Chapitre 18

7 3 0
                                        

Quand il ouvre la bouche, je sens la leçon de morale arrivée mais je n'ai qu'une envie, lui dire de la fermer. Il n'a rien à me dire. Il ne comprend pas ce que je vis, il ne peut pas le comprendre. Je sais que je ne suis pas la seule à vivre un deuil, mais ce n'est pas lui qui pourra me comprendre. Je le laisse me sermonner alors que j'enlève mes talons et que je me recroqueville sur moi-même.

Un de mes gardes du corps est là. C'est lui qui conduit. J'espère qu'il n'alertera pas mes parents, je tenterais de le convaincre.

— Non mais qu'est ce qui t'as pris ! Tu n'as pas rompu, oh ! Tu ne peux pas tourner la page en sautant sur le premier mec qui veut de toi ! De toi ou de ta couronne.

— Hé, tente de calmer Lia. Jason !

Toutes ces choses qu'il me dit comme si je ne le savais pas.

— Ok, tu as perdu ton Andrew mais ça fait deux semaines que tu pleures sur ton pauvre sort. Mais sors de ta bulle, putain ! Tu vas devenir reine ! Tu as la vie dont tout le monde rêve. Tu te crois au-dessus de tout le monde, mais tu n'es RIEN. Tu avais eu de la chance de trouver Andrew, car c'est bien le seul qui voudra de toi et non de ta couronne, vu ce que tu proposes.

Je me tourne du côté de la fenêtre ne souhaitant pas le voir. Mes yeux me piquent mais je ne veux pas craquer. Malgré toutes les insultes qu'il m'a déjà envoyé à la figure, celles-ci font mal différemment. D'habitude, il insulte ma famille, mes compétences. Jusque-là, il n'avait jamais dépassé cette limite. Jamais il ne s'était permis de me critiquer moi ou ma façon d'être.

On ne va pas se mentir, ces questions je me les suis déjà posées des milliers de fois. Est-ce que je méritais Andrew ? Suis-je assez bien ? Peut-être que si j'abdiquait, le monde s'en porterait mieux. Peut-être que si ce n'était pas moi la future reine, le pays ne serait pas à feu et à sang. Peut-être que si j'étais meilleure, que je travaillais plus, que j'étais plus intelligente, tout irait mieux.

Toutes ces interrogations qui me donnent la migraine. Ces questions que je me pose chaque jour, ces pensées qui m'empêchent de profiter des meilleurs moments de ma vie. Jason n'a pas le droit d'arriver, la bouche en cœur, et de me rabaisser comme si je n'étais rien. Comme si de toute façon, peu importe ce qu'il dit, je ne dois que sourire et jouer à la parfaite princesse.

Comme s'il n'en avait pas assez dit, Jason ajoute :

— Andrew est peut-être mieux là où il est finalement. Au moins, il n'a plus à te supporter chaque jour.

Je me retourne brusquement et le regarde dans les yeux. Pas une once de regret ne traverse ses pupilles.

Je repense une dernière fois à ces odieuses paroles, me redresse légèrement, et le gifle. Le son de ma paume claquant contre la peau de sa joue résonne dans la voiture. Un léger silence s'en suit et Jason ne rajoute rien.

Qui a dit que la violence ne résolvait rien ?

Lia assène :

— Tu l'as mérité celle-là.

Une marque rouge se forme doucement sur sa joue.

Si je m'écoutais, je lui en mettrais encore une bonne dizaine.

Les dernières minutes de trajet se passent dans une atmosphère pesante. Quand la voiture s'arrête enfin, je remets mes talons et tente de sortir de la voiture. Je galère, sûrement à cause de la quantité d'alcool dans mon sang. Je ne sais pas comment Jason trouve qu'il est judicieux d'ajouter :

— Rêve pas, je ne te porterais pas.

Je m'apprête à répondre mais Lia me devance. Elle le fusille du regard et le prévient :

— Si tu ne veux pas que ton autre joue vire au rouge, tu sors et tu la fermes. Tu en as assez fait pour aujourd'hui.

Avant de rentrer, je précise :

— Lia, tu peux toujours dormir ici ce soir si tu veux. Jason, tu n'as qu'à rentrer chez toi. Ou dors dehors. Fais ce que tu veux, mais tu n'es absolument pas le bienvenu dans le château.

J'aperçois Jason tenter de me suivre mais mon garde du corps l'en empêche, lui conseillant d'écouter ce que j'ai dit.

Je monte difficilement les quelques marches qui mènent au hall d'entrée, et, au lieu d'aller dans ma chambre, je me dirige vers la cuisine. Je ne suis pas sûre qu'Olivier y soit encore mais sait-on jamais. J'ai envie d'être avec d'autres gens que ceux qui se pensent tout permis. Permis de tout dire comme si ça ne touchait pas.

Lia m'appelle mais je lui fais signe de me laisser tranquille.


Monarchie & AnarchieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant