Chapitre 25

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Nous sortîmes séparément de nos deux chambres à neuf heures du matin, soit pile à l'heure pour le début des épreuves. Amélie nous attendait dans la salle de réception de la veille qui avait été réaménagée afin d'accueillir une estrade, deux pupitres et une dizaine de rangées de chaises pour les spectateurs. J'allai la rejoindre :

_ Prête ?

_ Je pense oui, mais je stresse énormément. Je me suis réveillée à six heures ce matin et j'ai passé trois heures à marcher dans le parc pour me relaxer, mais ça n'a pas marché. »

Sans le vouloir, elle me rassurait : j'avais peur que, de sa chambre, elle ait entendu mes cris de plaisir, mais elle n'avait pas été dans sa chambre au moment de nos ébats. De toute évidence, cela pouvait rester notre secret, à Léopold et à moi. Quand il nous rejoignit, j'eus cependant un pincement au cœur. Amélie était toujours dans la dynamique de flirt qui l'avait tant occupée la veille et elle se jeta presque à son cou pour l'embrasser sur la joue, à la limite de la bouche. Il la repoussa gentiment.

_ Amélie, tes parents ne vont pas tarder à arriver, peut-être devrait-on donc en revenir au vouvoiement. C'est plus professionnel.

Elle acquiesça sans sourciller et je pense qu'elle comprit ainsi qu'il n'y aurait avec Léopold aucun rapprochement à l'avenir.

Les candidats s'affrontèrent jusqu'à quatorze heures sans discontinuer et les parents d'Amélie arrivèrent juste à temps pour assister au duel de leur fille. A la fin, je la félicitais et lui confiais honnêtement qu'il n'y avait pas eu photo, qu'elle avait été plus convaincante et mieux préparée que Marcus. La victoire lui tendait les bras sans équivoque aucune. Un buffet d'amuse-bouche fut proposé en guise de déjeuner, puis le jury annonça les résultats vers quinze heure trente : comme prévu, Amélie avait remporté son duel à l'unanimité du jury. Elle reçut avec plaisir nos compliments, alla ranger ses valises et partit avec ses parents. Je ne l'avais pas beaucoup vue du matin et compte tenu de son énergie débordante de la veille et de mon alcoolisme peu avantageux, j'espérais qu'il n'y avait pas de malaise entre nous.

Vers seize heures, j'empruntai l'escalier qui menait aux étages pour ranger mes affaires et fut rattrapée par Marcus.

_ Tu t'en vas ?

_ Oui, je ne vais pas tarder. C'était une belle compétition, je suis désolée pour toi que tu ne sois pas retenu.

_ J'étais face à une candidate vraiment forte. Ce n'est pas grave, je retenterai l'année prochaine.

_ Tu rentres en train ?

_ Oui, par celui de 17h18, et toi ?

_ Oui, je -

_ Non, nous rentrons en voiture. Bravo pour votre plaidoirie, monsieur Aubert, et bonne chance pour l'année prochaine. S'il-vous-plaît, mademoiselle Lambre, ne tardez pas à vous préparer : j'aimerais que nous soyons sur Paris avant ce soir, annonça Léopold en nous dépassant dans le couloir avant de regagner sa chambre.

Je pris congé de Marcus en lui souhaitant un bon retour et me dépêchai de regagner ma chambre. J'ouvris à la volée la porte communicante : Léopold était juste derrière, le coude appuyé contre l'embrasure.

_ Oui ?

Quelle insolence !

_ Depuis quand on rentre ensemble ?

_ Depuis que tu m'as promis une pipe et que j'attends toujours.

Je restai estomaquée et partis en fou rire.

_ Quoi ? Tu préfères rentrer en train avec ton ami Marcus ?

Il me vit mordre ma lèvre inférieure et s'approcha de moi. Il passa une main sur ma nuque, une autre sur mes reins et m'embrassa. Dieu que c'était bon. J'avais encore les yeux fermés - commençant à évaluer la possibilité qu'on referait l'amour une fois avant de partir - quand il s'écarta. Il m'énervait tant à toujours couper court quand les choses devenaient intéressantes !

_ On part dans cinq minutes.

Je rassemblai rapidement mes affaires et fut prête avant lui. Il proposa de porter ma valise. Arrivée au parking, par réflexe, je cherchais Olivier en me demandant soudainement si Léopold l'avait vraiment amené avec lui pour ces deux jours à Nancy. Au lieu de ça, Léopold sortit un trousseau de clefs et alluma une Porsche noire. Pour la première fois de ma vie, je rangeais mon sac dans un coffre à l'avant d'une voiture. A l'intérieur, ça sentait bon le cuir et le parfum d'homme. Plus viril, je ne pouvais pas imaginer.

Nous accrochâmes notre ceinture, Léopold alluma le moteur puis se tourna vers moi :

_ On va où ?

Je m'esclaffai.

_ Quoi ? Comment ça on va où ?

_ Dis-moi, je suis ton chauffeur.

_ A Paris, bien sûr. J'ai du travail à rattraper.

Il leva les yeux au ciel.

_ Quelle rabat-joie tu fais ! Si c'est juste ça, je te fais un mot d'excuse. Ils me connaissent un peu à l'université, ils ne te feront pas d'histoire.

Je riais à nouveau.

_ Je te fais marcher : j'ai déjà réservé pour ce soir, annonça-t-il avant de démarrer.

Léopold ne respecta strictement aucune limitation de vitesse, mais paraissait s'en ficher complètement. Je me sentais bien dans cette voiture avec lui. Un sentiment de liberté et d'indépendance m'envahissait. J'avais l'impression que le monde était à notre portée. Nous restâmes silencieux pendant une bonne demi-heure, moi regardant le paysage au loin et lui conduisant, une main sur ma cuisse. J'étais heureuse, c'était l'aventure et j'étais avec l'homme que j'aimais. Je pensais profondément que c'était exactement ce que je ressentais - de l'amour - et je le lui dis.

_ Je t'aime Léopold. Je ne devrais probablement pas te le dire : c'est trop tôt et puis on ne se connaît presque pas. Toutes nos entrevues mises bout à bout, ça ne fait pas beaucoup, je le sais. Mais sans que j'arrive à me l'expliquer, c'est exactement ce que je ressens pour toi.

J'avais dit ça parce que je le pensais, mais j'avais aussi dit ça pour qu'il me réponde, évidemment. On ne se mets pas à nu sans espérer une réciprocité. A ma grande honte, Léopold ne répondit rien. Il se contenta de prendre ma main et de l'embrasser du bout des lèvres. Il me remerciait de ma déclaration ... Quelle humiliation ! Peinée, je le provoquai :

_ Et ta femme, tu l'aimes ?

Il fallait que je sache. Autant je l'aimais comme je n'avais jamais aimé personne, autant personne ne m'avait fait souffrir autant que lui. Il se tourna vers moi un millième de seconde, puis reporta son regard sur la route. Il paraissait désabusé par ma question.

_ Il va falloir que tu arrêtes avec ça. Je ne suis pas marié, je ne l'ai jamais été. Pourquoi tu as fouillé dans mon bureau ?

_ Je voulais répondre à ton Post-it et je n'ai pas trouvé de quoi écrire dans la cuisine.

C'est alors qu'il m'expliqua tout.

Tentations parisiennesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant