Chapitre 34

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Le lendemain, je suis réveillée par Eadlin qui saute sur notre lit. Lia se contente de râler en se tournant et je décide de me lever pour m'occuper de ma petite sœur.

— Tu ne dors plus ?

— Non, et tout le monde dort ! Même Thomas.

Je lui prépare un petit déjeuner pendant qu'elle divague sur ce qu'elle aimerait faire durant ces vacances. Très vite, nous sommes rejoints par le reste de la maisonnée Nous passons la journée ensemble et les jours suivants se ressemblent : balades, baignades, rigolades, glaces. Nous passons tout notre temps entre nous, tous les huit. Nos soirées sont animées de jeux, de sourires et de fêtes.

Ce soir, c'est notre dernière soirée ici. Notre dernier moment de détente. Quand nous retournerons à Paris, Lia et Antoine prépareront leurs affaires pour aller s'installer dans leurs appartements, l'heure des aurevoirs arrivera et je me retrouverai seule dans le château, pour étudier.

Je chasse ses pensées en enfilant une robe d'été légère par-dessus mon maillot de bain. Je mets mes chaussures et descends retrouver les autres.

— On attend Lia ?

— Comme toujours, me répond mon frère.

Au bout d'un quart d'heure elle descend enfin et nous pouvons y aller. Le vent souffle fort ce soir. Pourtant, je ne frissonne pas, l'air est chaud et plutôt lourd, annonçant une pluie prochaine. On rentre dans la voiture et Jason prend le volant.

Quand il se gare, j'aperçois la foule qu'il y a et j'ai soudain une boule au ventre. A part pour la première soirée de nos vacances, il n'y avait jamais trop de monde. Tant de choses pourraient mal tourner. Lia semble capter mon regard inquiet car elle m'explique :

— C'est la dernière fête de l'été. Le dernier feu de camp. C'est toujours un grand évènement, alors, tout le monde vient.

Je reste quelques secondes de trop dans la voiture et c'est Antoine qui me force à sortir :

— Aller, ce n'est qu'une soirée.

Je prends une grande inspiration et sors enfin. J'observe les environs, apeurée par la foule. J'ai toujours vécu dans ma petite bulle. Même dans mon lycée, alors qu'on était presque deux mille, je restais seulement avec un groupe restreint.

J'ai appris à faire ça depuis mon enfance, quand j'ai compris que les gens ne voudraient pas toujours mon bien. Parfois, ils sont là pour la popularité, pour l'argent ou bien pour se servir de moi. Et les pires cas sont toujours ceux qui sont là pour les secrets. Tenter de déterrer les secrets de la famille royale. Tout ça n'aide pas à donner sa confiance facilement alors, je sais qu'au moins trois personnes dans cette soirée tenteront de m'impressionner, de m'approcher ou d'obtenir quelque chose de ma part.

Je m'avance dans le rassemblement en suivant mes amis. Ils se dirigent directement vers le stand des boissons mais seulement Antoine et Lia se servent. Jason me lance un regard interrogateur mais je me contente de détourner les yeux. Je ne boirais pas ce soir, il y a trop de monde pour que je le fasse en sécurité.

A peine une demi-heure après notre arrivée, nous sommes dans l'eau. Lia s'approche, et faisant semblant de tomber, m'éclabousse. Pour me défendre, je lance de l'eau, mais avec le sel dans mes yeux, je ne vois pas qui je vise et je comprends que je me suis trompée quand la voix de mon frère résonne :

— Sérieux ? Eléa !

Je ris face à sa réaction et cela prend très vite des dimensions démesurées. Nous nous lançons dans une bataille d'eau, d'autres à nos coté se joignent à nous et très vite, plus aucun de nous n'est sain et sauf.

La pluie que j'attendais tombe enfin, et j'observe les gouttes d'eau se mélanger à celles de la mer.

Nous continuons à nous amuser dans l'eau un bon moment puis sortons. La pluie bat toujours son plein, et le feu de camp n'est plus qu'un lointain souvenir.

Lia et Antoine se joignent directement aux autres pour danser mais je ne veux toujours pas y aller. Jason arrive derrière moi, me faisant sursauter.

— Tiens, souffle-t-il en me tendant un verre. On s'éloigne un peu ?

Je le suis en hésitant à prendre le verre.

— Aller, ce sera ton premier verre de la soirée, il ne t'arrivera rien. Un verre ne te fera rien.

Je finis par accepter mais ne boit pas tout de suite. On marche au bord de l'eau dans un silence complet. On s'éloigne tant du centre du camp que seules les basses de la musique retentissent encore.

De temps à autre, nous croisons quelques couples s'étant éloignés de la foule, quelques groupes d'amis dans l'eau.

Au bout de dix minutes de marche, je le stoppe et m'assois dans le sable, les pieds dans l'eau.

Un léger air de déjà-vu.

Jason ne s'assoit pas et rompt enfin ce silence.

— Tu sais, ton frère m'a dit que tu ne dansais plus. Et j'ai remarqué que durant toutes les fêtes où on est allés ces deux dernières semaines, tu as toujours trouvé des excuses.

Je ne réponds pas. Ce n'était pas une question et je n'ai rien à ajouter. Le calme nous entoure de nouveau.

Je le sens soupirer à mes côtés. Les gouttes d'eau s'écrasent sur mes cheveux, mes épaules. Elles coulent le long de mes bras tandis que je les entoure autour de mes genoux remontés.

— Eléanore, plus tu restes sans danser, moins tu y arriveras.

— Mais il pleut.

— Mauvaise excuse. Regarde là-bas, tout le monde danse malgré la pluie.

— Je ne veux pas danser.

— Et moi je veux que tu danses, sourit-il. Tu me connais, j'obtiens toujours ce que je veux.

Je reste dans la même position, sans bouger d'un pouce. Une des raisons pour lesquelles on s'entend si peu bien, c'est qu'on est tous les deux têtus, que l'on ne veut jamais renoncer. Alors cette situation pourrait durer toute la nuit.

— Notre trêve se termine demain, dès que l'on pose un pied au château, alors profite de ma gentillesse et viens danser.

Je ne réponds pas, les yeux fixés sur le liquide dans mon verre. Je m'apprête à boire une autre gorgée quand il se penche vers moi et me l'arrache des mains. Il le pose sur le sable, prends ma main et m'oblige à me lever.

— M'accordes-tu cette danse ?

— Non.

— Allez, s'il te plait. Personne ne te voit. Ça ne fait rien que tu danses, personne ne le saura. Je ne dirais rien.

Mais il ne comprend pas. Je me fiche que les gens me voient danser, mais j'apporte la mort avec mes danses. Je ne veux pas danser avec quelqu'un d'autre qu'Andrew. C'est le seul avec qui je veux danser et il n'est plus là. Je ne veux pas le remplacer. Je ne veux pas que quelqu'un prenne sa place.

Mais je ne veux pas dire tout ça à Jason. Je ne le peux pas. Je tente de partir mais il me retient par le bras.

— Une danse. Et je te laisse tranquille. Promis.

Je ne bouge pas, n'esquisse aucun geste, mais n'accepte pas pour autant.

— Une danse, une seule. S'il te plait.

Je me tourne, prête à refuser. Pourtant une chose me retient. Pour une fois, il me semble sincère. Je puise une force au plus profond de moi et souffle.

— Une seule. Et pas de slow.


Monarchie & AnarchieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant