Chapitre 13

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Je me lève et me regarde dans le miroir. J'ai rarement mis cette tenue, elle me vieillit de plusieurs années. A présent, c'est ce dont j'ai besoin. Je veux que l'on me considère comme la future régente de ce pays et non comme cette futile princesse, jeune et innocente. Lia m'accompagne jusqu'au salon et se place dans un coin. On me prend en photo dès mon arrivée. Mes parents sont déjà installés sur un canapé. Près d'eux, deux fauteuils sont positionnés face à face.

Le journaliste se lève et vient me serrer la main avant de m'inviter à m'asseoir sur le fauteuil libre, comme si l'on n'était pas dans ma propre maison.

On m'installe un micro, puis on me demande si je suis prête. Je jette un coup d'œil vers mes parents : ma mère fixe sérieusement les caméras et mon père me sourit fébrilement. Je cherche alors du soutien auprès de Lia qui me tend ses deux pouces pour me souhaiter bonne chance. Antoine, lui, croise les doigts. J'aperçois Jason arriver derrière eux mais n'y prête pas attention.

— C'est bon, je suis prête.

La lumière de la caméra se met à clignoter et dès qu'on nous fait signe, le journaliste entame :

— Bonjour à toutes et à tous. Aujourd'hui, nous sommes avec la famille royale suite aux récents événements. Nous retrouvons donc la reine et le roi, ainsi que leur fille aînée, notre future reine, Eléanore.

La caméra se tourne vers moi tandis qu'il me salue. Je respire un grand coup.

— Bonjour M. Martin.

— Alors, Eléanore, comment vas-tu suite à cette dernière semaine ?

— Mademoiselle, je vous prie. Nous ne sommes pas assez proches.

Cela est souvent interprété comme une manière de me mettre en valeur, pourtant, je fais ça pour que les gens me respectent. Les journalistes, surtout ceux dans son genre, pensent que m'appeler par mon prénom me fera me sentir à l'aise, pourtant c'est tout le contraire. En me tutoyant, il m'infériorise. Je pense que ce qui m'insupporte le plus est qu'aucun d'eux ne se permettrait cela si j'étais reine et que personne ne se le permet avec ma mère. Puisque je suis encore jeune, ils pensent que je suis naïve. En revanche, selon ma mère et les conseillers royaux, cela me rend froide aux yeux du peuple.

Je sens que la soirée va être longue, si l'interview commence comme ça. La suite me plait rarement avec ce genre de début, alors je vais sûrement finir par réciter les jolies répliques que m'a préparé ma mère, en tentant d'y mettre la parfaite dose d'émotions.

— Mademoiselle, reprends plus formellement le journaliste, renfrogné. Comment se sont passées pour vous cette dernière semaine ?

— Plutôt mal. Après tout, mon fiancé est mort.

— Oui, comme on dit, lentement mais sûrement.

Je marque un temps de pause et quand je réalise ce qu'il a dit, je prends sur moi pour ne rien répliquer. Lentement... ça ne fait qu'une semaine, c'est plutôt ce que j'appelle du rapide.

— Comme vous dites...

— D'ailleurs, vous dites votre fiancé, mais, ce n'était que votre petit-ami.

La façon dont il prononce le « que » me donne des frissons. Non, Andrew n'était pas que mon petit-ami et le réduire à ça, c'est bafoué sa mémoire. Je regarde la bague à mon doigt avant de répondre.

— En fait si, nous étions fiancé. Enfin presque. Il allait me faire sa demande le soir où il a été assassiné.

— Oh, mais donc vous ne vous êtes jamais réellement fiancé ? Veuillez excusez mon indiscrétion, mais j'essaye simplement de comprendre.

Monarchie & AnarchieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant