Megan
« Je suis dans ma chambre. Mon père a une séance avec ses collègues à la maison, et comme à chaque fois, je ne suis pas autorisée à sortir. Quant à maman, elle n'est pas chez nous. Elle est serveuse dans un bar et travaille tard le samedi soir.
La réunion de mon paternel est longue. Elle dure toute la soirée et continue pendant un gros morceau de la nuit. Durant ce temps-là, j'entends des rires, des engueulades, des cris d'hommes qui semblent totalement ivres...
Je suis au lit, mais j'ai beaucoup de mal à m'endormir avec tout le vacarme que font les invités. Je vois les heures défiler et le sommeil ne vient pas. Vingt-trois heures, minuit, une heure, deux heures... A une deux heures et demie, je décide de me lever et d'aller voir ce que font mon père et ses amis. Normalement, je n'ai pas le droit. C'est la première fois de ma vie que j'enfreins cette règle, mais j'ai dix ans et il faut bien vivre !
J'ouvre la porte de ma chambre avec le moins de bruit possible et traverse le couloir à pas de loup. Le bureau est entrouvert. Dans l'entrebâillement, j'aperçois une dizaine d'hommes autour de la table centrale et je tends l'oreille pour espionner leur discussion. Mon père parle d'une voix forte et assurée. Pour une fois, il n'est pas saoul comme la moitié de ses invités.
— ...que dix ans, je la formerai le moment venu. Pour l'instant, c'est moi qui veille sur notre trafic et ça restera comme ça pendant encore très longtemps.
Je le vois prendre un sachet devant lui et de la poudre blanche s'en échappe. Cela m'étonnerait grandement que ce soit de la farine... Je ne savais pas que mon père était un trafiquant de drogue ! Je laisse échapper un hoquet de surprise et le regrette aussitôt. Il m'a entendue.
— Jeune fille !
Je m'élance en direction de ma chambre et quelqu'un court à ma suite. Lui.
Je ne le sens pas du tout ! Purée ! Megan ! Pourquoi t'es aussi bête parfois ?!
Je rentre dans ma chambre et tente de refermer la porte, mais mon père la retient.
— Je t'avais strictement interdit de sortir de cette chambre ! hurle-t-il.
Je baisse la tête.
— Je suis désolée... Je voulais voir ce que vous faisiez...
Il m'attrape par le haut de mon pyjama et me plaque contre le mur. Il me fait mal.
— Tu ne refais plus jamais ça. Est-ce clair ? crie-t-il encore.
Je hoche la tête.
— J'ai pas entendu !
— Oui papa...
Il me gifle une fois, puis une deuxième. La troisième fois, ce n'est pas sa main qui s'écrase contre ma joue, mais son poing qui meurtrit le bas de mon ventre.
— Aïe !!!
Mes cris de douleur ne ralentissent pas ses coups.
— Il fallait y penser avant !
Après ces mots, je sais que mon calvaire n'est pas encore fini pour cette nuit, alors je me recroqueville... et il s'acharne... »
***« Je suis assise sur le canapé et ma mère m'enlace tendrement. Depuis plus d'une demi-heure, nous rions devant une émission comique du vendredi soir et mangeons le chocolat que les voisins nous ont offert pour Pâques.
Nous sommes de bonne humeur, comme toutes les fois où mon père n'est pas à la maison. Il est en ville. Où ? Nous n'en savons rien et tant pis. Nous nous portons d'autant mieux lorsqu'il s'éloigne de nous quelques heures.
Nous rions encore. La vidéo d'un chien qui vole tous les gâteaux à la vanille que sa maîtresse vient de préparer passe à l'écran.
— Maman ! J'veux un chien ! m'écrié-je.
Malheureusement, je connais déjà sa réponse...
— Tu sais très bien que ton père n'est pas d'accord ma prin...
Elle est coupée dans sa phrase par la porte d'entrée qui s'ouvre brusquement pour laisser place à un homme totalement saoul sur le seuil : mon père. Il hurle quelque chose d'incompréhensible et ma maman me chuchote à l'oreille :
— Megan, va te cacher, comme d'habitude.
Je me lève du canapé et cours vers les escaliers pour monter dans ma chambre. Je ne prends pas la peine d'allumer la lumière, je me glisse directement sous mon lit.
— Chéri, tu es ivre, monte dormir un coup, tu veux ? entends-je au loin.
Maman.
J'ai peur. J'ai peur pour elle. Mon paternel ne se retient jamais de la frapper quand il en a envie.
La voix qui me hante nuit et jour hurle :
— Espèce de salope ! Faire fuir ma fille quand j'entre dans la baraque, franchement ?!
Un silence dure plusieurs secondes et mon héroïne lui réplique :
— Voilà pourquoi elle est partie crétin !
Pourquoi je suis partie ? Qu'est-ce qu'il lui a fait encore ?
— Parce que maintenant tu oses me répondre ?!
Je flippe.
Faites qu'il ne fasse rien à maman !
Malheureusement, les gémissements de cette dernière me parviennent...
— Arrête ! Je t'en supplie ! Arrête !
Le silence retombe. Qu'est-ce qu'il se passe ? Il est en train de partir ? Non... Je discerne encore sa voix...
— Sinon quoi ? Tu vas appeler la police ? Oups ! C'est vrai ! J'avais oublié ! Ils s'en fichent tant que tu n'as aucune preuve concrète de ce que tu avances.
J'entends quelque chose tomber, puis plus rien pendant un long moment. Tout à coup, deux bruits assourdissants me frappent au visage. Je sursaute.
Ça ressemblait fortement à deux coups de feu.
Maman ! Maman...
J'ai peur, très peur, mais je ne bouge pas de sous mon lit. Elle m'a toujours dit de ne pas sortir de ma cachette tant qu'elle ne venait pas me chercher, alors j'attends plusieurs secondes, peut-être minutes, je ne sais pas.
Par ma fenêtre ouverte, je distingue soudain la voix de mon père qui s'éloigne de la maison.
— C'est bon. Elle va y passer et bien souffrir avant.
La portière d'une voiture claque et un véhicule démarre. Il est parti. Après les mots que je viens d'entendre, je ne peux plus attendre sans rien faire. Je sors de ma chambre en courant pour rejoindre le salon le plus vite possible et ce que j'y trouve me glace le sang : maman est étendue sur le sol dans une flaque de sang.
— Maman ! Maman ! Réponds ! S'il te plaît ! crié-je en m'accroupissant à côté d'elle, paniquée.
Elle est inconsciente. Elle n'est pas morte. Je vois sa poitrine se soulever au rythme de sa respiration légère, mais bien présente. Je sprinte en direction de la cuisine pour prendre le téléphone de la maison et j'appelle immédiatement une ambulance. Jusqu'à son arrivée, j'attends auprès de ma mère qui se vide de son sang... »
***
« Je suis assise à côté de maman dans le tribunal. Nous assistons au procès de notre bourreau.
— Aujourd'hui, Fernando Garcia est ici pour entendre sa peine. Il a tenté un assassinat sur sa femme, a eu de graves violences envers elle et sa fille, a participé aux activités d'un trafic de drogue et à au moins quarante-six meurtres. À la suite de plusieurs délibérations, il est tenu coupable des faits énoncés précédemment. Sa peine de prison est fixée à trente ans ferme. Cette assemblée est terminée. Au revoir.
Le juge se lève et des policiers viennent récupérer mon père dans la box des accusés. Ce dernier me scrute, puis regarde ma mère dans les yeux.
— Je te tuerai, crie-t-il.
Ma maman l'ignore et se hisse sur ses jambes grâce aux béquilles dont elle a besoin pour marcher depuis l'attaque de son ex-mari.
— Viens Megan, on y va.
Je regarde mon père pour, je l'espère, la dernière fois de ma vie et me retourne pour suivre mon héroïne jusqu'à la sortie du tribunal. Ce cauchemar est enfin terminé. Il ne pourra plus nous faire souffrir.
— Viens là, me dit-elle.
Elle me sert fort dans ses bras. J'ai un peu peur de lui faire mal à cause de sa récente blessure à l'abdomen, mais je l'imite quand même. Après toutes les horreurs que nous avons vécues ces dernières années, j'ai vraiment besoin de la sentir près de moi.
Qu'est-ce que je l'aime.
Maman, je t'aime. »
***
— Mademoiselle ? appelle une voix qui me paraît si lointaine... Mademoiselle ? Tout va bien ?
Je me réveille en sursaut. Je suis en sueur. Ce cauchemar vient de me rappeler toute cette histoire que j'avais pourtant tenté d'oublier il y a si longtemps...
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Je ne te lâcherai pas
Misterio / SuspensoMegan et Alex se sont rencontrés dans la police. Depuis trois ans, ils vivent une relation saine et sans embûche, si bien qu'Alex s'apprête à lui faire sa demande en mariage. Quelques jours avant cet heureux événement, Megan se fait kidnapper par u...