Chapitre 36

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Les heures dans la voiture sont longues. Pourtant, je ne m'ennuie pas. Mon esprit ne m'en laisse pas la possibilité. Je ne m'étais pas rendu compte du stress et de l'angoisse qui me submergeaient au château jusqu'à ce que je le quitte. Les vacances n'ont duré que quinze jours mais j'ai l'impression d'y être resté une éternité.

J'aimerais y rester une éternité. Ne jamais rentrer au château, laisser l'angoisse, les mauvais souvenirs, les cauchemars derrière moi. Et pouvoir enfin développer une version de moi qui serait entièrement mienne.

Mon cerveau ne veut pas faire de pause et continue de me torturer avec toutes les choses que je devrais faire en rentrant. Tant de choses en à peine un peu plus d'une semaine. Cependant, je préfère avoir un emploi du temps surchargé, il m'empêche de penser à tous ces souvenirs que je tends tant à éviter.

Je me repose contre la vitre en essayant de faire taire mes pensées. Seulement, elles ne font que s'amplifier, ce qui a le même effet sur mon angoisse.

Alors j'essaye de centrer mes pensées sur un point. Ces deux dernières semaines ont été géniales. Donc je repense à nos baignades, nos rigolades, nos jeux, nos chamailleries, les feux de camp, les fêtes à la plage, les soirées avec tout le monde, les sorties avec les jumeaux, le vélo sur les quais. Je repense aussi à hier soir. Antoine et Lia, ma danse avec Jason.

J'ai redansé. Avec Jason.

J'ai dansé. Sans Andrew.

J'ai trahi Andrew.

Mon cœur reprend un rythme anormal et mon anxiété revient de plus belle. Jusque-là, je pensais que mon angoisse de redanser était dû au fait que ma dernière danse avait été pour Andrew. Et ça l'était, en partie. Mais maintenant je comprends que ça va plus loin que ça. S'il avait été encore là, on se serait fiancé et toutes mes danses auraient été pour lui. Partager une danse avec quelqu'un d'autre que lui, c'est comme si je passais à autre chose, que je l'oubliais.

Jamais je ne pourrais l'oublier.

Jamais je n'aurai pensé, il y a quelques mois, que le plus compliqué serait la peur de l'oublier.

Je sens une larme me couler sur la joue, je l'efface rapidement. Si personne ne la voit, la tristesse n'est que passagère. Si personne ne la voit, elle n'existe pas.

J'ai le cœur lourd. C'est une expression étrange. Littéralement, je dirai que j'ai le cœur léger, après tout, il m'en manque une partie.

Avoir le cœur léger, c'est ne pas avoir de soucis, être heureuse.

Ce que je ne suis pas. Et que je ne serais jamais.

Mes propres mots me font mal, mes propres pensées me torturent, alors comment suis-je censé aller bien, quand la seule personne qui me le permettait, n'est plus là pour me faire oublier tous mes tourments.

Jason donne un coup de frein brutal et je dois me tenir. Je rouvre les yeux, paniquée. Au moins, je ne suis plus seule avec mes pensées.

— Mais ça va pas ? j'hurle en me redressant et en fusillant Jason du regard. Qu'est-ce qui se passe ?

— C'est pas ma faute, la voiture devant a freiné comme un dingue.

Mon cœur ne s'étant toujours pas remis de cette peur soudaine, je tourne la tête pour observer la scène devant moi. Il n'y a pas de bouchons mais ça ne devrait tarder, au vu de l'accident annoncé par des écrans projecteurs devant nous.

— Tu peux nous trouver une autre route ? me demande Jason. Les voitures automatiques s'en foutent peut-être d'être coincé des heures dans les bouchons mais je n'ai pas que ça à faire.

Monarchie & AnarchieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant