Les malheurs d'Endora ~ Terminée

Chapitre 34

Cela faisait des heures que j'étais dans la salle d'entraînement pour essayer d'oublier. Mon corps était luisant de sueur. Chacun de mes muscles me faisait souffrir, mais je préférais largement ça à tout le reste.

Si ça se trouve, la première bombe avait déjà explosé. Des milliers de gens étaient peut-être déjà morts. Tout ça par ma faute.

Dès qu'une pensée surgissait, je frappais avec plus de force. Je courais à en perdre mon souffle. Ne pas s'arrêter. Jamais. Pour ne pas souffrir. Pour empêcher cette voix de me torturer.

À bout de souffle, je m'écroulai sur le sol en tatami. Un bruit sourd résonna dans la vaste pièce. Je me levai pour aller voir ce qui était tombé et aperçus un casque de musique. Au fond, sur une petite table, trônait un lecteur de disque. J'allumai le casque qui se connecta directement au lecteur.

Une douce musique se propagea dans mes oreilles. Je montai le son jusqu'à en avoir mal aux tympans. La musique me submergea. Elle éclipsa tout le reste. Je n'avais pas dansé depuis mon anniversaire.

Je me laissai emporter par la douce mélodie, virevoltant avec grâce en laissant les notes me dicter les pas. Puis le rythme accéléra. Désormais, il faisait écho à ma rage et à ma souffrance. Mes mouvements devinrent plus brutaux et plus amples. La danse me permettait de m'exprimer, de mettre des mots sur ce que je ne parvenais pas à dire.

Un pas à droit, une pirouette et le buste relâché en avant. Je ne comptais pas la musique pour une fois. J'improvisai juste, la laissant prendre le contrôle. Lui donnant tout ce que j'avais en moi ; le bon comme le mauvais, le bonheur comme la souffrance. Et elle les prit sans jugement, m'accueillant dans ses bras protecteurs.

Une unique larme roula sur ma joue alors que la musique se terminait doucement dans un decrescendo parfaitement orchestré. J'enlevai les écouteurs lentement. 

J'eus un sursaut lorsque j'aperçus un visage en diamant dans le miroir en face de moi. Il avait rasé sa barbe de quelques jours. Ses yeux me scrutaient intensément. Alors que je me relevai, il ne me lâcha pas une seconde.

— Lohan, qu'est-ce que vous faites-là ?

Ma voix se voulait souriante et enjouée. J'espérais que Lohan ne voyait pas clair dans mon jeu. Je n'étais pas prête à encaisser ses questions. Encore moins à tout lui expliquer sur Ange, ma mère et la guerre qui pendait au-dessus de ma tête comme une épée de Damoclès. J'étais impuissante à aider Endora, comme je l'avais été avec mon père, avec Galmain...

— Branack m'a dit qu'il y avait une salle d'entraînement. Je ne voulais pas perdre mes progrès et comme nous sommes coincés ici pendant un certain temps, j'ai pensé que c'était une bonne idée de continuer à m'exercer.

— Effectivement, acquiesçai-je en me détournant de lui.

La pièce était remplie de miroirs et je ne pouvais pas lui échapper. Je ne pouvais pas me dérober devant son regard puissant qui semblait vouloir lire dans mon âme. Depuis combien de temps était-il là ? M'avait-il vue danser ?

Les épaules de Lohan étaient tendues et je savais pourquoi. Il serrait ses mains d'anxiété sans pour autant cesser de m'observer. La pièce n'avait aucune ouverture sur l'extérieur. Lohan détestait ça.

— Je vais vous laisser alors.

Je ramassai la petite bouteille d'eau qu'Ascot - le chef cuisinier - m'avait passé et je pris ma serviette pour lui laisser la salle.

— Aliona.

Sa voix résonna. Forte et douce comme le velours. Un frisson parcourut ma colonne vertébrale en entendant les syllabes rouler sur sa langue.