Chapitre 6

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Aliona, concentre-toi, je viens de manger ta dame.

La voix grave et familière de mon père résonna en moi, me faisant sortir de ma rêverie. Il m'avait proposé de jouer aux échecs, mais je n'arrêtais pas de perdre, perdue dans la contemplation de la pluie battant son plein pendant le coucher de soleil. Je ne pouvais pas détacher mes yeux de ce spectacle éblouissant.

Qu'est-ce qu'il t'arrive, ma puce ?

J'aimerais aller dehors pour sentir la pluie.

On ne peut pas, je suis désolé. Tu veux qu'on s'arrête pour regarder ?

Non, je ne voulais pas juste regarder. Je voulais sentir l'eau sur mon corps, je voulais voir ce que ça faisait. Regarder, je l'avais déjà fait des milliards de fois.

Non, c'est bon. Désolée.

Je me reconcentrai sur le jeu. Mon père avait toujours été un joueur hors-pair. C'était lui qui m'avait appris à jouer lorsque j'avais huit ans. Depuis, c'était devenu notre truc à nous.

J'adorais tous ces moments passés avec mon paternel, mais je commençais à perdre patience à force de perdre et la fatigue pointait le bout de son nez.

Allez, ma puce, on finit notre partie, déclara-t-il pour me motiver en me souriant d'une manière encourageante.

Je fis avancer mon cavalier pour manger l'un de ses pions. Au moins, cela en faisait un de moins... Ce dernier fit semblant d'être outré et cela me fit rire. Mon visage enfantin était rayonnant d'un bonheur et d'une innocence qui semblaient invincibles.

Echec, jubila le roi en se levant de sa chaise et en dansant de manière exagérée autour de mon fauteuil en velours.

Je fis la moue lorsque je me rendis compte qu'il m'avait encore piégée. Quoi que je fasse, mon roi allait forcément se faire manger par quelqu'un et j'allais perdre.

C'est pas juste, tu gagnes toujours !

Mon père rigola et me fit signe de le rejoindre sur son fauteuil. Je grimpai sur ses genoux et il passa une main sur une des mèches rebelles de mes cheveux noirs pour la repousser derrière mon oreille.

Ma petite princesse, il faut savoir être patiente dans la vie. Un jour, tu me battras sans aucune difficulté.

Quand ça ? Je veux gagner maintenant !

Aliona, tu ne peux pas toujours gagner. Parfois, il faut accepter ses échecs et tirer des leçons de ses erreurs.

Mais toi, tu ne fais jamais aucune erreur, ripostai-je en croisant les bras sur ma poitrine d'une manière boudeuse.

Tout le monde en fait. Personne n'est parfait. Si les gens l'étaient, tout le monde s'ennuierait. Ce sont tes erreurs qui te font grandir et avancer. C'est en te trompant que tu apprends le plus.

A mes yeux d'enfants de dix ans, mon père et ma mère étaient les deux personnes les plus parfaites que la Terre ait jamais portées et cet endroit rempli de rire et de paix était mon paradis endorace.

Lorsque je descendis des genoux de mon père, un bruit sec se fit entendre de l'autre côté de la porte et me fit sursauter. Un cri à déchirer les tympans suivit, détruisant la bulle de quiétude dans laquelle nous nous étions enfermés.

La porte du salon privé s'ouvrit avec fracas et un petit groupe de personnes entra en trombe dans la pièce. Mon père se dirigea vers moi et me plaça dans son dos.

Les malheurs d'Endora ~ TerminéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant