Chapitre 19

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Megan

Léonardo, Lopez et moi sommes installés autour d'une table ronde. Mes gardes sont au fond de la pièce et ceux de Lopez sont près de la porte d'entrée. Pendant plus d'une heure, mon patron et le sous-chef du gang discutent d'arrangements commerciaux. Je commence franchement à m'ennuyer. Je m'avachis contre le dossier de la chaise et mes yeux rencontrent de grandes difficultés à rester ouverts.

Un bruit de machine me fait sortir de mon état second. Lopez se lève et va chercher une feuille dans l'imprimante derrière Léonardo. En revenant, il pose un contrat devant moi.

— Tu es d'accord avec ces arrangements Megan ?

Je n'ai rien écouté à la discussion, mais je vois Léonardo hocher légèrement la tête en face de moi.

— C'est parfait.

Le client me tend un stylo et je signe dans la case prévue à cet effet.

La réunion est terminée. Nous nous redirigeons donc vers le bar qui empeste la drogue à des kilomètres et où il y a encore plus de monde qu'à mon arrivée. Les quelques femmes et enfants de tout à l'heure sont partis, mais le nombre d'homme a crû fortement. Quand j'arrive en haut des marches, les yeux sont à nouveau rivés sur moi. La foule tente de m'approcher, mais son chef s'interpose.

— Laissez donc Megan tranquille. Ce n'est pas une bête de foire. Elle est l'héritière du gang, la fille de Fernando Garcia. Merci de stopper immédiatement ce comportement inadéquat envers sa personne.

Les membres du réseau qui désiraient venir vers moi une trentaine de secondes auparavant reculent et retournent à leurs occupations, en me gardant tout de même dans leur ligne de mire. Léonardo, quant à lui, va boire un verre à la table du chef pendant que moi, je dois m'occuper comme je peux.

J'aperçois les deux gardes européens dans un coin de la pièce. Ils essayent tous les deux de draguer des Argentines qui ont l'air enchantées. Devant ce spectacle ouvert à tous, mon cœur se pince. Alex me manque. J'aimerai tellement être dans ses bras, à la maison, en train de regarder un bon film à la télé...

L'Hispanique vient vers moi. Il devine où je regarde et sans même voir son visage, je sens qu'il sourit. Il sait très bien à quoi je pense.

— Tu sais, y'a plein d'autres mecs bg sur terre. Te focalise pas sur cette amourette avec Axel.

— Alex, le corrigé-je.

— Bref. On s'en fiche, c'est pareil. Ce soir, fais-toi plaisir. Tous les mecs de cette pièce te veulent dans leurs lits, alors choisi-en un et c'est parti. Sinon, tu risques de devoir attendre longtemps ce soir. Tu vas grave t'ennuyer. Quand Sanchez commence à boire avec des clients, il n'en finit pas. Ça peut durer jusqu'à l'aube. C'est déjà arrivé plusieurs fois.

Je lève les yeux au ciel et secoue la tête.

— Avec Alex, c'est pas qu'une amourette, alors vos gars dealers, drogués et bourrés, mettez-les-vous où je pense.

Je lui tourne le dos et m'en vais parmi la foule dense. Plusieurs hommes saouls m'attrapent les bras pour me parler, mais je me dégage violement à chaque fois.

— Eh mademoiselle, viens juste quelques minutes avec nous ! Allez ! m'accoste un vieillard qui empeste l'alcool.

Je ne prends pas la peine de lui répondre et continue mon chemin. Je me rends dans l'unique endroit calme dans ce bar de déglingués : les toilettes des femmes.

J'y suis seule. J'entends la musique à travers la porte, mais je me sens moins oppressée qu'un instant plus tôt. Je m'adosse contre le mur et me laisse glisser. Je me retrouve assise par terre, sur le carrelage glacé, les genoux repliés contre ma poitrine, les bras autour et ma tête par-dessus. Je tente de reprendre mes esprits.

La police va me retrouver.

Elle va m'aider.

Je ne resterai pas un objet toute ma vie.

Ce n'est qu'une question de temps...

Enfin... je l'espère...

Je reste ainsi pendant ce qui me semble être une éternité. Je pense aux personnes que j'aime, aux personnes qui, je le sais, n'abandonneront pas les recherches tant que je ne serai pas de retour à la maison. Alex, Maman, Louane et tous mes autres amis qui m'ont toujours soutenue dans les moments difficiles. J'imagine tout ce qu'ils me diraient s'ils étaient là et des larmes s'empressent de rouler sur mes joues. Je sais que je dois rester forte, mais c'est plus fort que moi...

En relevant mon visage dans le but de l'essuyer, je remarque la fenêtre en face de moi. Je me redresse en hâte et regarde à travers. Elle donne sur une ruelle qui n'est pas celle par laquelle nous sommes arrivés en voiture tout à l'heure.

Si je passais par là et tentais de m'enfuir... personne ne s'en rendrait compte dans l'immédiat... nan ?

Je sais que ce n'est pas une bonne idée, mais c'est la seule qui me vienne à l'esprit.

Pourquoi attendre une meilleure opportunité qui n'arrivera sans doute jamais ?

Je ne te lâcherai pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant