Chapitre 12

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Alex

Il est treize heures. Nous recherchons activement Megan depuis avant-hier soir et mes yeux se ferment. Je n'ai fait que deux siestes d'une demi-heure depuis son enlèvement. Je n'arrive pas à dormir plus. Les images d'hommes en train de la toucher, la torturer, de la frapper, ne cessent de me hanter. Seul le travail bloque ces visions qui m'horrifient. Je n'en peux plus.

Megan... où es-tu ?

Le QG grouille de monde. Beaucoup d'agents travaillent nuit et jour pour apporter leur aide à l'enquête, même si pour l'instant, nous n'avons aucune information qui nous permette d'identifier les ravisseurs de Megan ou l'endroit où ils l'on emmenée.

— Tu as averti sa mère ? me demande Lisa alors que nous examinons des dizaines de casiers judiciaires de potentiels suspects dans un bureau.

— Pas encore. Je n'ai pas encore trouvé la force pour ça... Elle sera paniquée. Elle perdra encore plus ses moyens que moi.

— Il faut que tu lui dises avant qu'elle ne l'apprenne autrement. Ça ne tardera pas à être dit à la radio ou même à la télé.

Elle imite la voix d'un journaliste :

— Dans la nuit de samedi à dimanche, le capitaine Garcia de la police de Los Angeles s'est fait enlever à son domicile. Aucun indice sur l'identité de ses ravisseurs n'est à cette heure-ci connu. La police cherche avec acharnement.

Elle me regarde. Je vois de l'insistance dans ses billes bleues.

— Ça ne va pas tarder et il vaut mieux que sa mère l'apprenne de toi que comme ça.

J'acquiesce. Lisa a raison. Elle sera déjà bien assez dévastée quand je le lui aurai dit moi-même, alors je n'ose pas imaginer son état si elle l'apprend au journal du soir aussi directement.

Je prends mon portable, puis me rends dans un couloir peu fréquenté pour pouvoir téléphoner tranquillement. Après avoir cherché le numéro de la mère de Megan dans mon répertoire, j'appuie fébrilement sur « appeler ».

— Oui allô ? Alex ?

— Bonjour Andrea, lui réponds-je d'une voix tremblante.

— Tout va bien ?

Je ne dis rien quelques secondes.

J'y arriverai pas.

Je prends une grande inspiration et tente de prononcer deux mots, mais je ne sais pas par où commencer.

— Je dois vous dire quelque chose...

Ma voix déraille, je m'arrête.

Ça y est. Il faut lui dire, Alex ! C'est sa mère. Il faut qu'elle le sache ! Elle a le droit de savoir ! Megan est sa fille ! Reprends-toi mec !

— C'est Megan...

***

J'ai annoncé la nouvelle à la mère de ma copine depuis bientôt une heure. Elle s'est effondrée. Quand je lui ai dit, elle a lâché son portable et a mis du temps à le reprendre en main. Elle m'a demandé si je blaguais et j'aurais aimé lui répondre que oui. Mais non, c'était la vérité.

Je suis resté plus d'un quart d'heure en appel avec elle. Nous ne parlions pas. Je l'entendais juste pleurer. Elles ont déjà traversé tant d'horreurs... et ça recommence. Après ce coup de téléphone, j'ai dû reprendre mes esprits plusieurs minutes dans le couloir avant de pouvoir retourner auprès de mes collègues. Ma tête bouillonnait, il m'était impossible de réfléchir correctement.

En ce moment, j'examine un casier judiciaire qui ne mène à rien. Megan est à peine mentionnée dans le rapport d'arrestation de ce Robert Houston !

Subitement, quelqu'un toque à la porte sans grande conviction.

— Entrez ! s'exclament toute mon équipe d'une même voix.

Le battant s'ouvre sur un policier.

Joe.

— Alex, deux femmes te cherchent.

Je me lève. Derrière sa carrure imposante, je distingue deux corps frêles.

— J'arrive.

Je sors du bureau et Joe s'en va. La mère de Megan et sa meilleure amie ont les joues rouges et les yeux gonflés. Elles ont pleuré récemment.

— Andrea m'a tout expliqué. S'il te plaît, dis-moi que c'est une blague, me supplie Louane.

— Je suis désolé.

Les larmes réapparaissent sur ses pommettes et elle s'effondre dans mes bras.

Alex, tiens bon. Reste fort.

— On va tout faire pour la retrouver.

C'est une promesse, peut-être plus pour moi que pour les deux femmes qui se dressent devant moi, certes, mais en tout cas, c'est une promesse que je ne briserai pas.

— On sait. Elle nous a toujours dit que tu étais un super flic. Promets-nous que tu vas nous la ramener, s'il te plaît, me supplie-t-elle une nouvelle fois.

— Je vous promets de tout faire pour la ramener à la maison.

D'autres larmes roulent sur son visage et Andrea l'imite. Je sais bien que ces mots ne sont pas suffisants... malheureusement, c'est tout ce que je peux me permettre de dire dans cette situation... Je ne peux que leur promettre que je donnerai ma vie pour cette enquête.

— Est-ce que vous avez une idée de la personne qui aurait pu l'enlever ? Quelque chose que je ne sais pas ou que j'aurais pu louper ? demandé avec une lueur d'espoir.

On ne sait jamais...

Les deux proches de Megan réfléchissent et Louane fait « non » de la tête, alors que sa mère souffle d'une voix tremblante :

— Vous avez vérifié que son père n'y est pour rien ? Je doute qu'il puisse faire quelque chose de ce genre depuis la prison où il est enfermé, mais on ne peut jamais être sûrs avec lui...

— J'y avais pas pensé, mais je vais vérifier. C'est possible... Je sais pas...

Il est dix-huit heures. Louane et Andrea sont reparties peu après notre conversation. Elles sont rentrées chez elles, mais m'ont ordonné d'immédiatement les appeler s'il y avait du nouveau dans notre enquête. Bien sûr, j'ai accepté, je n'avais pas vraiment le choix...

Après leur départ, je suis retourné dans le bureau et j'ai expliqué les antécédents du père de Megan à mon unité. Ma copine avait gardé la majorité de ces informations pour elle. Elle ne voulait pas que ça se sache, cependant aujourd'hui, je ne peux plus me permettre de cacher son passé.

Nous effectuons actuellement des recherches sur le possible lien du paternel avec la disparition, mais il n'est rentré en contact avec personne depuis des années, en dehors des gardes de la prison où il est incarcéré depuis bientôt deux décennies.

Le commandant Johnson entre dans la pièce.

— Vous avez trouvé quelque chose ?

Nous secouons tous la tête. Il n'y a rien de suspect dans les dossiers que nous avons examinés jusqu'à maintenant.

— Et vous ? demande Bryan.

— Rien. Ce n'est pas possible. On passe forcément à côté de quelque chose.

— On a tout regardé. Ils ont fait un travail de pros. En plus, la mère du capitaine nous a parlé de son père et nous avons fait des recherches, mais nous ne sommes tombés sur aucun lien avec notre affaire, répond Jason.

— Bon, écoutez, souffle Johnson, on travaillera tous mieux la tête reposée. Une nouvelle équipe vient d'arriver, elle prend le relai. Revenez demain matin.

Mes amis ferment les dossiers qu'ils sont en train de vérifier, alors que moi, je continue de lire le mien.

— Alex, m'appelle Lewis.

— Allez-y. Je finis vite ce document.

Mon unité sort du bureau, mais Johnson, lui, reste là. Il me m'ordonne gentiment :

— Alex, dehors.

Je ne réponds rien.

— Vous travaillerez mieux demain. Une équipe vient d'arriver. Elle va continuer le travail ! Allez donc quelque part pour vous reposer !

Je termine de lire un des dossiers sur le père de ma copine et le referme violemment.

— Rien dans celui-ci non plus, m'énervé-je en le jetant sur la table devant moi.

Je me lève et sors de la salle. Mon chef parle dans mon dos, mais je ne m'arrête pas pour discuter.

— Nous allons la retrouver !

— J'espère, lui réponds-je en tournant à l'angle du couloir pour retrouver ma voiture sur le parking principal.

En posant les mains sur le volant, je suis sur le point d'exploser. Je vais me reposer alors que Megan est...

Arggghhh !

En plus, où suis-je censé aller ? Ma maison est une scène de crime ! Je ne peux pas y retourner !

Putain fait chier !!!

Ma respiration s'accélère. La colère monte en moi.

« Alex... calme-toi... Ça ne sert à rien de t'énerver... Tu ne pourras pas réfléchir dans cet état... » La voix de Megan résonne en moi. Si elle était là, c'est exactement ce qu'elle m'aurait dit.

Ok.

Je prends quelques minutes pour essayer de faire baisser la pression dans mon corps en ébullition. Ce n'est que lorsque j'ai retrouvé un souffle convenable que je passe en revu mes proches.

Chez qui pourrai-je aller dormir un peu ? Au pire, je paye une nuit à l'hôtel...

***

Finalement, j'ai décidé d'aller squatter la maison familiale. Je m'avance dans l'allée d'un pas incertain et vais toquer à la porte. Mon père m'ouvre quelques secondes plus tard.

— Fiston ! s'exclame-t-il. Qu'est-ce qui t'amène ?

— Je peux rester ici jusqu'à demain matin ?

— Bien sûr !

Son regard joyeux s'obscurcit subitement.

— Il y a un problème... avec Megan ?

Bien vu papa...

— En quelque sorte... oui...

Ma voix se brise. Je rentre et m'effondre pour la centième fois en expliquant à mes parents tout ce qu'il s'est passé depuis avant-hier soir...

Je ne te lâcherai pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant