Chapitre 10

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Alex

Le soleil vient de se lever. Le QG a enquêté sans relâche toute la nuit et ça continue. Des dizaines d'agents courent dans tous les sens et toutes les pistes possibles sont en train d'être examinées, cependant pour l'instant, nous n'avons rien, absolument rien. Personnellement, je n'arrive pas à réfléchir. Quand on me pose une question, il me faut pratiquement dix minutes pour la comprendre, même si c'est une phrase aussi simple que : quelle heure est-il ?

Mes collègues du Swat vérifient les images des caméras de surveillance aux alentours de notre domicile, étudient les données des lecteurs de plaques d'immatriculation et cherchent une information intéressante dans le téléphone de Megan qui a été ramené du labo après des analyses ADN et d'empreintes non concluantes.

Je suis dans la salle de contrôle avec mon équipe. J'essaye de me concentrer sur l'enquête, mais je ne pense qu'à Megan. Cela fait maintenant plusieurs heures qu'elle a été enlevée et nous n'avons aucune piste concrète. La totalité des résultats d'analyses de la scène de crime est arrivé il y a un peu plus d'une demi-heure, mais elle ne nous a pas permis d'effectuer un quelconque avancement. Les scientifiques ont retrouvé l'ADN de trois personnes inconnues à notre base de données.

Très utile !

Enfin...

Pour rester bloqués...

Le commandant entre la pièce et c'est Lewis qui l'aperçoit en premier.

— Du nouveau chef ?

— Pas le moins du monde. Toutes nos pistes finissent dans des impasses.

Des impasses, des impasses et toujours des impasses ! Nous arrivons dans des impasses depuis hier soir ! J'en ai ma claque !

— Et qu'est-ce qu'on est censés faire, maintenant ? prononcé-je en m'appuyant à la table au centre de la pièce.

— En attendant que les autres unités trouvent de nouveaux indices sur une caméra, etc... nous pouvons chercher qui pourrait en vouloir à Megan, me répond mon chef. Peut-être les proches d'une personne que nous avons arrêtée dernièrement ou même il y a longtemps ? Peut-être même cette personne elle-même ? Ou peut-être aussi un ennemi dans sa vie privée ? Je ne sais pas. Il va falloir chercher partout.

Je n'en crois pas mes oreilles.

Nous sommes si désespérés que nous devons clairement chercher une aiguille dans une botte de foin !

C'est une blague ou quoi ?!

Lewis prend les devants pour diriger les officiers de mon équipe en voyant que mon esprit a une nouvelle fois quitté ces murs.

— D'accord. Alors pour l'instant, nous allons vérifier les dossiers des dernières personnes que nous avons mises derrière les barreaux... en espérant trouver quelque chose d'utile. D'ailleurs, à mon avis, la vie privée nous pouvons la mettre de côté.

Il jette un rapide coup d'œil dans ma direction.

— Dans cette salle, nous avons un expert sur celle-ci... Alex saurait forcément quelque chose, continue-t-il.

Mes collègues attrapent chacun leur tablette et commencent à examiner les dossiers de notre pile de suspects qui fait plusieurs kilomètres de long. Le commandant les imite et je m'apprête à faire de même, mais la colère causée par notre impuissance me submerge, je suis sur le point de craquer.

Je tourne à cent-quatre-vingts degrés et sors précipitamment de la pièce. J'ai besoin d'être seul un instant. Je marche jusqu'à la salle de repos la plus proche et m'assois dans le canapé en me prenant la tête entre les mains. Je perds tous mes moyens. Je ne sais plus quoi faire. Toutes nos pistes nous mènent dans des impasses et pendant ce temps, Megan est je ne sais où avec des personnes qui ne lui veulent sûrement pas que du bien.

Normalement, je gère assez bien le stress, mais aujourd'hui, alors que le problème me touche personnellement, c'est très compliqué. Des larmes de colère, de peur, de désespoir et de panique me montent aux yeux. Je les remballe comme je peux, mais deux ou trois réussissent à se frayer un chemin jusqu'à mes joues en feu malgré tous mes efforts.

Alors que je désire plus que tout être seul, quelqu'un toque à la porte, m'obligeant à essuyer les gouttes d'eau salée qui se baladent sur mes pommettes. Personne ne doit me voir ainsi. Je dois être fort, pas une mauviette.

— Oui ? articulé-je difficilement en me redressant.

Le battant s'entrouvre et une tête que je connais depuis maintenant sept ans passe par l'entrebâillement.

— Je peux entrer ? me demande Lewis.

J'accepte d'un hochement de tête, je n'ai pas la force de refuser. Un silence s'installe durant lequel il vient s'assoir à mes côtés sur le canapé.

— Comment tu savais que j'étais là ?

— J'étais sûr que tu irais dans son bureau.

Dans son bureau ?

Je relève la tête et m'aperçois rapidement que je ne suis pas dans une salle de repos, je suis dans le bureau de Megan. Je suis si étourdi que je ne m'en étais même pas rendu compte. Un sourire se dessine sur mon visage un dixième de seconde, puis disparaît aussi vite qu'il n'est arrivé pour laisser place à la même expression de désespoir qu'avant l'entrée de Lewis. Ce dernier pose sa main sur mon épaule et nous restons ainsi un certain temps. Nous ne parlons pas.

— Pourquoi elle ? Pourquoi ?! Il n'y a même pas eu de demande de rançon ! explosé-je soudain. Je ne comprends pas qui pourrait lui en vouloir assez pour l'enlever sans rien attendre de notre part ! Cette histoire n'a aucun sens ! En plus, l'enquête n'avance pas ! Nous n'avons rien ! Absolument rien ! Il n'y a que des impasses !

Mon corps tremble d'énervement et mes joues s'enflamment. J'ai chaud. Mon cerveau grouille de questions auxquelles je n'ai pas de réponses, je hais cette sensation.

Lewis met du temps à me répondre. Il choisit les bons mots pour apaiser ma colère grandissante.

— Tu sais, aucune raison n'est valable pour faire une chose pareille, mais les personnes qui l'ont enlevée en avait sans doute une qu'ils trouvaient, eux, valable. Ils sont venus avec des explosifs pour faire sauter votre porte ! Ils savaient ce qu'ils faisaient. Ils n'ont pas choisi Megan par hasard, ce qui veut dire qu'ils ont un lien avec elle d'une façon ou d'une autre et nous allons trouver comment. Il nous faut juste du temps. Et puis, ses ravisseurs ont forcément commis une erreur quelque part ou bien ils vont en commettre une dans un futur proche ! Aucun crime n'est parfait, Alex ! Tu le sais mieux que quiconque ! Je te promets que nous allons faire tout notre possible pour la retrouver. Je n'ose même pas imaginer comme ça doit être dur pour toi. Je ne sais pas comment j'aurais réagi si Alicia s'était fait kidnapper, mais en tout cas, fais nous confiance. On est tous là pour la sortir de cette mauvaise passe.

Il me serre le bras en signe d'amitié et de réconfort, alors que moi, je regarde le sol en réfléchissant.

Il a raison, aucun crime n'est parfait. Ils ont ou vont forcément commettre une erreur et à ce moment-là, je serai présent pour les envoyer en cage.

Je secoue la tête pour évacuer les émotions qui me paralysent, puis me lève, emprunt à une soudaine détermination, et fixe Lewis.

— Allons retrouver ces enfoirés.

Un grand sourire se forme sur le visage de mon ami lorsqu'il se remet sur ses jambes et se poste à ma droite.

— Voilà l'Alex que je connais !

Nous sortons ensemble du bureau et rejoignons nos collègues qui n'ont pas bougé de la salle de contrôle. Ils sont tous là et je sais qu'ils resteront à mes côtés jusqu'au retour de Megan. C'est une vraie équipe, une famille, ma famille.

Je ne te lâcherai pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant