Je ne te lâcherai pas

Chapitre 18

Alex

Furieux, je traverse les couloirs du Swat sans vraiment réfléchir à ma destination. Mon cerveau tourne en boucle autour d'une seule et unique information : nous allons devoir laisser partir un homme susceptible d'avoir un rapport avec l'enlèvement de Megan. Ok, il ne l'a pas kidnappée lui-même, mais qui a dit qu'il n'avait pas payé quelqu'un pour le faire ?

Les portes défilent. Il faut que je me décide. Où vais-je ? La seule chose que je sais, c'est que j'ai besoin d'être seul. Je passe devant une salle de repos pleine à craquer, la cuisine où discute une unité, des bureaux qui accueillent des agents en train de traiter des dossiers, puis devant ce bureau, son bureau.

Mes pas cessent.

Là-bas, il n'y aura personne. C'est sûr.

J'ouvre la porte et entre dans la pièce où, il y a maintenant trois ans, j'ai proposé à ma supérieure directe de m'accompagner au restaurant pour la première fois. La chaleur de la pièce a le don de réchauffer mon cœur de quelques degrés. Megan adore les petites décorations. Des photos et des bibelots ornent absolument tous les meubles. Son bureau est plein de vie, comme elle.

Je m'installe à son pupitre et observe un peu plus cette salle qui l'accueille normalement tous les jours. Des photos de paysages paradisiaques, de panoramas citadins et de fleurs sont encadrées et posées un peu partout. Seuls trois images représentent la vie personnelle de ma copine. Elles sont situées sur la table de son bureau pour qu'elle puisse les admirer tous les jours lorsqu'elle travaille.

La première est un selfie d'elle et sa mère sur le Golden Gate Bridge à San Francisco. L'année dernière, elles étaient parties en week-end là-bas pour se « ressourcer entre filles ». Autant dire qu'elles ont dévalisé les magasins et vidé leurs cartes de crédits.

La deuxième est un cliché de son groupe d'amis. Ils sont sept et aussi inséparables que les doigts d'une main un peu mal fichue. Ils sont toujours ensemble, toujours en train de faire je ne sais quelles bêtises. Ils ont peut-être trente ans, mais ça ne les empêche pas d'en avoir cinq de temps en temps... En plus, ils se connaissent sur le bout des doigts. Leur histoire a commencé dix-sept années en arrière et n'est pas près de se terminer.

Enfin, la dernière est une photo d'elle et moi pendant un week-end en amoureux à Las Vegas. Il remonte à plus de deux ans, mais les souvenirs de ces deux jours sont toujours aussi clairs dans mon esprit. Nos balades main dans la main autour des fontaines lumineuses de cette ville extraterrestre sont gravées en moi à jamais.

***

« Les jeux de lumière des fontaines de Las Vegas sont magnifiques, mais la personne à mes côtés l'est encore plus. Megan admire ces jets d'eau qu'elle n'avait pas encore eu la chance de voir. Elle vit à Los Angeles depuis seize ans, mais n'est pourtant jamais venue dans cette ville extraordinaire. J'étais obligé de lui faire découvrir ce lieu hallucinant ! Ce week-end, cela fait exactement six mois que nous sommes ensemble, alors c'était l'occasion de partir en vacances tous les deux pour la première fois.

Nous sommes sortis d'un restaurant asiatique il y a un peu plus d'une demi-heure et depuis, Megan et moi traînons dans l'allée qui longe le bassin des fontaines. Je la tiens par la taille et elle se serre contre moi. Qu'est-ce que j'aime son contact ! Nous ne sommes qu'en couple depuis six mois, mais je vois déjà tellement mal ma vie sans elle. Elle m'est devenue indispensable.

Nous ne parlons pas. Nous admirons simplement la ville qui s'étend à trois-cent-soixante degrés autour de nous. Mon cerveau est en pause. Il profite simplement de ce moment suspendu.

— Je veux une gaufre au Nutella ! s'écrie soudain ma copine qui me sort de mon état second.

Elle pointe du doigt un petit cabanon devant lequel attendent déjà une dizaine de vacanciers.

— Mais on a déjà mangé un dessert y'a moins d'une heure !

— C'est pas grave ! On s'en fiche ! rétorque-t-elle en se détachant de moi.

Elle m'attrape par la main et me tire au milieu de la foule.

— Pardon ! dit-elle à un homme quand elle le bouscule dans sa course au dessert.

Je ris. On dirait qu'elle n'a rien mangé depuis des mois ! Nous parvenons rapidement devant les vendeurs de gaufres, mais des personnes âgées, des parents, des enfants, des couples et des adolescents nous précèdent dans la file. Nous risquons d'attendre de longues minutes... Cependant, Megan s'en fiche royalement. Elle a le sourire jusqu'aux oreilles. Elle me fait penser à ma petite sœur de treize ans ! Tout ça pour une gaufre !