Chapitre 7

4 3 0
                                    

Des coups à la porte me réveillent. Je suis encore fatigué, mais je le suis constamment depuis trois jours. Pourtant, je dors jour et nuit, espérant retrouver Andrew dans mes rêves. Pourtant ceux-ci se terminent souvent en cauchemars. Quand je rouvre les yeux, la réalité me rattrape et m'abat, une fois de plus.

Les coups continuent, je m'écrie sans aucune patience :

— Lia ou Antoine, peut-importe, je veux être seule ! Partez !

— Ce n'est pas eux... C'est Marie. J'ai... J'ai besoin de parler avec toi. Je peux entrer ? Ça ne sera pas très long.

Sa voix se brise et mon cœur fait de même. Je me lève immédiatement et part ouvrir la porte à la mère d'Andrew. On s'observe mutuellement quelques instants. Elle est bien habillée et maquillée. Pourtant, je vois bien ces cernes et ses yeux rougis.

Elle me fixe et je remarque enfin ma tenue. Je porte seulement une culotte et une chemise qui appartenait à Andrew. Elle me descend pratiquement aux genoux, mais je me sens assez gênée. Mes cheveux en bataille et mon teint blafard ajoutent au côté tragique de mon maintien.

— Désolé, je ne suis pas habillée pour recevoir, je soupire en me décalant pour la laisser passer. Ni même pour être vue...

— Ce n'est rien. En fait, c'est plutôt normal. J'étais pareil à la mort de mon mari.

Le père d'Andrew est décédé quand celui-ci avait à peine trois ans. Laissant sa femme et son fils seuls. Marie est à présent complètement seule, elle n'a pas la chance d'avoir une famille qui veille sur elle. Pas comme moi. Chassant ma soudaine culpabilité, je l'invite à s'asseoir.

— Après avoir récupéré son corps, commence-t-elle en retenant ses larmes, on est venu me donner les vêtements qu'il portait et ses affaires personnelles.

Elle hésite un instant puis sort un papier plié en quatre taché de sang ainsi qu'un petit écrin.

— Il y avait ça pour toi.

Je la regarde faire sans vraiment comprendre. Elle me tend la boite, attendant que je daigne la prendre. Je finis par l'attraper et l'ouvre lentement. Je me doute de ce qu'il s'y trouve, pourtant, j'ai l'espoir de n'y trouver qu'un collier, un bracelet ou bien une paire de jolies boucles d'oreille.

Mais ce qui se trouve dans la boîte est tout autre chose. Je ne dis plus rien. L'émotion est bien trop grande et les mots me manquent.

— Il comptait te faire sa demande, le soir de votre bal de promo.

— Le soir de sa mort, je complète, le timbre feutré .

— Oui... Lit sa lettre, c'est ce qu'il avait prévu de te dire. Je pense que tu as besoin de lire ces mots.

Sans réellement savoir de quoi il s'agit, j'acquiesce.

— D'accord. Merci, merci beaucoup.

Elle se lève déjà pour repartir et je la raccompagne. Elle se retourne une dernière fois :

—Tu feras un discours demain ?

— Je ne pense pas... Je pensais que vous le feriez.

— J'en ferai sans doute un petit, mais j'aurai aimé que tu prononces quelques mots. Tu comptais tellement pour lui, et il comptait beaucoup pour toi.

— Je ne sais pas si j'y arriverai, avoué-je.

— Tu as une force en toi. On en a tous une. Tu te relèveras, tu y arriveras. Peut-être que demain, ce sera compliqué. Mais tu vas surmonter ça et parler. Pour lui. Peut-être que pendant des jours tu ne seras plus vraiment toi mais un jour, tu y arriveras, tu te relèveras et continueras ta vie. Ça fait toujours mal mais on s'y habitue.

— Mais comment on fait pour faire comme si de rien était ? je demande sans comprendre comment je pourrais un jour aller mieux. Je ne veux pas oublier.

— On n'oublie pas. On apprend simplement à avancer sans s'effondrer. On apprend à vivre sans l'autre.

Malgré son beau discours, je l'entends murmurer :

— Pourtant je ne sais pas si j'y arriverai cette fois-ci.

Elle me serre dans ses bras et je lui rends vaguement son étreinte. Elle repart et je retourne dans ma chambre. Je récupère l'écrin ainsi que le bout de papier. Je me pose sur mon lit, prend une grande inspiration et déplis proprement le discours :

Chère Eléanore,

Tout d'abord, ne panique pas. Je sais que tu n'es pas prête à te marier et cette demande est principalement symbolique. Ce soir, dans cet établissement où nous nous sommes vus pour la première fois, dans cette bibliothèque où nous avons échangé notre première conversation et notre premier baiser, je te fais une promesse.

Celle d'être toujours là pour toi, de te soutenir dans tous les projets et tous les rôles (souveraine, femme, et peut-être même un jour mère de nos enfants).

Ce soir, si tu dis oui, cela t'engage seulement à ce qu'on continue ensemble cette aventure. Un jour, j'en suis persuadé, nous nous marierons mais seulement quand tu le souhaiteras.

Je sais que tu t'obliges à endosser un rôle que tu ne souhaites pas avoir pour tes parents et ton petit frère. Alors, cette bague ne te condamne pas, elle est simplement le reflet de mon amour pour toi et le signe de mon envie de vivre un avenir commun...

Alors, je te le demande :

Eléanore Grace De Bourbon, veux-tu m'épouser ?

A présent, mes larmes coulent à flot. Ce sont les mots que j'ai toujours voulu qu'on me dise. Mais les recevoir de cette manière, dans ces conditions, c'est horrible. De toutes les manières possibles.

Elle me rappelle tous nos projets d'avenir. Elle me rappelle que nous avions un avenir, un futur que nous comptions partager. Je ne vois pas comment il serait possible, ne serait-ce que d'imaginer, un lendemain maintenant qu'il n'est plus là.

La piqûre de rappel me ramène aussi à la façon dont il me comprenait, dont il savait toujours comment me réconforter. Il trouvait toujours les bons mots. Il prenait soin de moi, voyait toujours quand ça n'allait pas alors que ça échappait à tout le monde. A présent, plus personne sur cette terre ne me comprend entièrement et mon cœur saigne.

Je rouvre l'écrin et observe plus attentivement la bague. Argentée, une pierre du même bleu que mes yeux en son centre, elle est simple et discrète. Parfaite.

Je l'essaye, elle est faite pour mon doigt. Je fixe ma main, un triste sourire sur le visage. J'ai l'impression que ce n'est qu'un mirage, un rêve, un cauchemar.


Monarchie & AnarchieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant