vont tout changer.

_ Pour ma mère. Elle ... Elle avait un cancer incurable de la peau qui nécessitait des soins quotidiens dont je voulais charger des soignants précautionneux et qui ne soient pas en sous-effectifs, donc en évitant forcément l'hôpital public où les malades sont traités à la chaîne. Je l'ai placée dans une clinique très chère des Hauts-de-France que je n'aurais jamais pu payer avec mes seuls revenus : il me fallait encore les rentes des Humbert de Surville, et donc par ricochet l'argent des Rodas.

_ Tu dis « avais » : qu'elle « avait » un cancer incurable ...

Il ne répondit pas tout de suite, je sentis qu'il luttait pour ne pas pleurer.

_ Elle est morte la semaine dernière.

J'accusai le coup.

_ Pourquoi tu es venu ce week-end ? On aurait pu faire sans toi, tu aurais dû te prendre quelques jours.

_ Cela fait des mois qu'elle peut mourir d'un jour à l'autre, des mois que je me suis préparé. Au contraire, ce week-end, ça a été une bouffée d'air frais.

Je lui déposais un baiser sur la joue.

Nous arrivâmes à Luxembourg à dix-huit heures. Je n'y étais jamais venue et trouvai l'ambiance agréable et l'architecture imposante, mêlant la splendeur d'une capitale à l'accessibilité des belles villes. Léopold gara la voiture dans un parking sous-terrain qui sentait l'urine et m'entraîna vers la rue Philippe II. C'était une ruelle piétonne et commerçante du centre-ville. Il se dirigeait vers l'enseigne Chanel. Soudain je paniquai. Pensant n'occuper ma fin de journée que par un voyage en train vers Paris, j'avais prévu des vêtements confortables qui dénotaient totalement avec le luxe de la boutique. Quand je lui en fis part, il répondit comme si cela tombait sous le sens :

_ On a un gala ce soir, tu ne vas pas venir en jean.

_ J'ai ma robe rouge.

Je l'avais déjà portée la veille et elle n'était plus très fraîche, mais au moins je l'avais payée de mes sous. Léopold était - du moins pour l'instant - un homme très riche et je ne voulais pas me sentir entretenue : je voulais rester libre. Il leva un sourcil en grimaçant.

Tentations parisiennesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant