La nuit fut pleine de questions pour Hëna, qui a réussi à trouver la fiche listant les élèves présents à la fête d'intégration du début d'année. Elle regretta ce manque de sommeil en se rappelant de la journée importante qui allait se dérouler ; les auditions à la grande pièce de l'année étaient toute la matinée, et Hëna se devait de faire de son mieux pour obtenir le premier rôle. Mais cela ne l'empêcha pas de sortir de son lit motivée, et déterminée, elle se vêtit alors d'un haut blanc à dentelle, avec des mitaines accordées, et une jupe courte de la même couleur. Elle hésita quelques secondes avant d'attraper sa cravate favorite en sortant de sa chambre. Mélodie n'était pas dans la chambre ce matin-là, probablement levée plus tôt pour voir son copain Jess.
Plus tard, Hëna faisait les cents pas dans les coulisses du grand théâtre, quelques minutes avant le début de l'audition. Elle se répétait incessamment l'extrait du monologue qu'elle avait appris pour montrer son jeu d'acteur, une longue tirade où elle devait exprimer désespérément des sentiments amoureux, sachant que le personnage aimé était sur le point de l'abandonner. Elle se savait douée pour interpréter les émotions, et elle allait le prouver au jury.
D'autres étudiants arrivèrent, des fiches de notes à la main, tremblants, ou se concentrant sur leur respiration, Hëna les connaissait uniquement de vue, mais elle leur lançait un sourire encourageant lorsque leurs regards se croisaient. L'arrivée de Pandore se fut remarquable, car tout le bruit frappant de ses talons sur le parquet imposa un silence. Celle-ci portait une autre de ses nombreuses robes rouge sang ; le tissu en velours collait à sa peau et ses boucles brunes retombaient élégamment sur ses épaules. Toujours la même histoire, Hëna soupira ; Pandore faisait toujours tout pour être la plus belle, partout où qu'elle aille, et le pire était que c'était tout simplement naturel pour elle.
— Prête ? lui demanda-t-elle en arrivant à la hauteur d'Hëna.
— Toujours.
L'étudiante laissa son regard effleurer le visage de Pandore, celle-ci affichait un air confiant et un calme impressionnant qui la déstabilisa. Elle sentit son cœur vaciller un instant avant de se reprendre.
— Tu auras beau tout essayer pour ruiner mon passage, commença Pandore, il n'y aura aucun risque que tu sois meilleure que moi.
— On verra cela, princesse, on verra. Au final seul le résultat compte, peu importe tes paroles.
Elle se retint de frôler sa peau en la dépassant pour rejoindre Kellan, puis en arrivant face à lui, elle leva les yeux au ciel :
— Je ne suis pas prête à devoir assumer de jouer dans la même pièce qu'elle, si elle est prise.
— Ça va aller, rit son ami en caressant son bras d'un geste réconfortant. Avec un peu de chance elle aura un rôle secondaire et tu la verras très peu.
Les conversations se faisaient de plus en plus bruyante, et l'atmosphère était plus tendue que quelques minutes auparavant, Hëna se retourna pour observer Pandore qui semblait se concentrer dans ses propres pensées.
— Ce qui me fait peur... C'est justement d'avoir envie de la voir plus souvent...
Les yeux de Kellan s'écarquillèrent légèrement et il se retint de rire pendant qu'un air amusé prit place sur son visage, puis il lança :
— Sérieusement ? Hëna...
— Tais-toi. J'aime juste bien la voir s'énerver.
— Je pensais que tu la détestais.
— C'est le cas.
La jeune fille croisa les bras sur sa poitrine en dévisageant le blond en face d'elle, ancré ses yeux à son regard vert.
— Maintenant va réviser ton vieux monologue et laisse-moi me concentrer, lâcha-t-elle.
— C'est toi qui as accouru vers moi quand tu pouvais plus supporter sa beauté, je te rappelle.
— Arrête, elle n'est même pas belle.
Hëna s'éloigna en traversant les groupes, ignorant tout le monde, et entendit Kellan crier :
— Tu replaces tes cheveux derrière ton oreille quand tu mens, ma chérie !
Dans un soupir, l'étudiante replaça ses mèches correctement avant de fermer les poings fort pour tenter de se calmer. Son regard traversa les coulisses, les rideaux rouges, et les autres élèves, elle étudia leur manière de gérer le trac, ou de se concentrer ; certains tournaient en rond, d'autres fermaient les yeux ou relisaient leur notes un bon nombre de fois, et d'autres discutaient simplement comme si de rien n'était.
Soudain, on demanda le silence, et les premiers participants furent appelés sur scène, chacun leur tour. Hëna écouta alors les prestations, des chansons, des dialogues, des tirades, il y avait un peu de tout, étant donné que c'était entièrement libre.
Lorsque son tour fut venu, Hëna prit une grande inspiration, et épousseta ses vêtements, puis elle se rendit au centre de la scène, où elle observa les jurés ainsi que les anciens participants qui étaient autorisés à s'installer dans le public. On lui donna le feu vert, et elle débuta son monologue en interprétant à la perfection chacune des émotions, parvenant ainsi à émouvoir l'une des juges.
C'est avec le menton levé qu'elle quitta lentement la scène pour rejoindre le public dans l'espoir de voir les autres prestations. Elle passa la matinée à observer des spectacles de chant, danse ou de théâtre, certains ayant un bon niveau, d'autres plutôt moyen. Cela n'était pas cependant considéré comme mauvais, car la pièce de l'année découlait d'un an de cours de théâtre, la plupart des étudiants n'en ont jamais fait quand ils viennent s'inscrire, et c'est ainsi qu'ils peuvent apprendre. Alors Hëna ravala ses années de leçons de théâtre et s'interdit de critiquer les autres, jusqu'à ce qu'elle soit rejointe par Kellan qui passait son temps à faire des remarques lors des prestations. Jusqu'au tour de Pandore, où le silence fut complet, pas un murmure, ni même un courant d'air. Elle avança avec prestance et confiance sur la scène, et s'installa sur le piano amené pour elle.
Une douce mélodie s'entama, qui envouta le public entier, et un frisson parcourut la foule lorsque sa voix s'éleva. L'air se transforma, et tout le monde fut transporté, dans un voyage aux pays des merveilles. Hëna pensa que Pandore était chanceuse qu'il s'agisse d'une comédie musicale et non d'une pièce de théâtre ordinaire.
A la fin de son passage, Pandore leva son regard vers le public, entièrement bouleversé, qui marqua quelques secondes de stupeur.
— Epoustouflant, soupira Kellan en scrutant une réaction sur le visage impassible d'Hëna.
Les applaudissements retentirent, et Hëna enragea. Lorsque la nouvelle star quitta la scène en souriant, Kellan lui fit un signe pour qu'elle les remarque. Pandore vint donc les rejoindre, recoiffant ses cheveux, et avoua :
— Je ne m'attendais pas à réussir aussi bien, j'étais vraiment stressée !
— C'était beau, mais ça ne vaut pas un bon monologue, on peut pas savoir si ton jeu d'acteur est bon.
— Jalouse, lui lança Kellan qui se prit rapidement un coup de coude dans les côtes. Non réellement, tu as été superbe.
— Merci, Kellan. Je dois y aller, profitez bien des derniers spectacles.
Kellan la salua, et Pandore les quitta avec un sourire.
— « Merci Kellan », se moqua Hëna en imitant la voix de sa rivale. Tu vas voir, je vais trouver un moyen de ruiner sa vie.
— T'as que ça à faire...
— Ça va être rapide, et je sais déjà comment m'y prendre.
Elle ne laissa pas le temps à son ami de répliquer et quitta le public.
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Sous le murmure des ombres
FantasyPandore, Hëna, Xan et Orion sont étudiants dans la prestigieuse université Villarian, qui intègre et forme les meilleurs magiciens du pays. La vie y est calme et studieuse, jusqu'à ce qu'une des élèves meurt soudainement. Pandore, pouvoir de la télé...