Monarchie & Anarchie

Chapitre 8

Une journée de plus sans sortir de ma chambre. Lia et Antoine sont rapidement passé mais je suis surtout restée seule. Seule avec mes pensées et mes peines.

Je tente depuis l'aube d'écrire un discours pour l'enterrement, mais je ne trouve pas les mots. Comment décrire un homme si parfait, attentionné, prévenant.

Minuit sonne et mon ventre se met à grogner. L'idée de faire venir à manger dans ma chambre est tentante mais je repense à Marie. Elle est toute seule alors que moi j'ai mon frère, Lia et même Jason, aussi étrange que cela puisse être.

Chaque jour, je les entends rire et discuter dans le petit salon, attendant que je sorte. Il est peut-être temps que je les rejoigne. Rassemblant le peu d'énergie qu'il me reste, je me couvre à l'aide d'une robe de chambre, enfile des chaussons et me dirige vers le salon. Doucement, je pousse la lourde porte de bois et me retrouve face à une pièce vide. Prenant le temps d'écouter les bruits qui me parviennent, je me rends compte que l'étage est vide. Déçue d'être coupée dans cette si petite action qui m'a pourtant demandé tant de force, je commence à descendre vers la cuisine. Je rationalise, me disant qu'il est normal qu'ils ne soient pas là jour et nuit. Surtout que ça va faire quatre jours.

Arrivée en bas du grand escalier de marbre, des exclamations me parviennent. Je regarde en direction de la salle à manger. Un des battants de la porte est ouvert et mes amis sont assis entourés de boissons et de sucreries. Je tente de passer comme si rien n'était, oubliant totalement ma résolution. J'aurais pourtant dû me douter qu'au moins l'un d'entre eux me remarquerait.

— Eléanore ! On t'a vu, tu sais.

Lia a prononcé ses mots sur un ton si doux, que je connais déjà la suite. Elle ne tarde d'ailleurs pas à venir quand elle me montre une chaise vide et m'invite à les rejoindre. J'hésite quelques instants. Je venais pour les voir, pourtant maintenant que je suis à côté, je me sens de trop, comme une intruse dans ma propre maison.

— Regarde, m'incite Lia en agitant un paquet de chips. On a de quoi grignoter en plus.

Je cède finalement et les rejoints.

— Tu m'attires avec de la bouffe maintenant ?

— Evidemment, rigole-t-elle. Ça marche toujours.

Je souris, appréciant le fait qu'ils ne me fassent aucune remarque et qu'ils acceptent simplement que je ne sorte que maintenant. Même Jason qui a l'occasion parfaite de me faire des remarques ne dit rien. Il tire simplement la chaise près de lui pour que je puisse m'asseoir dans le groupe.

— Vous parliez de quoi ?

— Elise et Jason, répond aussitôt Lia.

— Oh ! J'ai raté quoi ?

Je tente de prendre un ton enjoué même si mon esprit dérive et trouve cette conversation futile.

— Rien ! nous coupe Jason

— C'est faux, déclare Lia. Je vais tout t'expliquer.

Nous parlons ainsi pendant plusieurs heures, passant de l'avancée des romances de Jason, à des discussions sans grandes ambitions. Toutefois, ça fait du bien d'être entourée et de pouvoir discuter de tout et de rien.

La bague à mon doigt me semble en trop et je la tourne, plongée dans mes pensées. Je sens alors le regard de mon frère sur moi. Je relève la tête et ses yeux se posent sur ma main. Sans prononcer un mot, il m'interroge. Je détourne alors mon attention et il comprend que je ne veux pas en parler.

Petit à petit, nous commençons tous à bailler et nous partons nous coucher. A notre étage, je regarde Antoine et lui demande, d'une voix très faible :

— Tu peux dormir avec moi ? Je ne veux pas dormir seule ce soir avec l'enterrement demain. Et je ne veux pas déranger Lia une nuit de plus. Mais si...

— Oui, me coupe-t-il, je dors avec toi cette nuit.

Nous nous installons et je pose la bague à côté de mes lunettes, comme si je risquais de l'abîmer. Antoine me souffle simplement :

— Tu veux en parler ?

— Pas vraiment.

— D'accord. Bonne nuit alors, à demain.

— Bonne nuit.