Chapitre 37

2 1 0
                                    

« Ils détruisent tous ce qu'ils touchent »

— Eléanore ! Où est-ce que tu vas ?

J'avance, enfermée dans mon mutisme. Mes yeux me piquent, je vais craquer.

— Eléanore !

Dès que j'arrive dans l'herbe derrière l'église, cachée du regard des autres, je m'effondre. Je craque complètement.

— Eléanore ?

Il semble aussi désemparé que je l'étais dans l'église.

« Regarder ce qu'est devenu son dernier amant »

« Amant »

« Vous n'êtes pas la bienvenue ici »

La façon dont il a prononcé tous ces mots, je me sens vide. Vide de toute énergie, de toute envie, de toute existence.

Qu'est-ce que j'ai fait ?

Qu'est-ce qu'ils ont fait ?

Qu'est-ce qu'on a fait ?

Repliée sur moi-même, je tente de reprendre le contrôle. Mais comment reprendre un contrôle que je n'ai jamais eu ?

Les larmes coulent d'elles-mêmes, je ne peux les arrêter.

Je pleure de tristesse.

Je pleure de frustration en pensant à ma minable réaction face à ce prêtre.

Je pleure de colère envers les paroles qu'il a prononcé.

Je pleure de désespoir que Jason me voit une fois de plus craquer.

Mais je ne m'effondre pas. Si je m'effondrai, jamais je ne me relèverai.

Cependant me calmer est assez difficile avec ce regard inquisiteur que Jason a sur moi.

— Tu ne veux pas retourner dans la voiture ? m'interroge-t-il.

Je lève des yeux fatigués sur lui.

— Tu y sera plus à l'aise pour pleurer.

Je ris jaune. Il est sérieux ?

Je me reconcentre sur moi, prends trois grandes inspirations et me relève. Je contourne l'église en essuyant mes larmes. Jason me suit de près.

— Tu ne leur dis rien, ordonné-je le ton ferme.

— Ils ne te jugeraient pas, tu sais.

— Bien sûr que non. Mais ils ne doivent pas s'inquiéter.

— Qui t'as appris que cacher ta détresse aux autres aller t'aider ou les rassurer ?

Pour toute réponse, je soupire.

— Ce n'est pas parce que tu ne leur dis pas que tu ne vas pas bien qu'ils ne le voient pas. Ils ne peuvent pas t'aider si tu ne leur confie rien.

— Je ne t'ai rien demandé, donc je ne veux pas entendre tes conseils. Tu ne me connais pas.

On arrive dans la voiture, et je claque la portière en entrant, lui signifiant clairement que la conversation est terminée.

Face au bruit, Antoine ouvre un œil puis se rendort.

Jason allume la voiture et nous reprenons la route. Au bout de quelques minutes, nous passons sous un pont où sont tagués des insultes envers la monarchie. Je tente de les lire mais Jason le remarque et accélère, bien au-dessus de la limite de vitesse autorisée.

— Mais ça va pas ?

— Tu ne dois pas lire ça, souffle-t-il pour seule réponse.

— Et toi, tu ne dois pas aller aussi vite. Tu veux qu'on finisse tous morts ou quoi ?

Je me renfonce dans mon siège, même s'il a accéléré, j'ai eu le temps de lire certaines des nombreuses insultes taguées sous ce pont.

Après le vlog, le prêtre et le pont, je me rends compte de toute la haine envers la famille royale, ma famille. Je savais que beaucoup étaient anti-monarchie, mais je ne pensais pas qu'il y avait autant de haine.

Jason retourne ensuite sur l'autoroute, me faisant comprendre qu'il préfère rester coincé dans les bouchons pendant des heures que de continuer à rouler dans ces rues où tout le monde veut ma mort. Les embouteillages ne tardent d'ailleurs pas à pointer le bout de leur nez. Ne voulant pas être seule avec mes pensées, je sors ma tablette. Louisa m'a envoyé tous les dossiers sur lesquels je dois travailler et m'informer. Il m'en manque tout de même quelques-uns, les dossiers les plus sensibles étant en papier et ne pouvant pas être envoyé. Trop de piratages ont lieu pour que ce soit sûr.

Je regarde l'emploi du temps qu'on m'a préparé pour la semaine prochaine. Dès demain, je reprends les grosses journées. Ma mère a beau s'être remise, elle veut que je passe encore plus de temps qu'avant avec eux pour mieux me transmettre les ficelles du métier.

Deux jours de ma semaine sont donc consacrés seulement à ça. Deux autres, sont consacrés à la préparation de mon bal d'anniversaire. Le dernier jour ne sera pas de tout repos non plus, puisqu'il est prévu que je mène une réunion avec tous les conseillers.

Le week-end, je dois aller avec Lia puis avec Antoine pour visiter leurs futurs appartements, quand ils seront à l'université. Je ne veux pas qu'ils partent. Je ne veux pas les perdre.

Je passe le reste du trajet à préparer ma semaine et je m'arrête quand les deux dormeurs se réveillent enfin. Dans le même temps, nous arrivons enfin à Paris. Je regarde les rues que je connais par cœur comme si je les découvrais. Après avoir vu ces villages, je ne peux m'empêcher de comparer.

L'allée du château me semble encore plus grande que d'habitude et je compte les minutes avant d' enfin pouvoir me poser dans ma chambre. Jason se gare et des employés se ruent directement vers nous pour décharger nos affaires.

— Ces deux valises restent dans la voiture, informe Lia.

Elle se tourne vers moi puis ajoute :

— On se retrouve plus tard ? Je suis épuisée, je préfère rentrer chez moi.

— T'as dormi tout le trajet, rigolé-je

— Mais ça ne rattrape pas une nuit de quelques heures.

— On se demande ce que t'as fait de ta nuit, rétorque son frère.

Antoine devient rouge tomate et Lia se contente de souffler en remontant dans la voiture. Celle-ci ne tarde d'ailleurs pas à redémarrer et Lia et Jason retournent chez eux.

Je rentre dans le château et je suis contente de retrouver la climatisation. Rien que le peu de temps qu'on vient de passer dehors m'a brulé la peau.


Monarchie & AnarchieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant