Chapitre 17 - Pandore

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Quand la nuit tombait, les flocons cherchaient encore à recouvrir le sol, c'était un spectacle magnifique et joyeux qui nous mettait à tous des étoiles dans les yeux. Quel bonheur de voir tant de sourires s'épanouir sur le visage, je vécus cette journée comme une renaissance, où tout le monde pouvait se perdre un peu dans une folie euphorique et bienvenue. J'en avais bien besoin, les dernières semaines avaient été difficiles.

Surtout à cause d'Hëna qui s'était mise à m'ignorer et m'éviter complètement. Je n'avais rien fait et je ne comprenais pas pourquoi elle agissait ainsi. Je me suis forcée alors à rester dans le silence, à admirer Hëna de loin, étrangement, comme je ne l'avais jamais fait. Mêlant colère à désir. Quand elle était assise devant moi en classe, j'observais ses cheveux rouges, et ses mains qui les faisait glisser sur son épaule droite, et son cou à découvert. Je m'imaginais déposer mes lèvres sur sa peau, je m'imaginais sourire en remarquant qu'elle frissonnait à mon contact, je m'imaginais goûter à ses lèvres encore une fois, pour ancrer son goût dans ma mémoire et ne plus jamais l'oublier. Mais en même temps je lui en voulais de me fuir, d'avoir voulu me rendre jalouse en embrassant son ami, même s'il l'avait repoussée, je lui en voulais de tellement de choses, depuis qu'on se connaissait. Et mon cœur passait son temps à se balancer d'un côté à l'autre.

J'avais envie de balayer mon désir d'un revers de main pour tout oublier, et juste retrouver la Hëna rivale que j'avais, qui ne me déconcentrait pas pour mes études et me forçait à la battre. Mais je n'y arrivais pas, même après tout ce qu'elle m'avait fait, j'étais incapable de la détester comme je le faisais avant. Alors je m'étais dit que nous devions en discuter, c'est pourquoi je lui avais fait passer un mot en lui demandant de me rejoindre dans la salle de théâtre à la tombée de la nuit. En espérant qu'elle vienne.

Je tournais alors en rond sur la scène, observant le ciel s'obscurcir et la neige tomber à travers la grande fenêtre. Jusqu'à ce que j'entende la grande porte du public claquer, et je pris une grande inspiration, prête à affronter tous mes sentiments.

— Qu'est-ce que tu veux ? demanda-t-elle en descendant les gradins pour me rejoindre sur la scène.

Je détaillais sa chemise noire au décolleté plongeant dont le tissu avait l'air irrésistiblement doux, et son pantalon taille basse. Elle n'avait pas son sac, ni son manteau. Elle arrivait avec sa démarche fière et confiante et me fixait comme si elle n'avait aucune idée de quoi nous pourrions parler.

— Tu ne sais vraiment pas pourquoi j'aurais pu te demander de me rejoindre ?

— Non, princesse.

— Ne m'appelle pas comme ça.

Elle sourit en s'installant insolemment sur le piano, je me retins de lever les yeux au ciel. Elle était tellement belle, et j'avais tellement envie de l'embrasser... Mais je devais me détacher de cette envie qui me consumait petit à petit.

— J'aurais dû m'en douter, murmurai-je d'une voix si basse que je pensai qu'elle ne m'entendrait pas. Tout ce que tu sais faire c'est être égoïste et blesser les gens.

— Doucement, je n'ai encore rien fait.

— Encore rien fait ? Tu te fous de moi ? m'emportai-je. Des semaines que tu m'ignores, après t'être jetée sur moi à la première occasion. Tu veux que je te rappelle tout ce que tu m'as dit ?

Elle fronça les sourcils, et se leva hâtivement :

— Je t'ignore ? Moi ? Toi non plus tu n'es pas venue me voir, hein, tu me snobes telle la petite princesse que tu es, pourrie gâtée. Tu profites de ta popularité, de ton rôle de première de la classe, et tu n'as plus aucune seconde à m'accorder.

— Oui, bien sûr, c'est de ma faute, lancé-je en exagérant mes acquiescements après avoir lâché un rire faux. Parce que moi j'embrasse mon meilleur ami dans le seul but de te rendre jalouse.

Mes yeux étaient plantés dans les siens, et ma bouche entrouverte, j'attendais avec impatience qu'elle me réponde. Elle se rapprocha dangereusement de moi, pointant son doigt entre mes omoplates, et haussant le ton :

— Tu vois ? Tu penses que tout tourne autour de toi, je ne cherchais pas à te rendre jalouse.

Je pris une grande inspiration en détournant le visage pour m'éviter de crier. Je la détestais de se mentir autant à elle-même. Pourquoi elle ne pouvait pas accepter sa réalité des faits ? Je croisai mes bras sur ma poitrine, et la défiai du regard.

— Ah oui, pourquoi donc as-tu fais ça ? Dis-moi, je t'en prie.

Elle retira son doigt de ma peau et recula légèrement pour attendre ma hauteur de yeux. Puis elle répondit :

— J'avais envie.

— C'est la pire excuse que je n'ai jamais entendue !

— Ce n'est pas une excuse, putain, Pandore.

— Ok, et ton excuse pour m'ignorer tant de temps ?

Retenant un rire nerveux, je la toisais d'un regard dégoûté.

— Ne rends pas ça pire que ça l'est déjà, dis-moi ce que tu veux de moi et je te le donne, si tu veux, capitula-t-elle en fronçant les sourcils.

— Je veux juste que tu sois mâture et honnête.

— Je ne te parle plus parce que ça ne sert à rien, ça nous mène nulle part.

— Sérieusement ?

Le silence tomba. Et tout s'arrêta. Je me figeai et eus froid soudainement, et Hëna se contenta d'acquiescer. J'enrageais.

— Est-ce que tu t'entends quand tu parles ?

Encore une fois.

— Tu es sérieuse ? Tout ça pour ça ?

Le silence. Elle ne bougeait pas, j'avais envie de la frapper ou la secouer pour la réveiller, mais j'étais tellement en colère, je ne fis rien, et lâchai :

— Je te déteste.

Hëna haussa les épaules. Je n'avais jamais compté pour elle, c'était cela, en fait. J'étais une sorte de jeu, et en même pas quelques jours, elle s'était lassée. Une douleur serra mon cœur et mon ventre, je dus me faire violence pour retenir mes larmes. Je ne la laisserai plus apercevoir une once de ma vulnérabilité.

— Je t'ai aimée dans cette vie, Hëna, et je te promets... Je te promets que ça n'arrivera pas dans la prochaine. Plus jamais.

Je vis le visage d'Hëna se décomposer, et elle lâcha tout, elle sembla soudainement essoufflée. Tous ses mensonges, tous ses secrets, c'était comme si elle faisait tout tomber au sol. Mais il était trop tard.

— Attends. Attends, stop.

Je plissais les yeux, quoi qu'elle dise, je ne voulais plus l'entendre, et je commençai à partir. C'était fini, tout était fini, j'avais eu mon déclic.

— Non, Pandore, attends. Ne pars pas.

Je remontais les escaliers, me mordant la lèvre supérieure pour contenir mes larmes, mais la tête haute.

— Attends, je t'en supplie, Pandore, attends-moi, moi aussi je dois te dire des trucs...

Je l'entendais encore dire des choses quand je fis claquer la porte derrière moi. J'avais besoin de courir, ou nager, ou crier, ou chanter... J'étais si en colère, si déçue... Au moins je n'aurai plus ce désir brûlant, remplacé uniquement par une colère qui m'arrachait les tripes. Comment pouvait-elle me faire ça ? Comment avait-elle oser me parler ainsi, comme si je n'étais rien ? J'aurais dû m'y attendre, j'aurais dû savoir qu'elle était égoïste et qu'elle n'en avait rien à faire de comment les autres pouvaient se sentir, et encore moins moi... Elle devait être heureuse de me voir si triste, dévastée, et elle devait même en rire, s'en réjouir, dévorer cette part de moi et grandir ainsi. Elle devait se rendre ivre de ma tristesse, puiser en moi pour me dépasser. C'était tout ce qu'elle voulait au final. Elle ne m'avait jamais appréciée, cherchait seulement à me distraire. Et j'étais tombée dans son piège. Je me haïssais autant qu'elle.

Sous le murmure des ombresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant