Chapitre 2 - Xan

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Les matinées de janvier étaient de plus en plus froides. Et humides. Et sombres. Le soleil ne se levait plus, les nuages brouillaient les vues, et des rafales de vent glacé faisaient trembler tous les étudiants. Le mental général de l'université s'éteignait à vue d'œil. Le monde leur criait qu'il fallait disparaître.

Le jour ne s'était même pas encore levé lorsque, un samedi, Orion et Xan s'étaient donnés rendez-vous pour discuter du dernier assassinat qui avait eu lieu. Xan regarda sa montre lorsque sonnèrent les sept heures quarante. Ils étaient censés se voir à trente pour se rendre dans la forêt, mais Orion n'était pas encore là. Iel fit quelques pas, tourna en rond en se frottant les bras, dans le hall de l'internat. Ils avaient choisi cette heure pour être sûrs de ne croiser personne. Malgré ses mouvements, son manteau et la grande écharpe noire qui enroulait son cou, Xan continuait d'avoir froid, et commençait à s'impatienter. Un sursaut le.a prit quand iel entendit les pas d'Orion qui arrivait. Il portait un long manteau marron foncé, et quelques mèches de ses cheveux retombaient sur ses lunettes. Xan ne put retenir un sourire en voyant arriver son ami. Il était temps.

— Ok, sortons, déclara Orion directement, sans même un bonjour.

Non sans un haussement de sourcils, Xan suivit Orion jusqu'à l'extérieur. En marchant de manière précipitée, Orion enfonçait ses mains dans ses poches et récapitula :

— Il faut qu'on parle du meurtrier, qu'on découvre des informations sur son identité, qu'on essaie de trouver l'endroit où il peut se cacher.

— Exactement.

Leurs pas s'entendaient faire craqueler le sol encore endormi et verglacé. Leurs souffles chauds dessinaient des nuages de fumée près de leur visage. Après quelques instants de silence, Xan reprit la parole :

— Mais qu'est-ce qu'on peut savoir ? On ne connaît que la couleur de ses yeux, et l'ancien endroit où il habitait.

— Oui, et c'est pour ça aussi que...

La suite de ses paroles était inatteignable, tant il parla doucement. Xan acquiesça, et se tut. Ils continuèrent de marcher en silence, tout en se dirigeant vers la sortie de l'université.

— La forêt est vaste, reprit Orion. Mais on peut facilement trouver l'endroit où quelqu'un se cache. Si quelqu'un y vit, il y aura forcément de la nourriture, des miettes ou des restes, que sais-je, ou une vague idée de lieu où dormir.

— Tu as raison.

— On va donc fouiller la forêt de fond en comble. Je me demande s'il aurait pu garder la même cachette qu'il avait lorsque nous sommes venus vous chercher, toi et Lucille.

— J'en doute, il aurait préféré la sécurité et trouver un autre endroit, mais on ne perd rien à vérifier...

A part du temps. Ils prirent le temps de refermer derrière eux la grille du portail principal de leur campus, et s'enfoncèrent dans la forêt. Xan n'était pas rassuré.e, et constamment sur ses gardes, se retournant à chaque bruit où craquement. Orion, à l'inverse, s'aventurait comme s'il en avait l'habitude. La forêt était plongée dans l'obscurité à l'exception de leurs lampes torches.

— Ok, il va falloir détendre l'atmosphère, lâcha Orion pour couper le silence.

— On ne risque pas de se faire remarquer si on parle trop ?

— Peu importe, je n'en ai rien à faire, je ne veux juste plus écouter tes pensées stressantes.

— Et bien arrête de les lire !

— Facile à dire, je suis fatigué. Raconte-moi un truc.

Xan fouilla dans son esprit à la recherche de quelque chose à dire. Mais difficile de trouver quelque chose qui n'avait pas été dit, sachant qu'ils passaient la plupart de leur temps ensemble. Iel repensa alors à la veille, et à sa colocataire, et lui raconta sans grande volonté :

— Tu vois Fleur ?

— Oui.

— Eh bien hier soir quand je voulais dormir, elle a fouillé dans son placard pendant une bonne vingtaine de minutes en s'énervant de pas trouver de paire de chaussettes.

— Et elle ne pouvait pas en mettre deux différentes ? s'étonna Orion en se retournant pour faire face à son ami.e.

Xan se retint de rire face à l'expression estomaquée d'Orion, et répondit :

— Je pense qu'elle est un peu maniaque en terme de vêtements... C'est insupportable, surtout quand je veux dormir !

— Tu m'étonnes ! Je suis bien content d'avoir réussi à obtenir une chambre seul !

— Ah tu n'as pas idée à quel point je te jalouse !

— La chance d'être un nombre impair de garçons et d'être l'oublié, le solitaire, ricana Orion.

Ne sachant s'il fallait rire ou ignorer sa remarque, Xan voulut changer de sujet. Mais d'un coup iel se sentit stoppé.e dans sa marche, et manqua de tomber, alertant son ami qui dut s'abaisser pour lui tenir les bras et l'aider à retrouver l'équilibre. Xan fut pris d'une vision, assez floue, montrant le bas de jambes, avec un couteau ensanglanté tombé au sol. Une flaque de sang reposait sur le carrelage. Iel ne put apercevoir qu'une paire de chaussures noire à talons et des chaussettes blanches éclaboussées du liquide carmin, avant de se retrouver de nouveau dans la forêt, clignant plusieurs fois des yeux pour tenter de revenir à la réalité.

— Eh, oh ? Tu m'entends ?

— Oui... Oui, Orion, ça va.

En se remettant droit, Xan retira les mains d'Orion qui lui tenaient les bras. Le regard de son ami était inquiet, comme iel ne l'avait jamais vu chez lui. Pourtant sa surprise et son inquiétude ne laissaient apercevoir aucune forme de peur.

— Ne me dis rien de ce qu'il s'est passé, il se passe trop de choses étranges ici... murmura Orion d'une voix basse.

— Quoi ? demanda Xan qui avait du mal à se remettre de ses émotions.

Soudainement, d'une rapidité à couper le souffle et sans que Xan ne puisse bouger, Orion sortit un couteau qu'il plaça sur le cou de Xan en le poussant jusqu'à un tronc d'arbre jusqu'à l'immobiliser. Iel n'eut pas le temps de réagir, toujours secoué.e par la vision qui venait d'apparaître, et sentit sa respiration s'accélérer sèchement. Malgré l'écharpe, Xan sentit le froid de la lame, et la douleur quand elle s'enfonçait lentement. Son cœur se mit à battre à mille à l'heure, et un regard trahi, déçu, plongea dans les yeux satisfaits et confiants d'Orion.

— Ne. Dis. Rien, murmura-t-il seulement.

Sous le murmure des ombresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant