vingt-six

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chapitre vingt-six : tu es immonde Damon

 Peut-être que si je m'efforçai de vivre une vie de rêve aujourd'hui, c'était parce qu'hier, elle était hideuse. J'étais née et avais passé quatre ans à Medellín.

Quatre petites années qui avaient visiblement beaucoup de noirceur en elles.

Nous étions dans un quartier pas des plus beaux et des plus riches. Et puis nous avions même perdu notre maison. On avait dormi dans la rue à peine quatre mois après le départ de mon père.

Je ne me rappelais de rien. J'étais trop petite et innocente. Mais je me rappelais qu'on avait fini par rejoindre ma grand-mère. Et puis c'était flou mais c'était là, les souvenirs que j'espérais faux au sujet de ma mère.

Chaque nuit, depuis une semaine je les revoyais tous. On me touchait rarement, simplement les lèvres. On adorait dire que plus tard je serais à leur hauteur, que leurs attentes seraient comblées.

Ils me laissaient dans un coin et me faisaient voir leurs orgies. Je devais rester là à regarder ma mère avec des hommes et des femmes. Je devais toucher quelques fois.

Et bordel ça me donnait envie de m'éclater la tête contre le sol. S'il était vrai que les trafics emportaient les gens pauvres pour tenter de s'en sortir, c'était aussi vrai pour les femmes qui donnaient leurs corps, où les crimes sur les enfants.

— Rafaela ?

Les gémissements emplissaient toujours mon crâne quand la fatigue me happait.

On vivait de ça. Pendant deux ans quasiment, on vivait de la vente du corps de ma mère et de mon regard.

Le retour de mémoire traumatique m'avait également donné des souvenirs de mon oncle. Ils étaient tous de mèche. Ma mère se vendait au cartel de Medellín et elle m'avait vendu aussi.

Je me demandai pourquoi ma famille était ce qu'elle était, pourquoi est-ce qu'on cherchait à me tuer, mais ce n'était même pas en rapport avec ce que j'avais vu, c'était le reste.

J'en savais trop depuis toujours.

Ma tête était visiblement remplie de choses qui n'allaient pas les arranger une seule seconde.

— Rafaela ?

J'ouvris les yeux et me retrouvai dans cette pièce froide et mal éclairée. Je me relevai du sol persuadée d'être à présent complètement folle et d'entendre des voix et je me rendis compte que Damon était assis sur le lit en souffrant toujours.

Je me collai contre le mur d'un seul coup plus inquiète qu'il soit de nouveau brièvement en état de me tuer.

— Je ne vais rien te faire, souffla-t-il.

— Je vais en douter.

Il s'amusa de ma réponse.

— Tu faisais un cauchemar, lança-t-il.

— Comme souvent depuis que je te connais, j'ai envie de dire.

— Tu me prends pour un con à croire que je ne t'ai jamais vu dormir.

Cette remarque éveilla ma gêne. Putain c'était vrai. On avait déjà dormi ensemble, et j'avais fait peu de cauchemar. Mais la nuit, c'était le meilleur moment pour faire remonter les souvenirs.

— Il t'arrive quoi ?

— Tu veux être gentil maintenant ? Crachai-je. Après tout ce que tu m'as fait ? Je ne vais pas te raconter que je pense avoir besoin d'un psychiatre !

ÁNGEL'S SHADOWSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant